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20/11/2007 | |||
Exposition Diaspora au Muse du Quai Branly (2) Yousry Nasrallah : Comme une grande blessure jamais cicatrise | |||
(MFI) Entre 1958 et 1970, la construction du barrage dAssouan a ncessit lvacuation de plusieurs milliers de villages nubiens dsormais enfouis au fond du lac Nasser, un rservoir de 162 km en plein dsert de Haute gypte. Yousry Nasrallah leur consacre son installation, Le fond du lac. Explications. | |||
MFI : Avec cette installation vido, vous vouliez, semble-t-il, remercier la centaine de milliers de Nubiens qui ont bien voulu sacrifier leur terre ancestrale pour le bien de tous les gyptiens. Etait-ce vraiment leur volont ? Yousry Nasrallah : Je ne crois pas que les Nubiens des annes soixante aient eu beaucoup le choix. Le Haut-Barrage dAssouan tait un projet phare de lEgypte indpendante. La nationalisation du Canal de Suez avait t effectue justement pour financer ce projet aprs le retrait de la Banque mondiale. Donc, ltat desprit des Egyptiens tait tout fait pour la construction du barrage. Les Nubiens qui sont des Egyptiens, historiquement dfavoriss taient en principe favorables au projet ; surtout que le gouvernement nassrien leur avait promis travail, ddommagement et des logements prs du Nil. Promesses qui nont pas t tenues. Les images de lexode des Nubiens de leur terre ancestrale sont bouleversantes. Et mme si dans le discours officiel des chefs de tribus nubiennes, il y a acceptation du dplacement, il nest pas difficile de simaginer quel point cet exode est vcu par tous les Nubiens comme une grande blessure jamais cicatrise. MFI : Que sont-ils devenus aprs la construction du barrage dAssouan ? Y. N. : Les Nubiens vivent aujourdhui dans des villages autour des villes dAssouan et Kom Ombo, dans le sud de lEgypte. Ils continuent faire partie des populations les moins favorises dEgypte et malgr les discours officiels les leurs aussi sur leur intgration totale dans la socit gyptienne, ils ne le sont pas. Exemple : il ny a pratiquement aucun speaker ou speakerine nubien la tl gyptienne. MFI : En quoi constituent-ils une diaspora ? En quoi sont-ils des passeurs ? Y. N. : La diaspora nubienne est double : depuis toujours, ils sont la main-duvre bon march dans les villes principales, Le Caire et Alexandrie. Et depuis les annes soixante, ils ne sont plus du tout chez eux. Les Nubiens sont des passeurs dans la mesure o ils me renvoient constamment ma part dAfricain. Je vis a trs bien, presque amoureusement. Mais je sais aussi que la plupart des Egyptiens refoulent cette part. Ils sassument en tant que musulmans ou chrtiens, arabes ou pharaons, mais rarement en tant quAfricains. MFI : Les Nubiens ont-ils une diaspora en Afrique noire, et ailleurs dans le monde ? Y. N. : Je ne suis pas Nubien, mais je sais que dans lancienne Egypte, il y avait une dynastie de pharaons nubiens, que dans le nord du Soudan, il y a des villages nubiens. Je sais aussi quil y a une communaut assez importante de Nubiens aux Etats-Unis. Jaime leur musique. Il y de grands crivains nubiens ils crivent en arabe comme Mohamed Khalil Kassem et Haggag Addoul. | |||
Propos recueillis par Antoinette Delafin | |||
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