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| 03/11/2009 | |||
| Ananda Devi, une romancire fministe et... bouddhiste | |||
| (MFI) Le sari vert est le quatorzime roman d'Ananda Devi. A travers sa narration matrise des passions et des violences patriarcales qui obrent l'image de Maurice paradisiaque, la romancire franco-mauricienne poursuit une ouvre fministe de combat et de rvolte. | |||
| C'est en lisant une biographie du Bouddha l'ge de 13 ans que j'ai dcouvert l'origine de mon nom, raconte Ananda Devi. Le Bouddha avait un disciple qui s'appelait comme moi. Or celui-ci n'tait pas un disciple comme les autres, car il doutait. Mais le Bouddha l'aimait beaucoup, prcisment parce qu'il ne croyait pas aveuglment tout ce qu'il lui disait. Il questionnait son matre, l'interpellait, le forait changer d'avis. Je me suis vite rendue compte que cet Ananda-l tait un personnage exceptionnel. Moi qui portais son nom, il fallait que je sois la hauteur... Mais comment y parvenir ? Telle tait la question qui a longtemps taraud l'adolescente rveuse et studieuse que fut Ananda Devi. La rponse se trouvait videmment du ct des livres. C'est en effet travers l'criture, qu'elle a dcouverte peu prs l'ge auquel elle a perc le secret de son nom, que cette grande auteure franco-mauricienne a russi donner libre cours ses propres questions, ses doutes, ses inquitudes, rigeant une ouvre qui interpelle la socit. Tout comme le fit son homonyme de la haute et lointaine antiquit indienne. C'est une ouvre puissante et potique, celle d'Ananda Devi. Elle est aussi troitement ancre dans le monde mauricien dont son auteure est issue. J'ai toujours crit propos de Maurice parce que c'est une source inpuisable d'inspiration , aime-t-elle dire. Mme si elle a quitt l'le trs tt. Je suis partie faire mes tudes en Angleterre l'ge de dix-huit ans, puis je me suis installe en Europe o je vis, je travaille et j'cris. Mais je ne suis pas une exile, je n'ai jamais vraiment quitt Maurice , rappelle-t-elle. Comment peut-on tre une exile quand son pays occupe tout son imaginaire ? Trbucher sans tomber Aussi, le pays de l'enfance et de l'inspiration d'Ananda Devi se retrouve-t-il dans la quinzaine de livres que celle-ci a publis. Dans toute sa matrialit et son humanit. Une humanit incarne essentiellement par des personnages de femmes, victimes de la socit patriarcale, mais poursuivant malgr tout leur qute de soi et de libert qui les dfinit. Mes personnages trbuchent, mais ne tombent pas , dclare la Mauricienne. Ainsi, les femmes d'Ananda Devi trouvent le moyen de rester debout, mme quand elles sont battues, violentes, crases. Comme dans Le Sari vert, son quatorzime roman, o il est question de tyrannie familiale, de soumission et de rvolte. Au cour du livre, un vieux mdecin agonisant. Les femmes de la maisonne du Dokter-Dieu se rvoltent contre cet homme habit par une violence inoue et qui a pass sa vie les terroriser. Sa fille Kitty est marque pour la vie. Elle a vu sa mre mourir sous les assauts du pre. Elle-mme a t viole... Et pourtant, elle ne peut faire autrement que de recevoir chez elle le patriarche l'article de la mort qui vient lui qumander pardon et refuge. Mais trs vite, le pre reprend le dessus, profite de la faiblesse de sa fille pour l'opprimer encore et la culpabiliser. Le huis-clos qui s'installe alors entre pre et fille, lourd de menaces et de mchancets gratuites, est une des descriptions de l'enfermement les plus russies de la littrature franaise. L'atmosphre de suffocation qui dgage de ce face--face rappelle les portraits par Mauriac de la haine domestique au sein des familles landaises. Pour autant, ici comme dans tous les rcits d'Ananda Devi, l'enfermement, le silence, la mort ne sont pas les derniers mots. Le roman se termine sur l'espoir, sur la parole libre que laisse entrevoir la dernire scne du livre o Kitty, le fantme de sa mre et sa fille bien en chair sont runies dans un ultime mouvement cathartique et surrel. Je ne pouvais pas clore le roman sur le silence. Il fallait que je redonne la voix aux femmes. Par sa narration haletante et impressionniste, par la force de ses personnages, par la modernit de sa forme (le long monologue intrieur trs joycien du narrateur qui n'est autre que le patriarche agonisant), Le Sari vert rejoint les grands romans du corpus d'Ananda Devi : Le voile de Draupadi (1993), Moi, l'interdite (2000), Eve de ses dcombres (2006). Tous ces rcits tracent le chemin d'un corps corps avec leur matriau, fait de sang, de douleurs et de rvoltes. Ils disent un projet esthtique qui n'est pas que littraire, qui n'est pas sans rappeler la lgende du moine Ananda. Celui-ci aurait mal fini. Emmur dans une caverne par ses coreligionnaires, il avait t rduit dessiner dans le noir la beaut de la femme entrevue par la fentre de son monastre, avec pour seul outil les lambeaux de son propre corps. Je suis un moine aveugle de tout ce noir, mais dont l'esprit est habit par une explosion de couleurs et de beaut. Je me nourris de la gaiet du monde. J'en meurs. Ainsi parle Ananda ! Le Sari vert, par Ananda Devi. Editions Gallimard, 215 pages, 16,50 euros. | |||
| Tirthankar Chanda | |||
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