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12/01/2010
Le Sud-Africain Breytenbach rend hommage son ami palestinien disparu

(MFI) Paru la fin de l'anne 2009, le nouveau recueil de pomes du pote et peintre sud-africain Breyten Breytenbach est ddi un ami disparu. Cet ami n'est autre que le Palestinien Mahmoud Darwich auquel l'auteur du Cour-chien et d'Une Saison au paradis avait fait le serment de se charger de l'impossible si l'autre devait mourir avant lui. Autrement dit, de poursuivre leur dialogue par-dessus le silence et la froidure de la tombe.

En partie lgiaque, en partie mditation (sur la vie et la mort), mais aussi dialogue d'outre-tombe, le recueil de douze pomes de Breyten Breytenbach, intitul Outre-voix/Voice over est surtout un hommage au pote de langue arabe Mahmoud Darwich, aujourd'hui disparu.

Brutalement arrach la vie il y a deux ans, au cours d'une opration cour ouvert dans un hpital de Houston (Texas), le Palestinien Darwich fut aussi un ami cher que le Sud-Africain avait rencontr pour la premire fois lors d'un festival de posie Rotterdam. Depuis, les deux potes ont entretenu travers les contingences de la vie un dialogue riche et potique, nourri de leurs expriences communes d'crivains politiques et subversifs qui ont fait de l'imagination l'arme miraculeuse pour la libration de leurs peuples, sud-africain et palestinien respectivement. Dans les pages d'Outre-voix/Voice over o paroles et souffles s'entremlent, le dialogue se poursuit par-del de la mort car les potes s'taient fait le serment de continuer vaille que vaille: N'oublie jamais/si je devais mourir avant toi/je te charge de l'impossible... .

Cette mission de poursuivre l'impossible incombe aujourd'hui au Sud-Africain qui explique dans la postface de son opuscule le sens de son ouvre: Immdiatement aprs son dcs (celui du Palestinien), j'ai commenc cette srie de pomes, comme des fragments de la conversation que je poursuivais avec lui. (...) Le voyage continue et le dialogue se poursuivra afin de chercher Mahmoud Darwich entre les mots.

En hommage l'ouvre du troubadour Darwich

C'est Breytenbach lui-mme qui donne les clefs de ce mince recueil d'une soixantaine de pages qu'il qualifie de collage ou encore de variations de l'ouvre du troubadour palestinien. L'objectif est de faire entendre la parole trs particulire du pote disparu, cette parole potique qui a fait de la Palestine sa mtaphore fondamentale et du dsespoir l'horizon d'attente de son peuple gar dans le dsert de l'Histoire. cris : arabe/ cris : palestinien/cris : afrikaner/cris : humain aussi , chante le Sud-Africain, faisant cho au clbre pome du Palestinien Inscris! Je suis arabe , pome qui sonne aujourd'hui encore comme une injonction dans les mmoires et les imaginaires des Arabes crass, damns par les anciens comme les nouveaux ordres mondiaux.

Les douze pomes du recueil renvoient aussi aux thmes chers au disparu : la rflexion sur la mort ( cette mort n'a aucune signification !/C'est une farce ! Nos sens un cloaque !/Je refuse de croire que j'ai t bern/Peut-tre suis-je dans l'entre-deux/Un dormeur la retraite/en vacances dans la vie ), l'identit ( l'identit est un dialogue, Mahmoud/lorsqu'on entend comme dans un rve/l'autre parler/et que l'on comprend/existe (...)/ cette terre est plus petite, plus noire, plus silencieuse/que le sang de ses enfants. La terre nous est troite, crivait Darwich. Elle nous accule dans le dernier dfil et nous nous dvtons de nos membres pour passer.

Mtissage de la Palestine et de l'Afrique du Sud

Enfin, ce qui fait rellement la force de ce recueil, c'est son mtissage russi. Mtissage de la Palestine et de l'Afrique du Sud, deux pays spars par la gographie et runis par leur statut emblmatique de la condition postcoloniale. Mtissage aussi des langues et des images empruntes aux traditions afrikaans, langue dans laquelle le recueil a t initialement compos, avant d'tre traduit en anglais par l'auteur lui-mme. Il ne s'agit pas de traduction proprement parler, a expliqu Breytenbach. La version anglaise a jailli de mes tentatives en afrikaans, avec pour objectif de faciliter un dialogue entre les deux langues. (...) Par moments une association d'ides avec les possibilits offertes par l'anglais m'a ouvert de nouvelles pistes en afrikaans. Ce va-et-vient incessant et fcond entre pays, cultures, sensibilits et voix est aussi ce qui fonde l'ouvre de Breytenbach, une ouvre minemment originale et protiforme qui n'a pas son pareil dans la littrature sud-africaine contemporaine.

Outre-voix/Voice over, par Breyten Breytenbach. Traduit de l'afrikaans par George Lory. Edition Actes Sud, 74 pages, 13 euros.

Tirthankar Chanda

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