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07/07/2009
Festival dAvignon 2009
Jean-Luc Raharimana : De la censure la conscration. Entretien


(MFI) La prsentation, du 20 au 25 juillet, de la pice du romancier et auteur de thtre malgache Jean-Luc Raharimanana, Les Cauchemars du gecko, promet dtre un des moments majeurs de la 63e dition du Festival dAvignon. Mis en scne par le scnariste Thierry Bedard, ce spectacle musical est construit comme une adresse au public sur un mode traditionnel malgache - le kabary. Il donne la parole aux dshrits de la terre, aux exclus du rve amricain, aux Za du tiers et du quart mondes. Une parole explosive, potique, csairienne , que Raharimanana fera entendre dans lancienne Cit des Papes. O il sera question entre autres de Twins , de Rwanda ou de PIB par habitant .

Comment est n ce spectacle ?

Je connais Thierry Bedard depuis une dizaine dannes. Cest lui qui avait mis en scne ma pice sur les vnements de 1947. Il a t invit par le Festival dAvignon monter un projet de spectacle pour cette dition. Thierry ma demand dcrire un texte sur le thme du monde vu du Sud. La commande prcise tait : Comment voit-on le monde lorsquon habite dans un pays pauvre, trs pauvre, limage de Madagascar, et quon regarde de l-bas lOccident riche bien quen crise ? Un sujet qui ma beaucoup intress.

Vous avez rpondu en crivant Les Cauchemars du gecko. Que reprsente le gecko ?

Le gecko est un petit reptile de Madagascar, souple et rus, qui a la caractristique de ne jamais fermer les yeux. Il na pas de paupires. Cela donne limpression dune vigilance de chaque instant face aux ralits intolrables de ce monde injuste, dsquilibr. Et puis, comme le gecko est l depuis trs longtemps, il me semblait incarner la mmoire des injustices ancestrales et contemporaines que subissent depuis des sicles hommes et femmes du Sud. Lil du gecko enregistre les cauchemars du monde.

Le texte de la pice, dont on peut lire des fragments sur le Net, est dune trs grande violence.

La violence des victimes est la rponse la violence du cynisme des puissants qui sappellent Bush, Madoff ou Bongo. Ma violence est une violence potique qui sinspire de Csaire, mais aussi de la parole potique traditionnelle de mon pays. Jai pris comme modle cette forme particulire de prise de parole quon appelle chez nous le kabary. Cest un exercice de lancer des mots. Les mots sont des pierres quon lance pour briser les structures mentales den face, pour creuser des bances dans les murs faits dargent et darrogance. Cest un exercice trs physique. Dailleurs, dans ma fiction comme dans mon thtre, jai toujours essay de me rapprocher de loralit, en me situant au niveau physique de la prise de parole.



A part Les Cauchemars, vous avez cette anne une grosse actualit Avignon ?

On pourra en effet voir Avignon ma pice 47 - qui a fait couler beaucoup dencre. On pourra aussi assister des lectures dextraits de mes romans Za, publi en 2008, Rves sous le linceul, qui date de 1998, et Larbre anthropophage, dit en 2004. Mais je suis aussi particulirement fier davoir russi monter temps pour le festival, avec Pierrot Men, une exposition consacre aux portraits dinsurgs malgaches de 1947. On pourra la voir la Chapelle du Miracle pendant toute la dure du festival. Elle relve pour moi de ce travail de mmoire qui na pas encore t fait par rapport ce pass colonial commun aux colonisateurs et aux coloniss.

Comment vivez-vous cette conscration avignonnaise, aprs le retrait en 2008 de votre pice 47 de la liste des spectacles diffuss par les centres culturels franais ltranger ?

Pour moi, cest la confirmation que 47 a t victime de la censure politique. La France officielle ne veut pas quon revienne sur les pages sombres de la colonisation. On fait comme si les massacres de 1947 navaient jamais eu lieu. En minvitant Avignon, les dirigeants du festival ouvrent une brche dans le discours des autorits. Mais je ne veux pas entrer dans une polmique avec les dcideurs qui veulent tout ramener sur larne politique. En tant qucrivain, mon terrain est potique et littraire. Les mots, la voix sont mes seuls outils dexploration de la mmoire laquelle jinvite mon public.
Propos recueillis par Tirthankar Chanda




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