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09/05/2007
Spcial Cannes 2007 (3)
Abdou Diouf : Lme africaine, un gisement exploiter


(MFI) En fvrier 2007, le Secrtaire gnral de lOrganisation internationale de la Francophonie, Abdou Diouf, assistait pour la premire fois au Fespaco, qui ftait son 20e anniversaire. Ceci quelques semaines aprs un colloque runi par lOIF Bruxelles, o une quarantaine dexperts du cinma et de la tlvision africaine ont dbattu sur le thme Quelle viabilit pour le cinma africain de demain ? A Ouagadougou, lancien prsident du Sngal sest exprim sur ltat du cinma africain et les enjeux de son dveloppement.

Jai toujours aim le cinma, aussi bien personnellement quen tant que prsident de la Rpublique du Sngal. Jai t trs fier de voir que les cinastes sngalais taient performants, et en particulier au risque de faire des jaloux un que jadmire, Sembne Ousmane. Pour moi, cest une icne, il a un talent fou et a ralis des uvres magistrales. Il est vrai que nous avons eu des relations difficiles. Chacun avait sa personnalit et sa propre perception. Mais nous finissions toujours par nous entendre !
Lorsque je me suis rendu au Festival de Cannes pour la premire fois en 2006, jai rencontr les principaux dcideurs du monde cinmatographique. Ils nous ont fortement interpells en nous disant que le cinma africain traversait de grosses difficults et quils avaient besoin quon se lance dans une rflexion de haut niveau.
Jai pens que la Francophonie ntait pas la seule institution concerne et quil fallait largir le spectre. Cest pourquoi nous avons tenu faire une runion, en fvrier 2007 Bruxelles, avec des institutions multilatrales et bilatrales intresses au soutien du cinma africain. Les recommandations qui en sont sorties devraient tre une bible pour nous tous. Le cinma africain a suffisamment de ressources, sil est aid, pour tmoigner de lidentit culturelle de lAfrique au niveau mondial et dabord au niveau de la coopration Sud-Sud. Il faut le sortir de la priode dincertitudes et dangoisse quil traverse.

Trois remdes pour une gurison

Condition essentielle, le cinma africain a dabord, selon les recommandations adoptes Bruxelles, besoin dtre soutenu par les tats et les gouvernements. Ces derniers ont le devoir de mettre en place ou de consolider un cadre fiscal et financier, lgislatif et juridique plus fort et plus incitatif. Car mme dans les pays o ce cadre existe, il y a encore des lacunes.
Ensuite, les oprateurs eux-mmes, crateurs, producteurs, ralisateurs, diffuseurs et exploitants de salles doivent se rendre compte que, mme sils ont des intrts diffrents, ils concourent tous atteindre le mme objectif : permettre lAfrique de parler au monde par le cinma, parce quil dlivre un message particulirement fort. Nous avons bien vu comment le film Indignes a permis de dbloquer une situation (la question des pensions accordes aux anciens combattants, ndlr) pour laquelle tous les responsables africains staient battus depuis lindpendance ! Au-del de la qute et de laffirmation de nos identits, le cinma permet aussi dexprimer, comme Abderrahmane Sissako la fait avec son film Bamako, les proccupations de nos populations et de nos Etats. Si lensemble de ces acteurs discutent en ayant pour but darriver un compromis dynamique , comme disait le prsident Lopold Sedar Senghor, cela nous permettrait davancer.
Le troisime problme, le nerf de la guerre, cest largent. Il existe dj des aides la production cinmatographique et tlvisuelle. Cest une symphonie, il faut que nous jouions notre partition avec dautres. Mais il faut aussi explorer et identifier dautres sources de financement. Il faut montrer aux bailleurs de fonds que les industries culturelles sont particulirement importantes pour le dveloppement de nos pays, non seulement pour nos problmes didentit mais aussi en terme de valeur ajoute. Au Qubec, les industries culturelles participent pour 10 % la richesse produite. Aux tats-Unis, le cinma est la premire industrie. Quand on voit la profondeur de lme africaine, les talents quil y a chez nous, nous avons un gisement norme que nous devons pouvoir exploiter.

Conjuguer leffort public et leffort priv

Pour cela, il faut identifier les aides, en avoir davantage et mieux les coordonner. LOIF est prte jouer le rle de catalyseur pour dvelopper lensemble des moyens dont le cinma africain a besoin. Je pense quil faut conjuguer leffort public et leffort priv. A lOIF, outre notre propre fonds daide, nous avons un fonds de garantie des industries culturelles pour permettre des privs, des banques dinvestir dans ce domaine-l. Nous sommes prts continuer la rflexion et laction pour arriver runir les moyens ncessaires la production, la diffusion et lexploitation.
Sur ce dernier point, il y a en Afrique le problme des salles de cinma qui disparaissent progressivement. Ceci doit attirer lattention des acteurs, des organismes de financement mais surtout des gouvernements africains. Jai entendu des complaintes partout, venues de Dakar, de Bamako ou de Ouagadougou propos des disparitions de salles. Il faut que cela me donne linspiration et la force pour rsoudre ces problmes en liaison avec tous ceux qui sy intressent et ont la force de le faire.

700 uvres cinmatographiques et audiovisuelles soutenues en vingt ans

LOIF est une petite organisation avec peu de moyens, mais nous avons lhabitude de tenir nos promesses. Prenez lexemple du combat titanesque que nous avons men pour la Convention en faveur de la protection de la diversit des expressions culturelles, entre en vigueur le 18 mars 2007 Deux jours avant la Journe de la Francophonie, cest symbolique ! Cette convention propose un fonds de coopration internationale et certains membres de lOIF ont dailleurs dj commenc prvoir des crdits pour ce fonds qui aidera les industries culturelles du Sud.
Tout le monde reconnat que lOIF soutient le cinma africain, et depuis longtemps. Nous avons aid la ralisation de 700 uvres cinmatographiques et audiovisuelles dont 170 longs-mtrages en vingt ans. Ces dix dernires annes, nous avons soutenu 100 films au March international du film Cannes. Si jai dcid dassister au 20 anniversaire du Fespaco, cest parce que cest un vnement extraordinaire et jai voulu montrer que la Francophonie le soutient, ainsi que le cinma africain.

Propos recueillis par Catherine Ruelle


Cet article est extrait de Cinmas africains daujourdhui, Guide des cinmatographies dAfrique, un livre ralis par Mdias France Intercontinents (MFI), lagence de RFI, en partenariat avec Canal France International (parution mai 2007). Il inaugure la collection des Passeports RFI, initie avec les ditions Karthala.
La politique ddition de RFI vise proposer au grand public des ouvrages de rfrence, sur des thmes intressant les millions dauditeurs de la radio mondiale, ainsi que tous les lecteurs et ils sont de plus en plus nombreux dsireux de mieux connatre leur environnement international.



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