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10/02/2009 | |||
Actualits du monde littraire noir : Ken Bugul raconte ses hommes elle ; Equiano: le premier auteur africain europhone ; Andr Brink se souvient. | |||
Ken Bugul raconte ses hommes elle (MFI) Les bars ont la cote dans la fiction africaine contemporaine. Aprs le Jips , le bar afro-cubain dont Alain Mabanckou a fait le quartier gnral des personnages de son nouveau roman Black Bazar, cest la Sngalaise Ken Bugul qui convie ses lecteurs rue Voltaire, chez Max. A venir faire connaissance de ses habitus et de ses oiseaux de passage . Parmi les habitus, la narratrice, une femme romantique, lme amoureuse de tango et de matins bleus . Fministe aussi, elle dnonce les hommes qui ne cherchent que leur propre plaisir. Je nai jamais joui de toute ma vie , lance-t-elle moins sous le mode de lamentation quen gardienne de la sant sexuelle des mnagres. Que les hommes que jai connus men excusent. Oui! Oui! Oui! Jai fait semblant toute ma vie. Jai jou celle qui prenait son pied. Que dalle! Nul! Zro... . Quelle tristesse! Compense seulement par la libert de parole de la narratrice. Cest une femme libre. Sa parole est drangeante mais riche en vrits sur les rapports hommes-femmes, sur le poids intolrable de la socit patriarcale, sur les vestiges de la colonisation dans les esprits. Cest cette libert l que Mes hommes moi, le nouveau roman de la Sngalaise fait entendre. Les propos de la protagoniste se situent dans la continuit dune uvre compose de textes plus iconoclastes les uns que les autres (Le Baobab fou, Cendres et braises, Riwan ou le chemin de sable, La folie et la mort, De lautre ct du regard, Rue Flix-Faure, La pice dor), qui ont install leur auteur Ken Bugul pseudonyme qui signifie nul nen veut - au cur de la nouvelle littrature africaine. T.C. Mes hommes moi, par Ken Bugul. Ed. Prsence Africaine, 252 pages, 18 euros. Equiano: le premier auteur africain europhone (MFI) Lanne dernire paraissait, dans une nouvelle traduction franaise, le passionnant rcit desclave dOlaudah Equiano. Publi Londres en 1789, ce livre est devenu un classique de la littrature de tmoignage sur lesclavage, tudi dans toutes les grandes universits. Cest une vie riche en tumultes et turbulences que celle dEquiano, victime de la traite ngrire et homme libre. N en Afrique dans lactuel Nigeria, Equiano avait t enlev par des chasseurs desclaves et emmen la Barbade o il a t vendu une plantation, avant dtre revendu successivement des propritaires de plantations en Guadeloupe, en Martinique et enfin un planteur de Virginie en Amrique. Lhomme sera ensuite rachet par un commandant de vaisseau, ce qui lui permettra de devenir marin et faire le tour du monde. A vingt-deux ans, il rachte sa libert et sinstalle Londres o il tait devenu une figure incontournable de son poque. Encourag par les abolitionnistes crire sa vie, il publiera son autobiographie, sinspirant, semble-t-il, de Robinson Cruso de Daniel Defoe. Son tmoignage, un des premiers rcits desclavage paratre en anglais, sest impos comme un classique du genre cause de ltonnante matrise de la langue anglaise et de lart de la narration, faisant dire Chinua Achebe que lopus dEquiano doit tre considr comme le prototype de la littrature africaine moderne. Ce qui frappe dans le rcit dEquiano, outre sa description des conditions inhumaines de lesclavage, les arguments complexes, la fois dordre moral et dordre conomique, que lauteur avance pour justifier labolition de lesclavage. A la fois rcit militant et raisonn, le texte dEquiano est dune trs grande modernit et se lit aisment. T. C. Ma vridique histoire. Africain, esclave en Amrique, homme libre, par Olaudah Equiano. Traduit de langlais, prsent et annot par Rgine Mfoumour-Arthur. Editions Mercure de France, 380 pages, 7,20 euros. Andr Brink se souvient (MFI) A Fork in the Road (A la croise des chemins) sont les mmoires dun homme qui a beaucoup vcu, beaucoup lutt et beaucoup aim. Il sagit dAndr Brink, lun des romanciers sud-africains les plus connus. Lhomme sest signal lattention ds les annes 1970 grce ses romans engags dnonant lapartheid et son inhumanit. Son livre autobiographique qui vient de paratre en anglais, et ne paratra que lanne prochaine en traduction franaise chez son diteur Actes Sud, raconte la vie trpidante de cet crivain dchir entre sa famille et ses propres convictions citoyennes. N dans une famille afrikaner, Andr Brink a trs vite pris ses distances par rapport lidologie de supriorit raciale prne par ses proches. Une idologie qui permettait de perptrer les pires injustices lgard des Noirs. Cest aprs son passage Paris pendant les annes de la rvolution estudiantine que lauteur dUne saison blanche et sche a pris conscience de linjustice exerce par son peuple contre les Noirs. De tout cela, il sera question dans ce beau livre de souvenirs, mais aussi du prix quil a fallu payer pour sa rvolte contre la tribu. Incorpor dans le compte rendu de la vie publique, le rcit de la vie prive, des amours, des ruptures et des divorces, mais aussi de la dception suscite par les checs et le cynisme du nouveau pouvoir que Brink, comme une poigne dautres intellectuels, a appel de tous ses vux. Au pouvoir, les Noirs sud-africains se sont rvls aussi durs et aussi cyniques que le rgime quils ont supplant. A la fois pique et sentimentale, la prose dAndr Brink est toujours vocatrice. Elle voque le pass et surtout les rapports passionnels et passionns dun homme dexception avec son pays et son poque. T. C. A Fork in the Road, par Andr Brink. Edition Hervill Sacker, 438 pages, 17,99 | |||
Tirthankar Chanda | |||
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