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14/04/2009
Jaurais voulu tre gyptien,
Alaa El Aswany raconte une Egypte originale et intime


(MFI) On connaissait Alaa El Aswani le romancier. Avec son livre Jaurais voulu tre gyptien, on dcouvre les talents de nouvelliste de ce grand auteur du Caire, hritier de Mahfouz et de Schhrazade. Ce sont des rcits brefs, qui savent voquer en quelques traits de plume choisis, lessence dun homme, dune socit, dune civilisation, emptrs dans la complexit dun monde qui les dpasse mais quil leur faudra pourtant matriser pour survivre.

Aprs deux romans LImmeuble Yacoubian (Actes Sud, 2006, et Babel n843) et Chicago (Actes Sud, 2007, et Babel n941) qui ont t des phnomnes littraires, lcrivain gyptien Alaa El Aswany nous livre avec son nouvel opus qui est un recueil de courts rcits 1 novela et 9 nouvelles une reprsentation subtile de sa socit, de ses hypocrisies, de sa drlerie, mais aussi de sa capacit surpasser ses handicaps et ses peurs. Le livre souvre sur une prface qui rappelle les quatre vrits sur la littrature. Lart puise sa force dans lillusion de la ralit quil propose, mais paradoxalement il perd cette force lorsque le lecteur ou le spectateur oublie quil sagit dune illusion et confond limaginaire et le rel, le travail littraire et ltude sociologique.
La littrature traduit une vrit humaine, mais pas obligatoirement une vrit sociologique , martle Aswany, citant comme exemple lavertissement donn en 1896 par le propritaire de la premire salle de cinma du Caire aux spectateurs qui taient pris de panique lorsquils voyaient un train surgir sur lcran et se prcipitaient dehors de peur que le train ne les crase : Cet cran nest rien dautre quun morceau dtoffe, pas trs diffrent dun drap de lit. Les images que vous allez voir se refltent sur cet cran. Elles nen proviennent pas. Dans quelques instants vous allez voir un train rapide. Souvenez-vous, mesdames et messieurs que cest simplement limage dun train et que, par consquent, il ny a pas de danger pour vous.


Loin des sentiers battus des pyramides et des muses archologiques

Un avertissement que le romancier aurait pu proposer au comit des lecteurs de lOffice du livre gyptien qui il avait donn un de ses tous premiers manuscrits dans lespoir de le voir publier. Il sagissait de la novela qui inaugure le volume, et qui parat aujourdhui. Le jeune hros se moque cruellement des icnes de la socit gyptienne et accable ses concitoyens de critiques virulentes. Ecrit la premire personne, la novela sattira les rebuffades unanimes du comit qui refusa de la publier telle quelle, sous prtexte que lauteur insultait son pays. Aswany eut beau expliquer que lauteur ne cautionne pas ncessairement tous les dires et tous les actes de ses personnages. Il alla jusqu rdiger un dsaveu condamnant les opinions de son hros au sujet de lEgypte et des Egyptiens. Rien ny fit. LOffice du livre ne publia jamais le texte en question. Il a fallu attendre jusqu aujourdhui pour dcouvrir le rcit des heurs et malheurs dIssam Abd El Ati, celui de ses blessures et de ses frustrations.
A la fois tendres et cruelles, les nouvelles qui composent la deuxime moiti de ce recueil plongent le lecteur dans une Egypte inconnue des touristes, loin des sentiers battus des pyramides et des muses archologiques. Elles racontent la vie quotidienne, faite de compromissions, de mesquineries, de cruauts, mais aussi de triomphes sur les injustices de la vie. Lun des rcits les plus exaltants est celui du jeune Ezzat Amine Eskander, dune bquille et dune jambe artificielle. A force de volont et de dtermination, le jeune homme russira triompher de ses handicaps physiques premire vue insurmontables et faire du vlo comme ses camarades normaux .
Tout nest pas rose dans lunivers dAswany peupl aussi de personnages donneurs de leons, de profiteurs et de faibles. Mais cest toujours avec empathie que lcrivain brosse le portrait de ces hros, de leurs petits et grands travers. Jaime les gens, se plat-il rappeler ses intervieweurs. Je pense que la littrature est une manire dexprimer son amour pour les tres humains. Je ne juge pas mes personnages, jessaie seulement de les comprendre et dexpliquer leurs actes, leurs petitesses ou leurs grandeurs. La littrature est grande car elle permet de dire la vrit sur les hommes, sur la bont, sur lamour, sur la gnrosit qui sont les fondements rels de la socit humaine.

MFI


Jaurais voulu tre gyptien, par Alaa El Aswany. Traduit de larabe par Gilles Gauthier. Actes Sud, 208 pages, 19,50 euros.



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