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| 22/12/2009 | |||
| D'Arusha Arusha, un film de Christophe Gargot
Faut-il juger les bourreaux ou les victimes du gnocide rwandais ? | |||
| (MFI) Des prtoires feutrs du Tribunal pnal international pour le Rwanda (TPIR), en Tanzanie, aux collines verdoyantes de Kigali, la capitale rwandaise, le documentaire de Christophe Gargot, renvoie une vision trouble de la juridiction onusienne charge de juger les principaux auteurs du gnocide de 1994. Dcryptage. | |||
| L'ide de faire un documentaire sur le Tribunal pnal international pour le Rwanda (TPIR) est audacieuse au vu des passions que continue susciter la tragdie rwandaise de 1994. On attendait donc ce moment de mettre enfin des visages sur les noms des bourreaux qui ont permis un tel dsastre humain : plus de 800 000 victimes, essentiellement parmi la communaut tutsie, en quelque trois mois. Une attente la hauteur galement des passes d'armes qui ont eu lieu huis-clos au TPIR depuis 1995. Le titre du film, D'Arusha Arusha, voque celui de Frdric Rossif, De Nuremberg Nuremberg (1987), cette ville de Bavire o avaient eu lieu les procs des principales personnalits du rgime nazi en 1946. Rossif l'avait conu pour rveiller les mmoires (voir encadr). Rien de ce genre dans le film de Christophe Gargot, o la rfrence Nuremberg tient lieu de clin d'oil symbolique, son objet tant plutt d'apporter un certain clairage sur la justice pnale internationale. Arusha, la bourgade tanzanienne, avait abrit la signature de l'accord du mme nom, en aot 1993, qui enjoignait les autorits de Kigali former au plus vite, dans un contexte d'ouverture au multipartisme, un gouvernement d'union nationale associant les Tutsis rfugis l'extrieur et l'opposition intrieure. Cette ville fut aussi le lieu des ultimes tractations entre les dirigeants de la rgion, huit mois plus tard, pour calmer la tension qui tait monte d'un cran - faute d'application de cet accord. A leur retour, le 6 avril 1994, les prsidents rwandais et burundais avaient trouv la mort dans l'attentat contre leur avion qui s'apprtait atterrir Kigali. Est-ce que vous admettez que des Tutsis sont tus par le simple fait qu'ils soient Tutsis ? D'emble, Raphal Constant, l'avocat du colonel Thoneste Bagosora, l'ancien directeur de cabinet du ministre de la Dfense, trs actif Kigali le 6 avril, s'tonne que son client comparaisse neuf ans aprs son arrestation, et huit ans et trois mois aprs son arrive la prison des Nations unies Arusha. [Il est] paradoxal, dit-il, qu'on ait mis autant de temps pour vouloir juger celui qui passe pour une figure de proue, au centre de l'entente pour la ralisation du gnocide . Le TPIR a souvent t critiqu pour sa lenteur et son opacit. En avril 2009, il avait prononc 32 condamnations et 5 acquittements parmi les principaux planificateurs prsums du gnocide. Mais le problme est ailleurs. Au-del du cas Bagosora, reprend Matre Constant, sur les 78 personnes qui ont fait l'objet de poursuites ce jour, dont un Belge, 77 sont des Hutus . Et de rappeler la mission confie ce tribunal par le Conseil de scurit de l'ONU, qui tait de juger tous les crimes et toutes les violations du droit humanitaire commis au Rwanda du 1er janvier au 31 dcembre 1994. On ne peut qu'tre tonn qu' ce jour, les poursuites n'ait t diriges que dans un camp ! Plus que le procs des gnocidaires, c'est donc bien celui du TPIR qui est au cour du documentaire. Christophe Gargot illustre en fait avec brio les thses de son conseiller ditorial et ami, Thierry Cruvellier, l'auteur du Tribunal des vaincus (Calmann-Lvy, 2004). Un livre o il reproche au TPIR de ne pas avoir traduit en justice les membres du Front patriotique rwandais (FPR), prsums coupables de nombreux crimes