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27/01/2009 | |||
Madagascar Deux romans pour illustrer lesprit de rsistance dun peuple en lutte | |||
(MFI) Ecrivains malgaches, Michle Rakotoson et Jean-Luc Raharimanana ont publi respectivement Juillet au pays, chronique dun retour Madagascar et un roman laconiquement intitul Za. Retour sur deux ouvrages saisissants de beaut et dinventivit qui illustrent la richesse des lettres malgaches contemporaines tout autant que lesprit de rsistance dun peuple en lutte. | |||
La littrature malgache est une le au large du vaste continent littraire africain. Une le lidentit propre qui ne se rduit gure son africanit. Senghor, qui lavait bien compris, avait titr sa clbre anthologie potique, prface par Sartre : Anthologie de la posie africaine et malgache de langue franaise. Autre caractristique des lettres malgaches : elles sexpriment la fois en franais et en langue malgache. Parue en 1948, lAnthologie de Senghor a popularis les grandes voix potiques de lle rouge : Rabearivelo, Rabemananjara et Flavien Ranaivo, qui ont influenc des gnrations de bardes africains et malgaches. Le mtissage linguistique et culturel est sans doute la principale marque de fabrique des crivains malgaches dhier et daujourdhui. Ainsi, le jeune Raharimanana qui inscrit volontiers son uvre dans lhritage des ses grands anctres littraires, bouscule le franais, faisant merger une pluralit de voix et dimaginaires. Michle Rakotoson, pour sa part, puise dans la richesse des genres littraires malgaches (le kabary ou conte, le hain-teny qui relve de joutes oratoires) pour vitaliser son criture fictionnelle. Elle sinspire aussi de la posie malgache qui ponctue son livre Juillet au pays, chronique dun retour Madagascar. La force de rsister aux assauts dun prsent mercantile et misreux. Le choix de juillet nest gure innocent. Lhiver austral Madagascar est propice aux transitions, aux retrouvailles, aux drames. Nest-ce pas par une nuit froide de juillet, quand il gle sur les hauts plateaux, que la dernire reine Ranavalona, voque rapidement dans ces pages, dut emprunter, il y a plus dun sicle, le chemin de lexil et de la solitude ? Cest en alternant la petite histoire, personnelle, et la grande que Michle Rakotoson fait le rcit de son retour au pays aprs des annes dabsence. Le pass comme bquille pour aller explorer les territoires de soi. Auteur estime de plusieurs romans et de pices de thtre, Rakotoson procde ici par correspondances, par chos, tablissant des liens inattendus et potiques entre les vnements. Le dpart de la reine et son propre retour, relis par la mystique de juillet, par quelque chose de dfinitif aussi. Partie il y a vingt ans dun pays sur lequel pesait la chape de plomb de la dictature, la narratrice y revient pour la nime fois. Mais cette fois avec le dsir ferme de renouer avec le pass, de reprendre possession. Elle se rend dans les lieux de mmoire, traverse lle rouge de long en large, tablissant le bilan de sa longue absence, mesurant avec mlancolie le foss infranchissable qui sest creus entre le pays rel et le pays rv ou son pays de cauchemar, celui quelle recompose linfini entre tendresse et rage . Juillet au pays se lit par endroits comme un livre-reportage, lcriture sensuelle et alerte. Cest en journaliste de mtier que Rakotoson raconte le silence des collines, la beaut des paysages et la dignit dun peuple qui puise dans la grandeur de son pass la force de rsister aux assauts dun prsent mercantile et misreux. Le destin tragique de lun de ces humilis de lHistoire Moins classique est le projet littraire de Raharimanana, lui aussi n Madagascar mais appartenant rsolument la gnration postcoloniale. La publication en 1996 de son tout premier ouvrage un recueil de nouvelles intitul Lucarne avait t unanimement salue par la critique comme les fondations dun bel difice venir . Douze longues annes se sont coules depuis. Ldifice promis est l, un difice magistral tout en maux et en mtaphores, riche de ses lucarnes qui souvrent sur le ciel noir des malheurs et de la mlancolie. Avec Za, son septime opus, le Malgache aujourdhui quadragnaire vient dajouter une nouvelle aile son tonnant difice, vritable monument rig la gloire des humbles de Madagascar et... du monde entier. Za raconte le destin violent et tragique de lun de ces humilis de lHistoire. Son hros ponyme, qui est aussi le narrateur de ses propres drives, a connu la prison et la torture. Pourtant, autrefois, ctait un citoyen respect et exemplaire. Il tait professeur, mais les autorits le souponnaient de corrompre les enfants en leur apprenant la libert mauvaise, de celles qui font descendre dans la rue, de celles qui les font hurler face aux militaires, de celles qui les font penser et de ne pas simplement croire, croire, croire, croire, croire comme vous le faites, vous, croire, croire, vos pairs et maires, croire leurs promesses dmocratiques . Alors Za a perdu son boulot, son salaire, sa maison. Sa femme a sombr dans la folie. Plus grave encore, pour punir le pre, son fils a t jet dans le fleuve. Depuis cette tragdie, Za est rduit traner au bord des grands chemins. Il invective les passants, sesclaffe, chante, jetant son dsespoir la figure dun monde insensible sa douleur. Allier la violence du rcit celle du langage Qualifi de lInconsolable, le Veuf, le Tnbreux , Za est un hros iconoclaste, n des lectures de lauteur. Produit intertextuel, il est aussi la figure universelle de la dchance. Za, cest moi (izaho en malgache), cest vous car la subversion qui le constitue ne peut se rduire un seul pays. En effet, contrairement aux prcdents ouvrages de Raharimanana, ancrs dans les drames de son pays, Za puise son inspiration dans un imaginaire mondial de lutte des humilis contre les puissants. La chronique romanesque se fait pope et convoque lesclavage, la colonisation, les rpressions postcoloniales, mais aussi lhistoire universelle de domination, reprsente ici par les figures ironiques des puissants du monde : des Bushb, des Poutinine, des Ziang Zemin et des Bongolascar, photo-potos des Eydemiques et des Ra8... . La grande russite de Raharimanana est davoir su allier la violence du rcit celle du langage. Sur 300 pages, dans un langage vomi, dconstruit, dfigur, quivalent francophone de l anglais pourri de Ken Saro-Wiwa, Za chante sa rbellion. Cela donne une logorrhe qui nest ni malgache, ni franaise, mais francophonie dcomplexe qui est peut-tre le vritable horizon de cet idiome en drliction quon appelle encore le franais. Juillet au pays. Chronique dun retour Madagascar, par Michle Rakotoson. Edition Elytis, 2008, 208 pages, 20 euros. Za, par Raharimanana. Editions Philippe Rey, 2008, 301 pages, 19 euros. | |||
Tirthankar Chanda | |||
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