| |||
20/08/2008 | |||
Sahar Kalifa, une romancire palestinienne | |||
(MFI) Sahar Kalifa, auteur de six romans, est une des plus grandes romancires palestiniennes. Dans son dernier roman, Un printemps trs chaud, elle brosse une fresque bouleversante de la ralit de son pays. Elle met en scne les dilemmes dune jeunesse tiraille entre ses rves davenir et le devoir envers la patrie viole, humilie sous le regard de ses chefs corrompus et dune opinion internationale trangement silencieuse. | |||
Aprs le regrett Mahmoud Darwich, Sahar Kalifa est sans doute lcrivain palestinien le plus connu. Originaire de Naplouse, cette sociologue et universitaire de profession a enseign pendant plusieurs annes luniversit de Bir-Zeit, dans les territoires palestiniens occups, o elle a fond le premier Centre dEtudes fminines du monde arabe. Cest cette veine fministe quelle na cess dexploiter et damplifier depuis son premier roman, Nous ne sommes plus vos esclaves. Paru en 1974, ce livre a donn lieu une srie tlvise trs regarde en Palestine et ailleurs dans les pays musulmans. LImpasse de Bab as Saha est un autre roman sous la plume de cette conteuse hors pair qui a profondment marqu limaginaire palestinien. Chronique - sur fond dIntifada - de la vie quotidienne des femmes de Naplouse, ce livre montre avec finesse la double oppression dont les Palestiniennes sont victimes, celle perptre par loccupant juif, mais aussi et surtout celle des hommes de leur propre communaut. Dans lune des scnes les plus mmorables de ce rcit construit comme un drame antique, la prostitue Nouzha rvle la jeune combattante idaliste quelle a recueillie chez elle. La douleur dtre femme en Palestine Ne crois pas que les soldats israliens soient les seuls hommes monter chez moi . Il savre que tous les notables de Bar as Saha ont t un jour ou lautre client de cette femme rejete par tous, accuse de collaborer avec les occupants juifs. A travers mes rcits, je tente de raconter la condition honteuse de la femme dans notre socit, explique la romancire. Mes confrres masculins prfrent mettre laccent sur le versant politique plutt que sur laspect social car ils nont pas connu la douleur dtre femme en Palestine. Lintrt de Sahar Kalifa pour la question fminine a son origine dans sa propre exprience de femme. Marie par sa famille lge de dix-huit ans, elle a vcu pendant plusieurs annes la vie de femme soumise et dpendante. En 1972, au terme dun mariage malheureux qui a dur treize ans, elle obtient le divorce. Cest une vritable renaissance, ma vraie date de naissance, aime-t-elle dire. Cest surtout le dbut dune vie de femme indpendante qui va conduire Kalifa jusquaux Etats-Unis. Bnficiant de la prestigieuse bourse Fulbright, elle va faire des tudes suprieures luniversit de lIowa. Docteur en littrature anglo-saxonne, elle revient en 1988 en Palestine o elle se lance dans lenseignement, tout en poursuivant sa carrire de romancire. Elle a aujourdhui six romans son actif, dont la plupart ont t traduits en franais, en allemand, en hollandais et en hbreu. La patrie est pnible la guerre, les ruines Outre la thmatique fministe, les crits de Sahar Kalifa voquent la guerre civile, lhistoire et le destin de sa terre natale. La patrie est pnible la guerre, les ruines, confiait-elle rcemment une journaliste dAl-Ahram. Celui qui habite la patrie, comme nous, sait combien nous laimons et la hassons la fois. Je hais lignorance, les esprits borns, les rgimes au pouvoir, je hais le fait dtre assig au sein de la famille. Je dteste le regard que la socit porte sur moi en tant que femme, cest--dire crature faible et puise, je dteste les lois civiles et les lgislations. Je hais tout cela et je ne peux pas le changer. Mais jaime mon pays. Jaime les gens, la nature, lancienne Naplouse ravage aujourdhui par les Israliens, son architecture et ses votes, jaime aller Jrusalem et regarder de loin le magnifique dme au moment du coucher du soleil. Croiser au lever du jour les paysans, chargeant leurs montures de figues et de lait Ahmad est amoureux de Mira, qui vit de lautre ct de la barrire Cest entre nostalgie et ralit que se situe le nouveau roman de Sahar Kalifa, traduit en franais sous le titre Un printemps trs chaud. La ralit que ce roman dcrit est celle de la cohabitation impossible entre Juifs et Palestiniens sur une terre spare par cltures mtalliques qui vont se transformer en murs. La tension, les imprcations, la nouvelle Intifada sont racontes travers le regard du jeune Ahmad qui est amoureux de Mira, ladolescente juive qui vit de lautre ct de la barrire, dans la colonie isralienne de Kiryat Sheiba. Il y a quelque chose de Romo et Juliette dans ce rcit contemporain de guerre des familles et des peuples. Mais ici, sans doute parce que le dsespoir existentiel est si profond, la tragdie survient avant mme que lamour ne puisse spanouir. Romo de Sahar Kalifa est un futur terroriste et le destin de Juliette-Mira est de survivre aux malheurs de son pays o la beaut a disparu. Dsormais il y a des militaires, un char et mon pre qui pleure . Npargnant ni envahisseurs ni victimes, la romancire palestinienne nous entrane au cur des tnbres do on ne revient pas indemne. Un printemps trs chaud, par Sahar Khalifa. Traduit de larabe par Ola Mehanan et Khaled Osman. Editions du Seuil, 2008. 308 pages, 20 euros. LImpasse de Bab as Saha, par Sahar Khalifa. Editions Flammarion, 1997. | |||
Tirthankar Chanda | |||
|