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21/07/2009
Il y a un an, le dcs de Mahmoud Darwich
Farouk Mardam-Bey : Un pote immensment populaire dans le monde arabe



(MFI) Le 9 aot 2008 disparaissait, lge de 67 ans, le pote Mahmoud Darwich, que ses admirateurs appelaient lamant de la Palestine . Depuis ses premiers pomes, parus en 1960, lcriture de Darwich a t troitement lie au combat du peuple palestinien pour la reconqute de ses terres, pour la souverainet et pour la dignit. Son destin personnel, lui aussi, a partie lie avec le destin collectif, mme si la suite des accords dOslo de 1993, lcrivain prit ses distances avec lOLP de Yasser Arafat dont il fut lun des trs proches conseillers.

N le 13 mai 1941 dans le village dAl-Birweh, en Palestine, le jeune Darwich a d quitter son village natal avec lensemble de sa famille lors de la cration dIsral en 1948. La famille est revenue un an plus tard et sest installe clandestinement dans la mme localit, mais le village palestinien avait t entre-temps ras pour accueillir des colonies de peuplement juives. Darwich a grandi dans cette Palestine occupe. Arrt plusieurs reprises, il part en exil ds lge de 20 ans et partagera lessentiel de sa vie entre les grandes capitales du monde arabe et lOccident. Il a vcu notamment au Caire, Tunis, ainsi qu Paris. Cest seulement en 1995 quil retourne en Palestine pour sinstaller dfinitivement Gaza.
Le Palestinien est lauteur dune vingtaine de recueils de posie qui ont t traduits en plus de trente langues. Le premier, Oiseaux sans ailes, date de 1960. Si la posie de Darwich reste profondment marque par lexprience historique tragique du peuple palestinien, le pote a, partir des annes 1980, abandonn les thmes explicitement politiques. Sa posie devient plus symbolique, plus clbrationnelle de la vie et de lamour. Il ne renonce pas chanter la Palestine, mais en fait la mtaphore de la condition humaine, dune qute universelle de soi et dun territoire intrieur. La posie nest plus larme miraculeuse, mais une essence, la rsidence de lhomme sur terre , comme aimait laffirmer Darwich dans les dernires annes de sa vie.


MFI : Farouk Mardam-Bey, vous tes lditeur de Darwich aux ditions Actes Sud. Ce sera bientt le premier anniversaire de la disparition du pote. Comment le clbrez-vous ?


Farouk Mardam-Bey : Nous publions tout dabord le Journal quil a tenu juste avant sa mort, entre 2006 et 2007. Le titre : La Trace du papillon. Ce sont de courtes rflexions sur la posie, la beaut, la mort. Il est tonnant de voir combien Darwich a t obsd par lide de la mort. Cest comme sil avait eu la prmonition de sa disparition prcoce. Actes Sud publie aussi une anthologie potique, en dition bilingue. Ce nest pas une anthologie de toute la posie de Darwich, mais seulement de sa posie rcente. entre 1992 et 2005. Cest mon avis la priode la plus fconde de sa cration. Enfin, nous publions galement sous forme de CD le rcital quil a donn en octobre 2007, au Thtre de lOdon, accompagn de ses musiciens les Frres Jourban.


MFI : Darwich aimait rciter ses pomes en public


F. M.-B. : Les rcitals publics de Darwich ont toujours attir beaucoup de monde dans les pays arabes. Comme je lexplique dans la prface crite qui accompagne les CD, il tait lun de ces rares potes arabes modernes toucher le grand public et avoir su le fidliser pendant plus de quarante ans. Cest dautant plus tonnant que Mahmoud Darwich ntait pas un vulgaire faiseur de rimes. Il tait trs exigeant par rapport son art. Le public laimait.



MFI : O se situe Darwich dans la longue tradition potique arabe ?


F. M.-B. : Il est ancr dans cette tradition, tout en se situant son avant-garde. Sa posie intgre parfaitement la rvolution du langage potique arabe qui a eu lieu au 20e sicle.


MFI : Comment sexplique sa grande notorit ltranger, en France, mais aussi dans le monde anglophone ?


F. M.-B. : Cest son identification totale la cause palestinienne qui explique sans doute sa popularit ltranger. Pour llite occidentale, il reprsentait le meilleur de la Palestine. Ctait quelquun de trs ouvert. Il connaissait bien Isral et les Israliens. Il na eu cesse de rappeler que lAutre ntait pas lennemi, mais linterlocuteur incontournable dont il faut commencer par reconnatre lhumanit. Dailleurs, la premire femme que Darwich a aime tait une Isralienne. Elle a t la source dinspiration pour beaucoup de ses pomes.


MFI : Comment avez-vous dcouvert la posie de Darwich ?


F. M.-B. : Jai connu Darwich personnellement en 1973 ou 1974. Je lavais rencontr chez des amis Beyrouth. Puis, nous sommes devenus amis quand il est venu sinstaller Paris. Mais sa posie, je la connais depuis beaucoup plus longtemps. Pour un jeune Arabe grandissant dans lun des pays du Proche et du Moyen-Orient dans les annes 1960-70, il tait difficile de ne pas avoir entendu rciter au moins une fois le clbre pome de Darwich nomm Identit . Le protagoniste en est un jeune Palestinien qui dit la police isralienne : Sajjel : Ana arabi (Inscris, je suis arabe). Darwich reste un pote immensment populaire dans le monde arabe. Il est un des rares potes de tradition arabe moderne dont les recueils se vendent plus de 2 millions dexemplaires.

Propos recueillis par Tirthankar Chanda


La Trace du papillon. Pages dun journal (t 2006-2007). Traduit de larabe par Elias Sanbar. Ed. Actes Sud, 190 pages, 20 euros
Anthologie (1992-2005), de Mahmoud Darwich. Edition bilingue, traduit de larabe par Elias Sanbar. Choisis et prsent par Farouk Mardam-Bey. Edition Actes Sud, 320 pages, 8,50 euros.
Deux CD du rcital de Mahmoud Darwich, lOdon-Thtre de lEurope, le 7 octobre 2007. Edition conjointe Odon Thtre de lEurope/France Culture/Actes Sud. Prix non communiqu.




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