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| 18/03/2008 | |||
| Cinma du rel Un portrait saisissant de ltat de la plante et des hommes qui y vivent | |||
| (MFI) En plein cur de Paris, le Centre Georges Pompidou accueille chaque anne un festival international qui a su simposer au fil du temps comme lun des grands rendez-vous du film documentaire. Pour sa 30 dition, du 7 au 18 mars 2008, le festival Cinma du rel proposait une fois de plus une programmation audacieuse et riche en dcouvertes. | |||
| Le festival Cinma du rel simpose aujourdhui comme lun des grands rendez-vous du film documentaire, un genre la fois foisonnant et multiforme. Sa directrice artistique, Marie-Pierre Duhamel Muller, avait dailleurs indiqu que la slection de cette 30 dition traduirait la fois linstabilit, lincertitude et la recherche . Pari plutt russi pour cette cuve 2008 qui a runi des cinastes venus de tous horizons, du Mexique au Sngal, de la Chine aux Etats-Unis ou au Brsil. Ils transcrivent, chacun leur manire, toutes les ralits du monde. Des images sans doute trop rarement diffuses sur nos crans de tlvision pour certaines en raison de leur format. Quelques-unes des uvres proposes dans les programmes spciaux avoisinent les 600 minutes ! Mlant cinastes confirms et nouveaux talents, le festival Cinma du rel proposait toutefois des courts, moyens ou longs mtrages tout fait accessibles aux formats tlvisuels. Des films dautant plus utiles quils renvoient un portrait saisissant de ltat de la plante. Bouleversements des traditions, modernisation, mondialisation, migrations, errances, autant de thmes voqus dans les quelque 150 films prsents cette anne, dont 28 en comptition internationale, provenant dune vingtaine de pays. Le Grand Prix du Cinma du rel est all lAllemand Volker Koepp pour Holunderblte (Fleur de sureau), un film sensible qui montre le quotidien des enfants de la rgion de Kaliningrad (ancienne Prusse orientale), annexe par la Russie aprs la Seconde Guerre mondiale. Dserte par ses colons russes ou baltes, cette enclave russe en Union europenne, entre Pologne et Lituanie, nest plus quunivers dexclus o seuls demeurent les vieux et les enfants qui continuent pourtant rver. Autre univers, ravag lui aussi par lalcool, dans Gugara, des Polonais Jacek Naglowski et Andrzej Dybczak (prix Ralits de lImmatriel). O lon dcouvre une famille de nomades Evenks sdentariss, qui redcouvrent leur culture la tlvision. Forcs dadopter le mode de vie russe, ils ont oubli jusqu leur langue, leurs steppes et aussi leurs chers rennes qui faisaient pourtant partie deux-mmes avant la colonisation. Le Chamane, son neveu et le capitaine, du Franais Pierre Boccanfuso (mention spciale) voque lui aussi de manire forte cet clatement des socits traditionnelles. Il nous emmne dans un village de montagnards de lle de Palawan, aux Philippines, o le cinaste a su planter (et faire oublier) sa camra. Il nous fait vivre comme si on y tait les drames de ses habitants, dpasss par la modernisation et atteints les uns aprs les autres par de nouvelles maladies, lies peut-tre aux dforestations massives auxquels ils participent leur insu. Les migrants, cette partie de lhumanit prive de territoire Survivre, cest aussi le thme de Podul de flori, du Roumain Thomas Ciulei (Prix des bibliothques), qui voque la migration des femmes des villages de Moldavie, contraintes travailler ltranger pour combler les dettes de leurs familles, laissant ainsi les pres seuls la maison avec leurs enfants. A linverse, dans Querida Mara, Cartas de un viaje pour la Patagonia, lArgentin Carlos Etcheverria nous convie un voyage en Patagonie, dans un bus qui parcourt prs de trois mille kilomtres sur les routes de cette contre inhospitalire, avec un groupe de saisonniers partis tondre la laine tant prise de ses moutons. Leur migration annuelle implique souffrances et privations, racontes en voix off par lun deux, sous forme de lettres envoyes son pouse reste la maison avec les enfants. Un rcit qui ressemble celui de tous les migrants du monde, cette partie de lhumanit prive de territoire et contrainte un dplacement infernal pour sa propre survie. A cet gard, La Frontera infinita (Prix Joris Ivens), du Mexicain Juan Manuel Sepulveda, atteint des sommets en termes de dramaturgie et de mise en scne du rel , entre grand reportage et pope lyrique. Camra lpaule, le cinaste a film le priple infernal de ces populations dAmrique centrale (environ 500 000 personnes par an), meurtries par les guerres et les dictatures, qui tentent indfiniment de gagner la frontire du Mexique et de lArizona (Etats-Unis). Des images bouleversantes dont on a le pressentiment quelles nous hanteront longtemps. Notamment, cette scne prise de la cabine du conducteur dun de ces trains du diable (beaucoup de migrants ont t mutils en voulant monter clandestinement leur bord, perdant une jambe ici, une main l). De la locomotive qui avance lentement, on voit surgir des fourrs des grappes de migrants dont on sait maintenant les histoires, sur un air de violoncelle qui appelle la mlancolie. Lmancipation des uns se paye au prix de la servitude des autres De lautre ct de locan Atlantique, dautres fous de la migration tentent eux aussi de quitter tout prix le Sngal dans Barcelone ou la mort (Prix Louis Marcorelles). Son ralisateur, Idrissa Guiro, propose une approche sociologique de ce drame de la jeunesse dpourvue dhorizons. Dans le village de Thiaroye, il fait parler les pcheurs lbous sur les raisons qui les poussent fabriquer inlassablement de nouvelles pirogues pour lexil en loccurrence, la concurrence des chalutiers en haute mer qui les prive de poissons sur les ctes. Il fait parler aussi ces mres qui prfrent envoyer leurs enfants la mort plutt que de les contraindre rester dans la mendicit leurs cts. Et linstituteur, qui a choisi de rester et tente en vain de tracer les voies pour un horizon plus viable. Autre ralit de la jeunesse sngalaise dans Le monologue de la muette (slection franaise), crit par Khady Sylla et ralis par Charlie van Damme. Un film qui nous fait pntrer dans lunivers des petites bonnes de Dakar elles seraient 150 000, rien que dans la capitale sngalaise, surexploites, le plus souvent, par une bourgeoisie sans scrupule. Camra miraculeusement plante dans la cuisine de la matresse des lieux en grand boubou, qui a accept de jouer son propre rle tandis quon la voit infliger un dur traitement la jeune Ami, tout juste arrive de son village lointain o dj, depuis des lustres, la scheresse conduit traditionnellement les familles lexode. En voix off, le rcit imaginaire de la bonne (analphabte) qui commente son quotidien fait de vexations et de cadences infernales. Ponctu par les scansions de rappeuses-slameuses : Lmancipation des uns se paye au prix de la servitude des autres ou encore Rights now, car Spartacus est avec nous Ces deux films, sur une jeunesse sngalaise ballotte entre dsir de russite dans son propre pays et exode prilleux vers lOccident, rejoignent bien des gards les ralits en images de tant dautres rgions du monde, montres lors de cette trentime session du Cinma du rel. http://www.cinereel.org | |||
| Antoinette Delafin | |||
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