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MFI HEBDO: Economie Dveloppement Liste des articles

03/03/2006
Taxe sur les billets davion
Coup de pouce franais aux financements innovants


(MFI) Les reprsentants de 93 pays, du nord comme du sud, se sont runis Paris les 28 fvrier et 1er mars 2006 pour examiner lensemble des pistes pouvant mener de nouveaux financements censs suppler linsuffisance de laide au dveloppement.

En organisant cette confrence ministrielle dans la capitale franaise, le prsident franais Jacques Chirac, lorigine de la proposition dune taxe sur les billets davions pour financer dans un premier temps les dpenses de sant dans les pays pauvres, a donn un nouveau coup de pouce la recherche de financements innovants destins suppler linsuffisance de laide au dveloppement. Si la rponse linvitation du chef de lEtat franais a t massive tant de la part des pays dvelopps que de ceux en dveloppement, deux des plus grands bailleurs de fonds ont brill par leur absence : les Etats-Unis et le Japon restent en effet allergiques lide de nouvelles taxes, tributaires selon eux de leurs parlements respectifs la Dite pour Tokyo et le Congrs pour Washington. LAllemagne, pourtant trs active la confrence, ne sest pas encore prononce sur cette nouvelle taxe.
Les compagnies ariennes dj frappes par la hausse du prix du carburant, nont pas cach leur hostilit cette nouvelle taxe. Le directeur gnral de lIATA (Association internationale du transport arien) qui regroupe 265 compagnies ariennes de 136 pays, Giovanni Bisignani, a demand aux gouvernements de rejeter la proposition de Jacques Chirac et a critiqu le soutien de Kofi Annan, Secrtaire gnral de lONU, cette taxe. Les compagnies ariennes contribuent massivement au dveloppement en amenant des touristes dans ces pays ou en transportant des marchandises. Rendre le transport arien plus coteux revient mordre la main qui nourrit le dveloppement , a-t-il affirm. Selon IATA, celui-ci a cr 470 000 emplois en Afrique et contribue pour 9,3 milliards de deuros au PNB (Produit national brut) africain. Pour les vols nationaux ou destination dun aroport compris dans lespace conomique europen, la France prvoit une taxe dun euro par passager en classe conomique et dix euros en classe affaire ou premire. Pour les autres vols, les taux seront quatre fois plus levs, selon les classes de voyage, les passagers en correspondance en tant toutefois exempts.
Les reprsentants de 93 pays, du nord comme du sud, ont fait le dplacement Paris pour examiner lensemble des pistes pouvant mener ces nouveaux financements : taxe sur les billets davion mais aussi la Facilit internationale de financement (IFF), propose par la Grande-Bretagne et soutenue par la France, avec un projet pilote concernant la vaccination, ainsi que la rduction de lvasion fiscale, ou la taxation des transactions financires internationales. Autres moyens voqus la confrence : la facilitation et la diminution du cot des transferts des travailleurs migrants et une loterie humanitaire internationale propose par le Programme alimentaire mondial (PAM). Laffectation du produit dune telle loterie la lutte contre la faim pourrait gnrer prs de 500 millions deuros chaque anne, et permettrait aux citoyens de contribuer sur une base volontaire aux efforts mens en faveur du dveloppement. Cette hypothse est actuellement ltude au sein de lUnion europenne (UE).

Un message solidaire du prsident Lula

Au palais de lElyse, Jacques Chirac tait entour notamment du nouveau prsident en exercice de lUnion africaine, le chef de lEtat congolais, Denis Sassou Nguesso, de son homologue malien Amadou Toumani Tour (ATT) et de Kofi Annan. Le prsident du Brsil, Luiz Inacio Lula da Silva, qui na pu faire le dplacement, a toutefois fait parvenir un message soulignant son attachement la mise en oeuvre de la contribution solidaire sur les billets davion, prcisant que son gouvernement a dj pris des mesures visant son adoption permanente et dfinitive. Le Brsil soutient notamment la cration dune Facilit internationale dachat de mdicaments (FIAM) contre les pandmies du HIV/sida, de la tuberculose et du paludisme, qui frappent les pays en dveloppement. Pour Jacques Chirac, en dpit de laugmentation constante de la richesse globale, le tiers de lhumanit continue survivre avec moins dun euro par jour, la moiti de lhumanit survit avec moins de deux euros par jour. () Telle quelle se dploie aujourdhui, la mondialisation, loin de rduire ces ingalits, les creuse encore davantage Aprs des annes o a prvalu lillusion que la mondialisation de lconomie suffirait rsoudre tous les problmes du dveloppement, la communaut internationale admet, enfin, lexigence de solidarit , a-t-il ajout, rejoignant ainsi le point de vue de Kofi Annan.

