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| 30/06/2009 | |||
| Les Hauts plateaux, de Lieve Joris : prix Nicolas Bouvier 2009 (265) Lieve Joris : La lune avait un problme | |||
| (MFI) Les ditions Actes Sud viennent de publier le quatrime volume des rcits de voyages de Lieve Joris au Congo. A mi-chemin entre document sociologique et rcit journalistique, Les Hauts plateaux raconte la plonge de la journaliste-voyageuse belge dans le Congo des collines vertes, aux abords du Lac Tanganyika, o cohabitent, pas toujours en bonne entente, les Banyamulenge, les Bembe, les Fulero, les Nyindu et les Shi. Le livre a obtenu le prix Nicolas Bouvier 2009. | |||
| Ce qui frappe demble dans les rcits de voyage que nous propose, depuis bientt deux dcennies, la Belge dorigine nerlandaise Lieve Joris, cest sa narration sans exotisme aucun. Ayant fait la sienne la phrase mmorable de Terence, pote latin du 1er sicle, Rien de ce qui touche lhumanit ne mest tranger , cette grande voyageuse devant lternel traverse les civilisations, sans jamais se laisser emporter par le sentiment dirrductible distance face au spectacle de laltrit. La diffrence est construite par lconomie, le social ou le politique, telle semble tre la philosophie qui guide les pas de cette cinquantenaire travers les routes du Moyen et Proche-Orient, de lAfrique et de lEurope orientale. Depuis sa premire immersion dans le Bas-Congo dans les annes 80, elle parcourt inlassablement les routes du monde, sur les traces dun oncle qui fut missionnaire en Afrique. Combien denfants avez-vous ? Dernier (et quatrime) volume de la srie que consacre Lieve Joris ses voyages travers le Congo oriental, Les Hauts Plateaux relatent la vie dans cette rgion relativement inhospitalire, des collines et des bois, une rgion sans routes ni lectricit, o la population tait si rfractaire la bureaucratie, crit lauteur, que mes anctres belges navaient pas russi les soumettre . Les choses ont peu volu depuis, dcouvre Joris pendant les sept semaines de marche qui la conduisent de village en village, de Minembwe Uvira, au bord du Lac Tanganyika, quelques encablures de la frontire rwandaise. Cest une marche extnuante. Chaque tape dure trois quatre jours et ncessite un minimum dorganisation logistique (guide, interprte, porteur). Mais elle est riche en dcouvertes et en contacts humains. Souvent lauteur est la premire blanche jamais vue dans les parages : enfants et adultes la toisent avec curiosit et la mitraillent de questions. Combien denfants avez-vous ? Cest souvent la premire question quon lui pose. Explication du guide : Ici, une femme sans enfants na pas le droit la parole (...) Les gens pensent : Que pourrait-elle nous apprendre si elle na mme pas de progniture ? Pourquoi lui confierions-nous quelque chose ? Elle racontera srement des mensonges. Ses paroles nont pas de valeur, elles sont condamnes disparatre. Or il se trouve que Joris na pas denfants. Qu cela ne tienne ! Elle sinvente une progniture pour tre prise au srieux par ses interlocuteurs. Fidle sa ligne, Joris ne juge pas, nimpose pas ses valeurs et sa vision. Elle glisse dans le moule pour mieux comprendre le fonctionnement de la socit quelle explore. Il lui arrive parfois de dire sa colre face aux dbordements de la religion et aux discriminations dont sont victimes les ethnies minoritaires, sa compassion face la misre profonde et dsesprante qui rgne dans ces campagnes. Gagner quelques sous en portant ses bagages Lune des scnes les plus mouvantes du rcit, cest celle que consacre Joris la mamie de plus de soixante ans qui se prsente un matin sa porte avec sa petite-fille de dix ans, dans lespoir de gagner quelques sous en portant ses bagages. Cest une des tapes les plus difficiles du voyage. La mamie a le dos courb et sa petite fille fait plus jeune que son ge. La journaliste a des scrupules pour confier ce duo invraisemblable sa valise et son sac dos, lourds, mais finit par accepter car celles-ci ont besoin de travailler pour survivre. Elle ne se laisse pas attendrir, mais note combien la pauvret ronge ici le cur mme de la vie. Dans ces contres prives de tout et surtout davenir, lindigence pousse ces hommes et femmes dans les bras des premiers prdicateurs venus les enrler dans leurs sectes, moyennant assurance de la Terre promise. Dans les villages o Joris fait escale, les gens ne comprennent pas que lEuropenne ne participe pas leurs veilles, quen Europe les gens ne vont plus lglise mme le dimanche. Que faites-vous alors le dimanche ? Dieu a dit quon doit prier chaque dimanche, sinon on est un paen. Cette religiosit dbordante rappelle lauteur le rcit que son pre lui racontait autrefois sur les rdemptoristes flamands qui allaient de village en village faire des sermons sur lenfer. Par des froides soires dhiver, les gens se rendaient massivement lglise et sy laissaient flanquer la trouille . Un rcit des choses vues sans emphases ni fioritures Ainsi va la narration de Lieve Joris, rcit des choses vues sans emphases ni fioritures, entrecoup de souvenirs de la propre vie de lauteur en Belgique. Celle-ci se souvient des conflits qui lont oppose sa mre toute sa vie, de loncle missionnaire qui lui a donn envie de mieux connatre le Congo. Joris rend compte de la pauvret des petites gens qui laccueillent, de leur solidarit face aux exactions des puissants comme des rebelles, et de leur simplicit. Dans un des passages exemplaires de la tonalit gnrale du livre o lempathie se mle lironie, on voit le directeur dcole de village de Kagogo dernire tape de lexpdition foncer dans la chambre de la journaliste pour lui annoncer que la lune avait un problme car elle ntait plus jaune, mais orange elle navait pas lair bien du tout ! Une proclamation qui rsume, aux yeux de Joris, la situation des hauts plateaux, priclitant loin des savoirs et de la modernit. Personne, ni mme le directeur de lcole, ny avait jamais entendu parler de lastronomie ! Encore moins de lclipse, annonce pourtant la veille... par RFI ! Tirthankar Chanda Les Hauts Plateaux, par Lieve Joris. Traduit du nerlandais par Marie Hooghe. Edition Actes Sud, collection Aventure , 141 pages, 15 euros. | |||
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