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03/03/2006 | |||
Le prix de l'eau : un bien vital sous contrainte de la rgulation publique | |||
(MFI) Pourquoi faut-il faire payer leau et selon quelles modalits ? Leau a-t-elle un prix ? Ces questions ont fait dbat au cours des dernires dcennies. Elles opposent encore aujourdhui les tenants de la gratuit et les partisans dun service payant, notamment au sujet des populations les plus pauvres. | |||
En 2002, lOrganisation mondiale de la sant (OMS) estimait que plus dun milliard dtres humains navaient toujours pas accs leau potable et que 2,6 milliards ne bnficiaient daucun service dassainissement, cest--dire daccs des installations sanitaires de base. Face une telle situation, lide dappliquer un droit leau est de plus en plus soutenue aux quatre coins de la plante. Ce droit ntait quimplicitement reconnu dans les documents juridiques internationaux. Mais le Comit des droits conomiques et sociaux des Nations unies, charg du suivi de la mise en uvre du Pacte international sur les droits conomiques, sociaux et culturels, a adopt en 2002 une Observation gnrale (N15) selon laquelle le droit leau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et un cot abordable, dune eau salubre et de quantit acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun . Cot abordable ou gratuit ? Si cette observation intgre la notion de cot abordable , en revanche de nombreuses campagnes ont t menes en faveur de la gratuit de leau. Notamment, la fondation de Danielle Mitterrand, France Liberts, a lanc en octobre 2005 une campagne intitule Le droit de leau : libre, potable et gratuite. Les partisans de la gratuit avancent notamment lide que leau ne doit en aucun cas faire lobjet dune marchandisation et rclament la mise disposition titre gracieux dune quantit deau potable par jour et par personne. Dans cet esprit, lAfrique du Sud a initi en 1999 la tranche sociale gratuite , qui visait garantir que le cot de leau nentravait pas laccs leau potable. La politique tait base sur la gratuit des 6 000 premiers litres deau consomms par mnage et par mois. Elle a rapidement montr ses limites : une fois ce quota dpass, les tranches suivantes sont passes un cot lev. Ainsi, 20 m3 taient facturs lquivalent de 6,6 euros avant la mise en place de cette politique, contre 7 euros aprs 1999. De plus, la tranche gratuite tait insuffisante, eu gard la composition des mnages qui comptent souvent plus de huit personnes. Elle est aussi vite apparue mieux adapte au monde rural quau milieu urbain. La distribution deau potable ncessite toutefois linstallation dinfrastructures dont le cot est trs lev, sans parler de leur entretien. Selon le Conseil mondial de leau (CME), le montant annuel ncessaire lextension des infrastructures dadduction deau est estim 75 milliards de dollars en plus du cot de lentretien des systmes existants tandis que les investissements rels sont de lordre de 30 milliards. Toujours selon le Conseil, le montant global devrait passer 180 milliards de dollars par an pour les vingt ans venir pour parvenir moderniser les quipements existants et en installer de nouveaux. Lide dune eau potable totalement gratuite parat donc utopique face de tels chiffres. Une ncessaire contribution de tous Les modalits de paiement de la consommation deau se rpartissent en deux grandes options. Dune part, la couverture partielle du cot par le contribuable travers la fiscalit (au niveau de lEtat ou de la collectivit locale) dans une logique de service public administratif ; dautre part la couverture du cot par le consommateur travers la tarification dans une logique de service public caractre industriel et commercial. Selon la capacit financire des populations raccorder aux rseaux, des solutions solidaires de partage des cots reposant sur la mutualisation des moyens, les tarifications quitables et les redevances de solidarit sont souvent ncessaires. Car la production deau a un cot. Face lnormit des besoins, le panel Camdessus a insist sur une ncessaire contribution de tous, notamment pour sassurer dune incitation des services deau desservir toutes les zones gographiques. Lorsque leau est gratuite ou peu chre, on constate que les quartiers favoriss sont les seuls tre desservis. Le paiement dune partie des cots par les usagers constitue un des meilleurs arguments contre le gaspillage. Dans tous les domaines, les pauvres prfrent payer un minimum pour avoir un service effectif. La gratuit se termine systmatiquement pour eux par une absence de service, ce qui veut dire quils se procurent leau un prix cinq dix fois suprieur celui des zones desservies. Un bien grer efficacement Le mode de gestion de ce service doit-il tre entirement publique, semi-publique (avec la mise en place de partenariats public/priv) ou priv ? Cette question se pose de faon accrue depuis que les acteurs du secteur, linstar du CME, ont estim que leau devait tre considre comme un bien grer de faon efficace. Do ses recommandations pour un recours plus important aux investisseurs privs lesquels ne grent pour linstant quenviron 5 % des ressources mondiales. La bonne gouvernance du secteur et la gestion performante des services qui rsultent d'une participation du secteur priv permet d'amliorer et d'accrotre l'accs aux sources de financement publiques (APD) et prives (banques commerciales et pargne locale). Mais la mise en place de services marchands exploits par des entreprises prives peut parfois poser problme. Dans un rapport intitul Financer leau pour tous (2003), Michel Camdessus, ancien prsident du Fonds montaire international (FMI), affirme que leau est probablement lun des domaines o la corruption frappe le plus . Ainsi, Nairobi, en 2004, des milliards de shillings auraient t dtourns au travers doffres et de branchements deau illgaux, entranant louverture dune enqute par le Prsident de la Socit des eaux de Nairobi, M. Kabando wa Kabando. Les compagnies prives ne fixent jamais le prix de leau, prrogative de lautorit dlgante ou rgulatrice - mme si elles ont pu parfois utiliser cet argument comme une pouvantail. Pour le CME, lEtat devrait tre cantonn un rle de simple rgulateur comme cest le cas en principe en France ; lautorit publique a un rle pdagogique majeur jouer auprs des populations pour leur faire assimiler les modalits de paiement, par le biais des maires ou des chefs de village dont le rle est prpondrant. La prsence des autorits publiques doit aussi se manifester au niveau du contrle de gestion afin dassurer la bonne gouvernance. Un suivi des performances devrait encore tre instaur grce des indicateurs de gestion deau qui rendraient compte de lefficacit des services, assurant par exemple un suivi du cot de leau, et qui pourrait, dans certaines hypothses, analyser les liens entre approvisionnement en eau et pauvret. Florence Leroux LArgent de leau (MFI) Ralis pour le compte de lAgence Franaise de Dveloppement (AFD), ce documentaire de Christian Lallier relate linstallation au Mali dun mini rseau de bornes-fontaines en milieu rural afin dalimenter les communes en eau potable. Engag depuis les annes 1990 dans une politique de dveloppement de son secteur hydraulique dans les communes rurales, le Mali est soutenu en ce sens par plusieurs bailleurs de fonds dont lAFD. Ce dernier a contribu ce projet entre 1994 et 2004 hauteur de plus de 30 millions deuros, et en 2006 un financement de plus de 6 millions deuros est galement prvu. Ce film permet dapprhender le fonctionnement de ce projet, de limplantation des bornes-fontaines au contrle de leur gestion effectu rgulirement par deux cabinets daudit privs. Du choix de lemplacement des robinets dans le village aux importants problmes de gestion rencontrs dans dautres villages, ce documentaire met aussi en exergue limportance de la responsabilisation des populations locales dans tout le suivi du projet. Le documentaire relate galement la ncessaire mise en place de structures au niveau local avec, par exemple, la cration de groupements informels dusagers ainsi que la ncessaire association des femmes dans ce type de projets, celles-ci tant concernes au premier chef par leau. F. L. | |||
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