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| 11/12/2007 | |||
| Prsence Africaine : un monument laltrit | |||
| (MFI) Vigie du monde noir, la revue Prsence Africaine (1) a souffl cette anne ses soixante bougies. Cette longvit, exceptionnelle pour une revue culturelle, se fonde dans les rves et actions de son fondateur visionnaire qui avait su mobiliser tous les hommes de bonne volont, irrespectivement de leur appartenance raciale, sur son projet de crer un support la renaissance en marche de lhumanit noire et laffirmation de loriginalit de sa civilisation. | |||
| Cette revue ne se place sous lobdience daucune idologie philosophique ou politique. Elle veut souvrir la collaboration de tous les hommes de bonne volont (blancs, jaunes ou noirs), susceptibles de nous aider dfinir loriginalit africaine et de hter son insertion dans le monde moderne. Cest sur cette profession de foi dune modernit sidrante que souvrait, il y a soixante ans, le tout premier numro de la revue Prsence Africaine, dat doctobre-novembre 1947. Devenue une vritable institution parisienne, cette revue dune longvit exceptionnelle se consacre depuis six dcennies, sans interruption, la connaissance et la diffusion de la culture, de la pense et des littratures de lAfrique et de sa diaspora. Pour paraphraser lcrivain et universitaire V.-Y. Mudimbe qui lui a consacr un remarquable ouvrage intitul Le discours subreptice, Prsence est un monument rig par les coloniss au cur mme de lhgmonie impriale occidentale pour affirmer haut et fort le droit laltrit. Niam Ngoura ou les raisons dtre Revue dont mergera deux ans plus tard la maison ddition du mme nom, Prsence a t fonde dans limmdiat aprs-guerre, sur linitiative du Sngalais Alioune Diop qui avait commenc sa carrire en tant que haut fonctionnaire de ladministration coloniale. Proche des intellectuels africains, antillais ou amricains noirs qui avaient fait de Paris la capitale des lettres noires, ce dernier rflchissait depuis plusieurs annes la cration dune grande revue culturelle africaine qui aurait pour mission la dfense et lillustration des cultures dAfrique et de sa diaspora. Pour Diop et ses amis, lmancipation de lAfrique passait par la rhabilitation de sa culture qui avait t trop longtemps mprise. Mais depuis le dbut du 20e sicle, avec la dcouverte des arts ngres qui allait profondment influencer lvolution de lart europen, avec la parution des oeuvres des nouveaux ethnologues (Lon Frobenius, Thodore Monod, Robert Delavignette) rvlant la richesse des civilisations pr-coloniales, et, enfin, avec la monte de la grande posie de la ngritude, une vritable rvolution stait mise en marche, transformant le regard port sur lthique et lesthtique ngro-africaines. Aux yeux de ses crateurs, Prsence Africaine devait servir de support cette prise de conscience historique. Le volume inaugural de la revue comptait 196 pages et comportait, outre des crits littraires dAfricains et des chroniques consacres aux arts et cultures du monde noir, des textes de soutien signs par la fine fleur de lintelligentsia parisienne de lpoque: Andr Gide, Jean-Paul Sartre, Emmanuel Mounier, Albert Camus, Michel Leiris et Boris Vian, pour ne citer que les plus connus. Ces derniers voyaient dans la revue un moyen de faire entendre la voix du peuple noir que lHistoire avait injustement rduit au silence. Dans son ditorial, Alioune Diop fixait pour sa part les raisons dtre de la revue: dfinir loriginalit africaine et hter son insertion dans le monde moderne . Une mission dont la revue sacquitte depuis six dcennies avec une fidlit exemplaire, ouvrant ses colonnes tous les courants et traitant des thmes divers : le mythe du ngre, lafro-centrisme, le panafricanisme, le travail en Afrique, la condition de la femme africaine, la ngritude, etc. De la revue ldition Paralllement, la revue a vu son audience se renforcer avec lorganisation sous son tiquette de congrs, de colloques, de festivals tous azimuts et la cration en 1949 de la maison ddition. Celle-ci a t, dans les annes cinquante et soixante la principale ditrice des littratures noires et dessais de sciences humaines consacrs au monde noir. Le catalogue de Prsence Africaine est impressionnant. Nombre de livres dits par la maison de la rue des Ecoles sont devenus des classiques : Nations ngres et cultures de Cheikh Anta Diop, Le Cahier dun retour au pays natal et Discours sur le colonialisme dAim Csaire, Les Contes dAmadou Koumba de Birago Diop, Ville cruelle de Mongo Bti, Le mandat de Sembne Ousmane, Sous lorage de Seydou Badian, Le pleurer-rire dHenri Lopes, Le Monde seffondre de Chinua Achebe, Linterprte de Wole Soyinka, Les ptales de sang de Ngugi wa Thiongo. Depuis la disparition de son fondateur en 1981, Prsence Africaine vit un peu sur ses lauriers et na plus les moyens de concurrencer les grandes maisons ddition franaise qui ont fait main basse sur les crivains africains les plus talentueux. Mais le prestige de la maison est rest intact, comme en tmoigne la foule compacte qui assistait rcemment aux commmorations du cinquantenaire du Premier Congrs des crivains et artistes noirs qui sest tenu en 1956 sous la houlette de Prsence Africaine et qui fut un moment primordial dans lmergence de littratures modernes en Afrique et aux Antilles. (1) La revue Prsence Africaine est son 173e numro. Site : www.presenceafricaine.com | |||
| Tirthankar Chanda | |||
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