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10/06/2008 | |||
Mahaleo ou Madagascar en chantant | |||
(MFI) A l’occasion de la fête de la musique, le 21 juin, Arte a concocté une programmation entièrement musicale. Entre Hurricane Festival de Hannes Rossacher et Rigoletto, le célèbre opéra de Verdi, la chaîne franco-allemande propose Mahaleo, le film de Paes et Rajaonarivelo sorti en 2005. A ne pas manquer pour la beauté de la musique qui rythme ce voyage au cœur des préoccupations de la société malgache. | |||
A l’écran, des images du 13 mai 1972 se succèdent. Des archives en noir et blanc qui montrent le début de la grève générale des lycéens et des étudiants malgaches qui s’est propagée à l’ensemble de la société et a abouti au renversement du président Philibert Tsiranana – symbole honni du pouvoir « néocolonial ». Dadah, un jeune homme aux allures romantiques, chante avec ferveur devant une foule enthousiaste l’Hymne des grèves qu’il vient de composer avec son frère Nono. Le groupe Mahaleo – qui signifie « libre » en malgache –, vient tout juste de naître. Les deux complices ont enseigné leurs premières notes de guitare à deux autres frères, Raoul et Dama, bientôt rejoints dans le groupe par Bekoto, Fafa et Charles, des musiciens de l’orchestre du lycée. « J’aimerais de tout mon cœur que tu deviennes mon amie (…). Hélas, hélas, je demande l’impossible (…). Je reste là, au bord des larmes plein du désir que je n’assouvirai jamais. Et pourtant, mon amour pour toi, Liberté, est violent et obstiné » (Rafahafahana, Liberté, Dadah, 1985). Trente-cinq ans plus tard, Mahaleo berce encore la vie des habitants de la Grande Ile. D’où l’idée de deux cinéastes, l’un malgache, Raymond Rajaonarivelo (Tabataba, Quand les étoiles rencontrent la mer...), l’autre né au Brésil, César Paes (Le Bouillon d’Awara, Saudade de futuro…), de conjuguer leurs talents pour écrire, avec la complicité de Marie-Clémence Paes, puis de réaliser ce film destiné à faire mieux connaître ce groupe mythique dont la renommée n’a guère franchi les frontières. Et pour cause. « Montre-toi résolu ou des nuées de rapaces vont te dévorer » « Quand le ventre est vide, l’esprit s’égare. Tu crois que les Ancêtres t’ont abandonné et ne te protègent plus. (…) Montre-toi résolu ou des nuées de rapaces vont te dévorer. » (Raha noana ny kibo, Le Ventre vide, Raoul, 1990) Entre deux concerts, les membres du groupe exercent tous des professions à dimension fortement humaine. C’est donc sur leurs lieux de travail que l’équipe est allée les trouver. De l’hôpital où Dadah exerce ses talents de neurochirurgien à l’Assemblée nationale où Dama est député en passant par le village aux paysages somptueux où Raoul est en même temps agriculteur, médecin généraliste, auteur-compositeur interprète et luthier. Sur les hauteurs de Tana, où dans la rue chaque mètre carré grouille d’activités, la caméra surprend la peine d’une femme qui gravit lentement les mille et une marches de l’escalier, un enfant calé sur la hanche, jusqu’au palier où un jeune homme très assidu fait sa gym quotidienne. Focus plus tard aussi sur un carrefour où les voitures au ralenti tentent de franchir sans trop de dommages les montagnes russes qui se sont formées sur la chaussée en terre. « La nuit ici n’est pas sereine. La sauvagerie y est reine » « La nuit ici n’est pas sereine. La sauvagerie y est reine. Le sommeil sur le fil du rasoir. La peur des bandits dans le noir (…). Il n’y a que l’unité qui pourra nous protéger… » (Alina mangina, La nuit sereine, Dama , 2000). Outre le plaisir de goûter à la poésie de cette folk-musique à la malgache qui mêle contestation, revendications, amour et amitié, espoirs, les chansons (sous-titrées) collent à merveille aux différentes situations. Une musique qui rythme ce voyage au cœur des préoccupations de la société malgache, prétexte même à entrer (en très gros plan) dans l’intimité d’une réalité qu’on évoque trop rarement. « Il est fou de joie, Lendrema. Il erre dans la campagne, paumé et sans le sou » Et qu’on apprécie encore plus quand, à la fin du film, le groupe se reforme pour un live. Mères courages comme petits voyous, dans la foule, toutes les générations se retrouvent dans les paroles de ces chansons qui les touchent au fond du cœur. Peut-être le meilleur moment. « Il est parti Lendrema. C’est le fils de Ralay. Il a quitté son village Lendrema, le rebelle. Insolent avec ses parents, glandeur, voyou (…) Il s’est tiré à Tana (…). On l’a retrouvé à l’asile au milieu des fous et des voyous (…) Il est fou de joie, Lendrema. Il erre dans la campagne, paumé et sans le sou… » (Lendrema, Bekoto, 1974). Quant aux Malgaches de la diaspora, ils ont eu eux aussi leur comptant d’émotion et de plaisir lors des deux concerts à guichets fermés qui se sont tenus à l’Olympia, la célèbre salle parisienne, à l’occasion du 35e anniversaire du groupe. Un spectacle filmé, à voir et à écouter sur la longbox collector sortie début mai. Mahaleo, de Paes et Rajaonarivelo, sur Arte, le 21 juin 2008 à 15 heures 30. (2005, 102’). Live à l’Olympia, 35è anniversaire : un DVD de 33 titres (2 h 30) et un CD de 20 titres dont 12 inédits. Contact Laterit productions : laterit@laterit.fr ou www.mahaleo.com. | |||
Antoinette Delafin | |||
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