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| 05/05/2009 | |||
| La banlieue selon Calixthe Beyala | |||
| (MFI) Dans son nouvel ouvrage, Le Roman de Pauline, dont laction se situe en banlieue parisienne, Calixthe Beyala dessine en creux le visage contemporain dune socit franaise renouvele par le bas. Avec ce quinzime opus, lcrivain franco-camerounaise renoue avec loriginalit et la vitalit cratrices qui ont caractris ses premiers ouvrages. | |||
| On ne prsente plus Calixthe Beyla. Elle est lcrivain francophone la plus populaire. Ses livres sont partout. Dans les tals des supermarchs de France et de Navarre, mais aussi dans les bibliothques des universits les plus huppes o tudiants et professeurs dcortiquent le sens de sa narration souvent droutante, toujours riche en rvoltes et en dconstruction des socits contemporaines. On a reproch Beyala de stre inspire de Ben Okri, Paule Constant, Howard Buten... voire de les avoir plagis. Malgr ces remarques parfois justifies, on ne peut pas ne pas tre sensible loriginalit de lunivers baroque de Calixthe Beyala, tiss de souffrances et despoirs briss. Un univers quon reconnat dun livre lautre, grce sa tonalit parodique, grce aussi cette criture qui, sans tre fministe, a su toujours mettre la femme au cur de ses proccupations. Calixthe Beyala est ne Douala, au Cameroun. Elle est arrive en Europe lge de 17 ans. Elle a vcu quelques annes en Espagne, avant de venir sinstaller dfinitivement en France en 1985. Deux ans plus tard, ronge par lenvie dcrire et de publier, elle a fait paratre son premier roman Cest le soleil qui ma brle (Stock). Depuis, Beyala a beaucoup publi, quasiment au rythme dun livre par an. Elle a aujourdhui son actif une quinzaine de romans et de nombreux essais. Elle a reu de nombreux prix littraires et distinctions, dont le Prix de lAcadmie franaise en 1996 pour son roman controvers Les honneurs perdus (Albin Michel). Montrer, travers la fiction, la ralit de la condition fminine Si lcriture de Beyala a suscit des controverses, cest aussi parce quelle est profondment drangeante, inconvenante, voire pornographique. On est trs loin de la littrature sacralise, du beau langage. Mais il ny a aucune gratuit dans son vocation de lrotique et du sexuel. Le projet de Beyala est de montrer, travers la fiction, la ralit de la condition fminine dans les socits patriarcales. La femme africaine, telle que mise en scne par cette romancire talentueuse, est mprise, humilie, dgrade, rduite son sexe, soumise souvent la prostitution. Elle est prisonnire dun monde phallocratique dans lequel le corps fminin est priv de son humanit et rduit son statut dobjet dchange. Victimes, ses hrones tentent obscurment de dpasser ltat de victimisation pour sriger en sujet de leur propre destin. Elles ny parviennent pas toujours, mais elles tracent la voie dune libration possible. La femme est ne genoux aux pieds de lhomme, proclame un des personnages de Maman a un amant (Albin Michel). L-bas, dans mon pays, jai baiss les yeux devant mon pre, comme ma mre avant moi, comme avant elle ma grand-mre. Les hommes ordonnaient : Prends-donne-fais . Les femmes obissaient. Ainsi allait la vie, continuait-elle. L-bas, dans mon pays, les femmes ont les yeux si tristes... Pauline est diffrente. Protagoniste du nouvel opus de Beyala, Le roman de Pauline, elle ne baisse gure les yeux. Pour noire quelle soit, elle appartient une autre tradition : celle de la banlieue parisienne. Elle est limage de cette jeunesse turbulente, issue de limmigration, marginalise par une socit franaise qui ne sest pas encore totalement dcolonise. Avec ce nouvel ouvrage, Beyala tente de renouveler son univers, en entrant de plain-pied dans le roman de lmigration qui se caractrise par ses proccupations dici et maintenant, plutt que relies lAfrique originelle. Son action se situe dans la France de la dcennie 2000 o les banlieues brlent et o les enfants des immigrs se rvoltent. Or les malheurs de la jeune hrone du roman ont aussi une composante familiale. Sa mre, qui tient un salon de coiffure Pantin, est une femme instable. Elle na pas su protger ses enfants contre les assauts de la vie, contre leurs propres dmons. Pauline grandit entre une mre qui la nglige et un pre absent, peut-tre en prison. Ladolescente est en pleine drive motionnelle, sociale, lorsquelle est prise en charge par son prof de franais. Mais Mlle Mathilde, prof de franais dun type spcial , elle-mme en pleine dprime, russira-t-elle donner la gosse les repres que sa famille na pas su lui transmettre ? Chemin faisant, le roman gagne en complexit et en maturit La critique parisienne a t plutt dure avec ce nouveau roman de Calixthe Beyala. Elle y a vu une surenchre de clichs , absence doriginalit. Rien nchappe lartificialit, ni les personnages caricaturaux ni lintrigue, la fois invraisemblable et cousue de fil blanc , a-t-on crit dans Le Nouvel Observateur. Certes, les premires pages du livre sont dcevantes, bourres de strotypes sur la banlieue, sur la vie en banlieue greve de violences et le malheur qui sacharne Mais, chemin faisant, Le roman de Pauline gagne en complexit et maturit. Les dialogues sonnent plus authentiques. Enfin, les conflits qui se dessinent ici en creux entre une communaut immigre en qute de sens et une socit franaise en perte de vitesse, menace par limmobilisme et labandon des valeurs, donnent une paisseur au rcit en le situant dans un prsent auquel le lecteur peut facilement sidentifier. Derrire la lgret et lartificialit apparentes de ce rcit, il y a en dfinitive un souffle. Cest celui de Pauline, celui peut-tre dune nouvelle socit franaise qui est en train de natre, quelque part dans les marges, loin des palais et des salons parisiens. Seulement, il faut aller jusquau bout du Roman de Pauline pour ressentir la chaleur gnratrice de ce souffle-renouveau. Le Roman de Pauline, par Calixthe Beyala. Editions Albin Michel, 214 pages, 16 euros. | |||
| Tirthankar Chanda | |||
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