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20/11/2007
Exposition Diaspora au Muse du Quai Branly (1)
Etre ici et dailleurs : une richesse autant quun dchirement


(MFI) Dans une atmosphre urbaine et nocturne, vidos, architecture sonore, danse, photographies, haute couture se croisent ou se rencontrent sur le thme de la Diaspora. Cette exposition sensorielle, conception originale de Claire Denis, est propose jusquau 6 janvier 2008 au Muse du Quai Branly, Paris.

Le parcours de cette exposition se voudrait celui dune humanit en mouvement et qui laisse le sentiment dun ailleurs qui nous est proche . Autre ide forte, prsenter une diaspora africaine non pas synonyme de perte didentit mais source denrichissement , explique Claire Denis. Pour ce faire, la cinaste a fait appel des artistes contemporains dont les uvres ont t fabriques pour loccasion. La plupart sont ses amis ou des gens rencontrs grce au cinma et ses films qui lui ont elle aussi permis de sortir de son territoire. On se sent tranger partir du moment o on a une fois, une seule fois suffit, quitt sa base.
La ralisatrice de Chocolat (1988) qui dit ne pas tre obsde par le continent africain o elle a grandi qualifie lAfrique de nounou cosmique , de centre de la plante. Pour elle, la premire diaspora africaine remonte aux origines de lhumanit, quand les premiers humains sont apparus en Afrique avant dessaimer le monde . Celle-ci est aujourdhui prsente sur tous les continents autant dhistoires individuelles ou de communauts. Mais cette ide de prsenter le mouvement, celui des peuples dAfrique vers les autres continents, en rfrence au peuplement premier de la terre , est loin de faire lunanimit (voir encadr Africultures).

Souligner des implantations constructives plus que des exils douloureux


En guise de bienvenue, dans la pnombre, on se retrouve face au photomontage dAgns Godard. Des femmes, des hommes, des enfants (ddi M. Mendy) est une fresque (16 mtres de large) prsente dans une bote lumineuse. Elle montre des silhouettes gantes de diffrentes gnrations dimmigrs, des plus jeunes en jean basket leurs mres en boubous, sous le regard complice dune copine blanche. Dans une pice adjacente, une chambre de bb, linstallation de Caroline Cartier nous aide comprendre qu tre ici, et dailleurs, est une richesse autant quun dchirement . Une bande-son o changent des voix enfantines passe en boucle. En sonink, Goguma a veut dire Ne pleure pas
Tous ceux-l il est vrai font dfinitivement partie de larsenal de nos souvenirs. Il en va de mme de la voix familire de Lilian Thuram qui rpond sur grand cran aux questions de Claire Denis. Pour le clbre footballeur, la vraie question cest comment on voit lautre ? Avec un sentiment de paternalisme ? Des deux cts ? On continue visionner les squences sur de petits crans fixs dans les couloirs. Superbe interview () sur un sujet compliqu ! , commente lulumarmelade sur dailymotion, le site internet o Diaspora a trouv une seconde vie (www/dailymotion.com). Belle rencontre. Quel superbe discours. Il est universel en cela quil peut sappliquer toutes les discriminations , poursuit Lillou4321 qui pense plus spcialement aux femmes.
La diaspora, dans son sens tymologique, cest la dispersion, frlant parfois la dissolution mais manifestant surtout la volont de rester relis , dit Claire Denis dont le parti pris est de souligner des implantations constructives plus que des exils douloureux . Ainsi peut-on admirer dans une galerie passante la beaut sublime des formes, des couleurs et des matires des robes de John Galliano (Robes Masa), issues de sa premire collection haute couture de chez Dior.
Toute personne qui quitte son pays risque sa vie, elle est oblige de croire en sa bonne toile, constate Claire Denis. Formes dexpressions de lexil, lerrance comme le voyage font partie des traits dinspiration des artistes convis. Ainsi dans Ombres, linstallation vido du Tchadien Mahamat Saleh Haroun, des esquisses de silhouettes, telles des mes errantes, voluent sur trois crans gants dans des dcors nocturnes issus de banlieues lointaines.
Ces destins arrachs leur terre dorigine et dont la route est synonyme de souffrance, on les retrouve aussi dans Le fond du lac, une vido ralise par lEgyptien Yousry Nasrallah (voir interview) qui voque celui des Nubiens lors de la construction du barrage dAssouan, en Haute-Egypte. Un nageur volue en apne au fond du Lac Nasser, dune ruelle lautre de leurs villages jamais abandonns.
Mouvement de vie, limmigration est souvent bonne pour la terre daccueil comme pour la terre des anctres. Mme ceux qui sont arrivs dans les cales des bateaux ngriers renvoient quelque chose lAfrique . Dixit Claire Denis. Ainsi en va-t-il peut-tre des personnes interviewes dans linstallation vido de Jean-Pierre Bekolo, Une Africaine dans lespace qui explore limaginaire de la diaspora africaine contemporaine aux Etats-Unis : la dernire frontire terrestre du rve .

