| |||
08/04/2008 | |||
Gaston-Paul Effa : romancier ou anthropologue | |||
(MFI) Nous, enfants de la tradition, son septime roman, est la fois lgiaque et critique. Lauteur camerounais y incrimine la socit africaine englue dans des traditions millnaires qui empchent lindividu de spanouir. | |||
Pourquoi faut-il lire Gaston-Paul Effa ? Pour la grce et la splendeur de sa langue. Cest en vritable styliste du franais qucrit ce Camerounais talentueux qui explique volontiers comment il est devenu esclave de cette langue bien que celle-ci soit arrive au Cameroun dans la valise du colonisateur. Jentretiens une relation la fois de fascination et dambigut avec le franais , aime-t-il rpter. Et de raconter : Dans mon village, lcole tait dirige par des religieuses franaises. Chaque vendredi nous avions droit une dicte. Et nous recevions autant de coups de bton que nous avions fait de fautes. Jaurais eu toutes les raisons de dtester cette langue. Pourtant, je lai dsire ! Comme on dsire ce qui nous chappe. Je voulais tellement la dominer, la matriser que je suis devenu son esclave. Jtais prt tout pour la possder. Son esclave mais aussi son matre, comme le prouve encore son nouveau roman. Nous, enfants de la tradition est un hommage de lauteur son Afrique natale ( le pays o lair a la couleur de lamande, o les fticheurs marchent sur les pierres chaudes comme des chvres sauvages ) malgr la critique cinglante quil fait dans ce livre de la socit africaine englue dans ses traditions si meurtrires pour lpanouissement de lindividu. Accabl par le poids de la tradition Au cur du rcit, Osele. Lan de trente-trois enfants, cet lve brillant est envoy en France par sa communaut pour quil puisse parachever avec succs ses tudes dingnierie. Une fois les tudes termines, celui-ci sinstalle dans son pays dadoption. Mari une Franaise, pre de deux enfants, il expdie tout son salaire aux siens, au grand dsespoir de son pouse qui a du mal joindre les deux bouts avec son seul salaire denseignante. Exaspr par la tradition qui veut que lAfricain qui russit doit porter bout de bras toute sa communaut pendant le reste de sa vie sous prtexte que la communaut a financ ses tudes, Hlne met son mari la porte. A la faveur de cette rupture conjugale, livr lui-mme dans un foyer Sonacotra o il vit dsormais, Osele rflchit au poids de la tradition qui a empoisonn son existence et la loign de ceux qui lui sont chers. Dans la solitude de son exil intrieur et extrieur, il se remmore le pass, les liens solides qui le rattachent sa terre natale. Mais il en veut sa famille de ne pas tenir compte de ses besoins dpanouissement personnel, de ses responsabilits de pre de famille. A travers les pages qui sont autant dhymnes la beaut, la nuit et aux mystres dune Afrique peut-tre perdue tout jamais, jaillit le cri de cur du jeune narrateur accabl par le poids de la tradition. Il y a de la nostalgie, mais aussi beaucoup damertume et dironie. A tous les coups, scrie Osele, on dira que jai tort face la tradition. On a toujours tort face elle. Il faut lui obir, se soumettre elle, parat-il. Mais moi, jai envie de lui commander, je serai plus fort quelle. Vraiment jaurais aim rire de cette lgende : Job se promenait au pied du mont Cameroun avec dans ses bras une calebasse pleine de traditions. En grimpant, il avait trbuch et le vase de traditions stait rpandu travers toute lAfrique, qui devint ainsi le continent le plus poreux aux us et coutumes Un conte contemporain plutt quun roman Malgr lrudition et les clats dune langue souvent lyrique, on est un peu frustr par la simplicit de lintrigue de ce roman. Il manque la complexit des tres et de la narration qui est le vritable ressort de la bonne fiction. Mais en fin de compte, il ne sagit peut-tre pas ici dun roman dans le sens classique du terme, mais plutt dun rcit anthropologique sur le thme du don, sur le conflit des gnrations au sein dune Afrique millnaire. En somme, un conte contemporain sur la guerre des anciens et des modernes, avec pour cadre la France-Afrique qui est moins une gographie quun territoire du vcu et de lesprit. Nous, enfants de la tradition, par Gaston-Paul Effa. Editions Anne Carrire, 166 pages, 17 euros. | |||
Tirthankar Chanda | |||
|