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28/04/2009
Kossi Efoui : Cest la posie que je traque

(MFI) Genve a accueilli, du 22 au 26 avril 2009, le 6e Salon africain du livre, de la presse et de la culture. Cette manifestation, rendez-vous incontournable des lettres africaines, avait cette anne pour thme : Afrique migrations . Le grand prix du Salon, nomm daprs le grand romancier ivoirien disparu Ahmadou Kourouma, a t attribu au Togolais Kossi Efoui pour son troisime roman Solo dun revenant (Seuil, 2009). Kossi Efoui vient galement de recevoir le Prix Tropiques de lAgence franaise de dveloppement. Entretien avec le laurat.

MFI : Comme le prix vous avez reu Genve sappelle le prix Ahmadou Kourouma, je serais curieux de savoir comment vous vous situez par rapport Kourouma ?

Kossi Efoui : A priori, il ny a rien de commun entre Kourouma et moi. Nous crivons des livres trs diffrents. Lui parle de prsidents, de chefs tribaux, et moi, des gens simples, ordinaires. Et pourtant, jai toujours eu limpression que nous tions dans le mme territoire desprit. Cest sans doute parce que nous sommes tous les deux ce que jappelle des crivains primitifs . Cest--dire nous explorons, chacun notre manire, ce quil y a darchaque et doriginel dans le verbe. Cette qute commune me rapproche de lui.

MFI : La principale diffrence entre vous, cest que Kourouma est enracin dans son terroir, alors que vous et les crivains de votre gnration vous caractrisez justement par le refus du terroir.

K. E : Les conditions historiques de la cration littraire font que les crivains aujourdhui parlent de moins en moins partir dun territoire national, rgional. Limaginaire contemporain ne connat pas de frontires ou de passeports. Dailleurs, ce nest pas la premire fois que cela se passe ainsi en littrature africaine. La posie de la ngritude na-t-elle pas t crite Paris ? Les Senghor, les Csaire taient des zazous, des dandys de Saint-Germain, alors que leurs posies parlaient des ralits lointaines. Ce sont les paradoxes de la cration artistique. Il se peut trs bien que demain la meilleure cole de djemb stablisse Tokyo. Nous irons alors apprendre le djemb dans la capitale nipponne. Il ny a pas de honte cela.

MFI : Vous tes romancier, mais aussi homme de thtre. Des deux, quel est le genre le plus satisfaisant pour vous esthtiquement ?

K. E : A travers les diffrents genres que je pratique, cest le pome que je recherche. Je traque le verbe, le comportement des mots. Pour moi, le roman, le thtre sont des dispositifs plus ou moins efficaces qui me servent mettre en scne le langage. Cela dit, cest peut-tre dans le thtre que je me sens plus dans mon lment car on est plus proche de lorigine de la voix et des mots.

MFI : A Genve, cest le romancier qui a t prim. Le Solo dun revenant est votre troisime roman. Au cur de ce roman, le revenant qui revient du pass pour affronter le prsent. Cest cette confrontation qui est le thme de ce livre ?

K. E : La confrontation na pas lieu car le prsent est trop bruyant, trop absorb par ses propres ombres. Le pass pour y exister doit se faire crmoniel, accepter dtre relgu dans des cases de mmoire quon ouvre un jour prcis. Le pass nest pas vcu, mais commmor. Cest ainsi que lesclavage a sa journe, le massacre des Juifs aussi. Cest un peu comme des prostitues qui ne sont tolres que dans des bordels. Dans ce contexte, le personnage du revenant qui marche sur la trace du pass, qui rcite longueur de journe le nom des disparus et des morts, nest pas bienvenu. Le revenant rappelle que le pass, quon voudrait liquider coups de crmonies et de rituels, imprgne rellement le prsent. On ne peut pas sen dbarrasser comme a. Tel est le propos de ce roman.

MFI : On a dit que cest le gnocide du Rwanda qui vous a inspir

K. E : Le Rwanda, mais aussi les vnements de lancienne Yougoslavie. Ce qui mintressait, cest dexplorer les liens tranges qui existent entre la fratrie et le meurtre. Depuis la nuit des temps. Les mythes qui existent sur ce thme en tmoignent. Mon roman parle dAbel et de Can autant que du Rwanda.

MFI : Vos nouveaux projets ?

K. E : Je travaille actuellement sur un nouveau roman et surtout sur une pice de thtre. Les rptitions ont dj commenc. Il sagit de ladaptation dune nouvelle autobiographique que javais crite il y a quelque temps. La pice sintitulera : Enfant, je ninventais pas dhistoires.

Propos recueillis par Tirthankar Chanda

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