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26/01/2010
Le Commandement oprationnel de Douala au cour d'un documentaire Une Affaire de Ngres, d'Oswalde Lewatt : L'enfant a fait quoi ?

(MFI) Un ralisateur, deux films, un dbat : c'est la formule des Maquis documentaires lancs par l'association Clap noir, qui donne carte blanche du 19 janvier au 25 mai 2010 aux nouveaux documentaristes africains. La premire des projections bimestrielles organises au Nouveau Latina, Paris, a t ddie une Camerounaise, Oswalde Lewatt, pour Une affaire de ngres, un film qui illustre l'engagement politique des cinastes de sa gnration.

Comment ai-je pu tre aussi aveugle ? Comment a-t-on pu laisser arriver cela sans ragir ? Ces questions, Oswalde Lewatt, journaliste dans un organe national camerounais, se les pose en 2004. En butte sa conscience, elle dcide de rencontrer les familles des victimes du drame qui a endeuill Douala de 2000 2001. Envers et contre tous, elle ralise son premier tournage six ans aprs les faits. Une enqute rondement mene et dans laquelle la jeune ralisatrice rappelle l'opinion la ralit crue de ces vnements dont bien peu se sont ports tmoins l'international comme l'intrieur du Cameroun.

Pour lutter contre le grand banditisme qui avait pris des proportions alarmantes - et la demande des populations qui aspiraient plus de scurit -, le gouvernement avait cr en 1999 un Commandement oprationnel (CO) compos d'lments de l'arme, de la gendarmerie et de la police. A sa tte, un gnral qui imposa la loi martiale dans la capitale conomique du Cameroun.

Un millier d'excutions extrajudiciaires

Un an plus tard, le bilan est lourd : les units du CO se sont livres quelque mille excutions extrajudiciaires. Nuit et jour, sur dnonciation ( l'instar du systme d'alerte expriment Brazzaville en 2007*), tout bon citoyen pouvait dsigner, rien qu'en composant le numro vert mis sa disposition, le coupable de tous ses maux. L'enqute d'Oswalde met le doigt l o a fait mal. Elle montre les dangers de ce systme de dlation qui a entran les pires dviances. Ainsi, une femme jalouse de la maison un tage de son voisin dnonce un beau jour le fils de celui-ci qu'elle accuse d'avoir vol sa bonbonne de gaz. Sans plus d'enqute, le CO s'excute : arrestations, tortures, disparitions.

Dans un premier temps, des corps sont rgulirement retrouvs flottant sur le Wouri ou abandonns dans la brousse. Ceux de nombreux adolescents dont les familles cherchent en vain les corps pour enfin pouvoir dfinitivement en faire le deuil. Le scandale culmine lors de la disparition de neuf jeunes du quartier de Bpanda en janvier 2001. La goutte d'eau qui fait dborder le vase.

L'enfant a fait quoi ? , demandent en chour les parents. Les victimes sont souvent filmes sur leurs lieux de vie, au quartier, lors de l'enterrement symbolique d'un de ces adolescents, ou encore sur le chemin de terre o, un matin, un pre a dcouvert son fils mourant... Des scnes qui offrent une approche sensible et intimiste, o les personnages mis en scne jouent un pisode de leur histoire. Le film explore leur dtresse. Celle de cette femme, par exemple, devenue vendeuse de beignets aprs l'arrestation de son mari au milieu d'une nuit, alors qu'elle allaitait ses cts le plus jeune de leurs quatre enfants.

Dans Une affaire de ngres, Oswalde Lewatt rappelle aussi aux Africains que c'est eux de se prendre en charge. Au banc des accuss, la corruption, trs leve au sein des forces de l'ordre camerounaises. Si t'as des armes, on te tue, si t'en as pas, tu donnes 100 000 francs (CFA). Et mme si tu les donnes, tu peux quand mme mourir. Ces propos ordinaires des membres du CO sont ainsi rsums par un pre qui a pu visiter son fils, dans l'un des camps rservs ces prisonniers trs spciaux, juste avant sa disparition.

Plaidoyer pour un tat de droit

Le film nous donne en contrepoint entendre le point de vue des membres du CO qui ont accept de tmoigner. Le clou du film est d'ailleurs ce moment o l'un d'eux mime les gestes, plusieurs fois rpts, des nocturnes excutions sommaires perptres en brousse. Il bondit droite puis gauche, imite le bruit du fusil et, au final, se dlecte l'vocation de ce souvenir qu'il associe, avec fiert, aux compliments lui adresss ce jour-l par son suprieur hirarchique.

Les forces de l'ordre ont la mission de terroriser la population, pour qu'elle ait toujours peur et qu'elle ne puisse pas revendiquer. C'est comme a que le pouvoir agit, lui qui se maintient depuis trente ans par des lections frauduleuses , dit en substance l'un des avocats interrogs. Des avocats qui lancent au passage un vritable plaidoyer pour un tat de droit au Cameroun. Une bouteille lance la mer ? Pas si sr en voir la vitalit de ce documentaire plusieurs fois prim dans les festivals.

En seconde partie, pour cette premire soire des Maquis documentaires qui donnait carte blanche Oswalde Lewatt, celle-ci a choisi de faire venir un de ses ans, le Zimbabwen Michael Reaburn, dont le film Zimbabwe, de la libration au chaos nous rappelle les travaux de celui qui fut l'un des prcurseurs du documentaire politique.

* voir http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=4954

www.clapnoir.org

Les Maquis documentaires : le 18 mars 2010, la musique rythme avec politique, avec Angle Dabiang (Sngal), qui rendra hommage Samba Flix N'Diaye. Le 25 mai 2010, l'exode rural et l'origine de la migration, avec Sani Elhadj Magori (Niger) qui rendra hommage Jean Rouch (et son film Jaguar).

Antoinette Delafin

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