Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Culture Socit Liste des articles

23/09/2008
Festival des Francophonies en Limousin
Marie-Agns Sevestre : Donner plus de visibilit aux auteurs


(MFI) Fond en 1984, le festival des Francophonies en Limousin (23 septembre au 5 octobre 2008), fte cette anne sa vingt-cinquime anne dexistence. En un quart de sicle, ce festival lemblme dun zbre symbolisant le rapprochement des imaginaires francophones, est devenu un des grands lieux de rencontre des auteurs et artistes dramatiques de langue franaise. Entretien avec sa directrice.

MFI : Comment est ne lide de ce festival ?

Marie-Agns Sevestre : Cr par Pierre Debauche en 1984, ce festival a t fortement marqu par la personnalit de son fondateur. Grand professionnel de thtre et proslyte de la langue et de la culture franaises, celui-ci rvait dun espace qui pourrait runir diffrents artistes exerant leur pratique thtrale dans les pays francophones. Cest auprs dAim Csaire, que Debauche avait suivi la Martinique en 1978, quil a pris conscience de la diversit et de loriginalit des uvres littraires issues de lespace francophone. A son retour en mtropole, il cherchait un espace pour concrtiser son rve. La ville de Limoges, qui navait alors pas de tradition francophone particulire, a saisi cette opportunit car elle y a vu une chance de renouer avec le monde, comme aux beaux jours de son industrie porcelainire dclinante.

MFI : Aprs avoir dbut comme une rencontre autour du thtre francophone, les Francophonies ont volu pour devenir le festival pluridisciplinaire daujourdhui. Quelles ont t les grandes tapes de cette mutation ?

M.-A. S : Si Pierre Debauche a cr le festival, cest son assistante Monique Blin, devenue la directrice de la manifestation aprs le dpart de son fondateur au bout de deux ans, qui a russi asseoir sa rputation. Comment ? En y faisant venir le Congolais Sony Labou Tansi, le Canadien Robert Lepage, le Libanais Wajdi Mouawad, le prix Nobel franco-chinois Gao Xingjian, qui sont aujourdhui des grands noms de la francophonie littraire et culturelle. Monique Blin a surtout permis de dcouvrir le thtre africain quelle connaissait bien et quen France on ne connaissait pas du tout. Elle a t lune des premires prsenter au public hexagonal le thtre de Wole Soyinka. Cest aussi sous sa direction que les Francophonies sont devenues un festival pluridisciplinaire avec lintroduction de lopra, de la danse et dautres genres encore. Patrick Le Mauff, qui a pris le flambeau en 2000, a mis en pratique lidal de pdagogie Nord-Sud cher au fondateur des Francophonies, en crant des structures pour la formation des metteurs en scne. Il a aussi favoris un meilleur accueil des artistes trangers.

MFI : Vous avez succd Le Mauff en 2006. Quel regard portez-vous sur lhritage de vos prdcesseurs ?

M.-A. S : Cest un hritage trs riche et jessaie daller de lavant en mappuyant sur les acquis de chacun. Juvre notamment dans deux directions. Premirement, je voudrais donner une plus grande visibilit aux auteurs. Pour cela, jai mis en place, en marge du festival, Les Nouvelles Zbrures qui est une rencontre littraire. Elle a lieu tous les ans en mars et permet de faire entendre, travers des lectures, de nouvelles voix, de nouveaux imaginaires dramatiques. Jessaie aussi, au sein du festival, de donner aux auteurs le temps ncessaire pour laborer des projets au long cours. Jinvite les artistes pendant deux annes successives, comme je le fais cette anne avec Marcel Bozonnet de la Comdie franaise, qui est en train de travailler sur la mise en scne du Roman des Babars, lun des plus grands cycles narratifs populaires arabes. Le public des Francophonies pourra ainsi participer cette anne aux rptitions et aux ateliers de recherche avec toute lquipe franco-syrienne de Bozonnet, avant dassister la cration du spectacle lanne prochaine. Jai galement constitu cest lautre versant de mon travail un rseau de diffuseurs en France afin que les spectacles crs, montrs au public limousin, puissent tourner ensuite et tre vus sur dautres scnes nationales.

MFI : Lun des acquis de cette manifestation nest-il pas davoir rvl quau-del de la communaut de langue il existe une communaut de sensibilits, de valeurs et dimaginaires ?

M.-A. S : Jen suis convaincue. Cest dailleurs la raison pour laquelle jai intitul mon ditorial qui ouvre la programmation de cette anne La Francophonie Limoges : une faon de sapproprier le monde . Rien nillustre mieux cette communaut de sensibilits que le spectacle sur la migration clandestine mise en scne par Younouss Diallo, Michael De Cock et Michel Bernard et que lon pourra voir cette anne Limoges. Les journaux ont souvent parl de ces clandestins africains qui partent pour lEurope sur des pirogues en bois, au pril de leur vie, mais le spectacle du trio belge Febar qui veut dire la fivre, en wolof tente de saisir la dimension universelle de cette tragdie du clandestin, comme aucun journal ou magazine na jamais russi faire. Ce spectacle nous rappelle que le clandestin, ce nest pas seulement lAfricain qui part et se noie, mais cest aussi nous qui regardons cette tragdie du haut de nos forteresses bourgeoises et obscnement prospres. Cet engagement moral et littraire des artistes dfinit la francophonie qui est hritire la fois des valeurs de la Rvolution franaise et de celles de la rsistance anti-coloniale. La francophonie a dautant plus besoin de cet engagement-l quelle est problmatique, travaille par les rapports de force entre nos nations aux intrts disparates.

MFI : Deux mots sur la programmation de cette anne ?

M.-A. S : On pourra voir cette anne du thtre, de la danse, du cirque, de la musique, des expositions dart plastique et de photographie. Une programmation qui est, je crois, la mesure de la diversit du gnie cratif francophone. Cette programmation qui se veut populaire fait une large place cette anne au Canada et Madagascar. Nous avons aussi programm, avec des artistes locaux, des spectacles de hip hop, de rocknroll ainsi que des rcitals de posie qui se drouleront non pas en salles, mais sur des esplanades, des places publiques. Ils nous permettent daller la rencontre des spectateurs limousins sans la patience et la gnrosit desquels ce festival naurait sans doute pas pu exister.


* Horaires, lieux et programmation complte sur www.lesfrancophonies.com

Propos recueillis par Tirthankar Chanda

retour