parallles ou postrieurs au gnocide. La question de la planification des massacres, c'est--dire de l'existence ou pas d'un gnocide, traverse bien sr tout le film. Est-ce que vous admettez qu' un moment donn, des Tutsis sont tus par le simple fait qu'ils soient Tutsis ? , demande Constant Bagosora qui, sans surprise, nie en bloc, parlant d'assassinats cibls mais pas systmatiques et de massacres excessifs , contestant au passage le nombre des morts. Le mystrieux rapport Hurigan accusait le FPR de l'attentat contre l'avion Le tmoignage de Faustin Twagiramungu est aussi difiant. Ce Hutu modr [un terme qu'il rcuse vigoureusement], n'a vu lui non plus ni planification ni listes prtablies. Membre de l'opposition avant le gnocide et Premier ministre du Rwanda la mi-juillet 1994, il prfre parler de continuit de la situation politique depuis la Rvolution de 1959 [o les gens se battent pour le pouvoir ] jusqu' l'attaque du FPR depuis l'extrieur en 1991. Est-ce un hasard ? Les repres historiques placs en tte du film emploient eux aussi les termes de massacre et guerre civile qui reprend propos du 6 avril. Autre polmique mise en avant dans ce film, sans que son contenu soit vraiment explicit, celle dveloppe dans le rapport Hurigan, une mystrieuse enqute indpendante des institutions onusiennes et dont les tmoins se sont tous rtracts. Il accusait le FPR d'tre l'auteur de l'attentat contre l'avion du prsident Juvnal Habyarimana, qualifi d'lment dclencheur du gnocide, et concluait une responsabilit partage entre Hutus et Tutsis. Ces arguments ont t qualifis depuis de ngationnistes. Or les extraits des procs slectionns par Christophe Gargot s'chelonnent entre 2000 et 2001*, priode o cette thse arrive en force Arusha. D'o sans doute cette impression troublante et tenace d'un film qui s'apitoie davantage sur le sort rserv aux bourreaux que sur celui des victimes - mme si leur mmoire est voque, notamment par des images du Mmorial de Murambi. Un documentaire aborder avec la plus grande prudence. D'Arusha Arusha, un film de Christophe Gargot. En salle Paris depuis le 19 dcembre 2009. Contre-alle distribution : arushafilm.com * Procs des militaires pour le colonel Bagosora (condamn fin 2008 la prison vie). Procs des mdias de la haine pour Georges Ruggiu, un Italo-belge, devenu animateur de la Radio-des-Mille-Collines pendant le gnocide, qui a plaid coupable (condamn douze ans de rclusion). De Nuremberg Arusha en passant par Jrusalem (MFI) De Nuremberg Nuremberg, le documentaire de Frdric Rossif (1987), avait t conu pour rveiller les mmoires . Dans cette ville de Bavire avaient eu lieu les grands messes de l'Allemagne nazie en 1933, ainsi que les procs des principales personnalits politico-militaires de ce rgime dictatorial et raciste, six mois aprs sa capitulation, en 1946. Procs de la Seconde Guerre mondiale, le film dcrit minutieusement l'enchainement des faits et remonte la gense des fascismes. Un tableau lucide et effrayant de la premire moiti du XXe sicle. Annette Wieviorka, directrice de recherche au CNRS, y estime que les accusateurs ont davantage insist sur les crimes contre la paix que sur le gnocide juif, dont l'importance n'aurait t comprise qu'en 1961 avec le procs, Jrusalem, du S.S. Adolf Eichmann. Officier responsable de l'aiguillage des trains de dports vers les camps de la mort, Eichmann reconnaissait seulement avoir obi aux ordres. Son procs a fait l'objet lui aussi d'un documentaire. Sign Eyal Sivan et Rony Brauman, Le Spcialiste (1998) pose clairement la question de la responsabilit dans la mise en ouvre de la solution finale , quel que soit le rang occup dans la chane de commandement. A. D. | |||
| Antoinette Delafin | |||
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