Diaspora, Muse du Quai Branly, Paris, France. Jusquau 6 janvier 2008, www.quaibranly.fr

Cinma Diaspora

(MFI) En contrepoint de lexposition Diaspora, une programmation de films tablie par Thierry Jousse voque les multiples cinmatographies de la diaspora noire, de lAfrique aux Etats-Unis, en passant par le Brsil, Hati, les Antilles ou la France mtropolitaine. De lesclavage aux Black Panthers, de limmigration au mtissage, du colonialisme lmancipation de lAfrique, de la ngritude lapartheid, de la mmoire spolie aux mouvements de libration, des mlanges culturels aux revendications identitaires, sans oublier des genres musicaux comme la soul music amricaine et la samba brsilienne Jusquau 25 novembre 2007, accs libre dans la limite des places disponibles.

A. D.

Africultures / Muse du Quai Branly : un partenariat critique

(MFI) Parler de diaspora africaine, cest entrer de plain-pied dans lhistoire de la dispersion du peuple noir. Cest voquer bien plus quun concept linaire ayant pour point de dpart lAfrique et comme point de chute lOccident , rappelle Christine Eyene dans largumentaire du dossier Diaspora de la revue Africultures1, dont elle assure la coordination. Objectif : remettre dans son contexte lexposition en cours au Quai Branly. Face la brutalit et au traumatisme de lesclavage qui svit du 15 au 19 sicle, lAfrique se fait la pierre fondatrice dune identit noire , fait-elle remarquer. Une identit qui nest en aucun cas homogne .
La diaspora africaine reprsente au Quai Branly, cest par essence la circulation des ides et de lactivisme culturel dans le Triangle Noir , ou l Atlantique Noire . Et de souligner que celle-ci est dabord issue de lesclavage, puis de la colonisation et de la dcolonisation, ainsi que des phnomnes de migrations vers les anciennes puissances coloniales que les Africains considrent comme leurs propres pays, par acculturation , estime-t-elle.
En France ou en Angleterre, lexprience se vit comme un choc culturel . Africultures a rendu compte depuis dix ans des diasporas2. Le prochain dossier se veut un numro manifeste . Il est ralis en partenariat avec le Muse du Quai Branly : un signe que le trs contest muse, en partie hritier du Muse des Colonies, est prt senrichir des connaissances que possde la diaspora africaine de France . Mme Eyene se dfend par avance de remplir un simple rle d informateurs indignes au sens o lentendrait Gayatri Spivak . Elle lui prfre Michel Foucault, et ses tudes sur les rapports pouvoir/savoir . Dont acte.

A. D.

1. N 72, paratre en dcembre 2007. Christine Eyene est correspondante dAfricultures Londres depuis 2002.
2. Migrations intimes, n68, 2006 ; Mtissages : un alibi culturel, n64, 2005 ; Lafricanit en questions, n41 2001 ; Brsil Noir, n34, 2001 ; Cuba lAfricaine, n17, 1999.

Antoinette Delafin

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