A titre exprimental, comme un premier pas, sans plus attendre

Pour le prsident franais, laugmentation de lAide publique au dveloppement (APD) et les annulations de dettes ne seront pas suffisantes face lampleur des besoins, soit prs de 200 milliards de dollars par an dici 2015, contre 65 milliards aujourdhui, si lon veut atteindre les Objectifs du millnaire pour le dveloppement (OMD). Il a aussi prcis que la France a dcid de mettre en place, titre exprimental, comme un premier pas, sans plus attendre, une premire contribution de solidarit sur les billets davion , qui permettra de lever, partir du 1er juillet 2006, plus de 200 millions deuros par an.
Denis Sassou Nguesso, rappelant que les pays en dveloppement ont besoin dun minimum de 70 milliards de dollars supplmentaires par an pour atteindre les OMD dici 2015, a assur Jacques Chirac du soutien de lAfrique qui entend prendre pleinement sa part dans le mcanisme de suivi, notamment dans lapprciation des politiques dimpulsion de toutes les initiatives visant la mise en oeuvre effective des financements innovants . Le prsident malien a pour sa part mis laccent sur la conviction partage par toute la communaut internationale que latteinte des Objectifs du millnaire pour le dveloppement passe par la mobilisation de ressources autres que lAide publique au dveloppement () seul moyen de promouvoir une mondialisation solidaire . Il a aussi indiqu quil proposerait, lissue de la confrence de Paris, des concertations sous-rgionales au sein de lUnion conomique et montaire ouest-africaine (UEMOA) pour ladoption de mesures entrant dans le cadre des financements innovants du dveloppement.

Une nouvelle tape dans la mobilisation de la communaut internationale

La confrence de Paris constitue une nouvelle tape dans la mobilisation de la communaut internationale sur ce thme aprs la rencontre des chefs dtat et de gouvernement sur laction contre la faim et la pauvret, organise aux Nations unies en septembre 2004, puis la signature par 79 pays en septembre 2005 de la Dclaration de New York en faveur des sources innovantes de financement du dveloppement, loccasion dun sommet extraordinaire sur la rforme de lONU et les OMD. Ainsi le sujet est dsormais inscrit lordre du jour de toutes les grandes enceintes internationales mais aussi de lUE et du G8. Sur un plan concret, seuls le Brsil, le Chili, Chypre, le Congo, la Cte dIvoire, la Jordanie, le Luxembourg, Madagascar, Maurice, le Nicaragua et la Norvge ont indiqu leur volont de mettre en uvre une contribution internationale de solidarit sur les billets davion comme lont dj annonc Paris et Londres.
Les participants a la confrence ont convenu de se runir nouveau en 2007 dans le cadre dun Forum sur les sources innovantes de financement du dveloppement et ont cr un groupe pilote de quelque 32 pays riches et pauvres pour assurer le suivi des dcisions prises Paris. Parmi eux, on note la prsence des partisans de la taxe mais aussi de plusieurs pays africains dont lAfrique du Sud et le Maroc, de pays europens comme lAllemagne, la Belgique et lEspagne, de lInde, de la Jordanie, du Liban et du Mexique. Ce groupe sera prsid alternativement pendant six mois par un pays en dveloppement et un pays dvelopp, et les deux premires prsidences seront assures successivement par le Brsil, qui a propos daccueillir le forum, et la Norvge. La France assurera le secrtariat permanent du groupe qui associera ses travaux les organisations internationales et non gouvernementales intresses.

Marie Joannidis


Quelles autres taxes pour financer le dveloppement ?

(MFI) Parmi les financement innovants qui pourraient contribuer augmenter laide au dveloppement figurent les transferts des fonds des migrants et la taxation des transactions financires internationales.


Plusieurs pays comme la France (co-dveloppement), lEspagne ou le Mexique ont commenc mettre en place des systmes daccompagnement de projets avec les migrants afin de limiter les impacts ngatifs lis aux transferts de fonds et de contribuer lamlioration de la qualit de vie dans les pays dorigine. Selon la Banque mondiale, les montants des transferts de fonds des migrants vers leur pays dorigine pourraient atteindre 220 milliards de dollars en 2006, soit beaucoup plus que lAide publique au dveloppement (APD). Une partie importante de ces transferts emprunte des canaux informels chappant ainsi toute valuation officielle, notamment en raison du cot des transferts et de la faiblesse du systme bancaire dans certains pays.

Seuls 17 % des transferts proviennent des Pays en dveloppement

Les transferts de fonds ne concernent pas exclusivement des oprations Nord-Sud. Un peu moins de la moiti des fonds provient des pays dvelopps de lOCDE, un tiers provenant des pays ptroliers du Moyen-Orient, et le reste (17 %) des Pays en dveloppement (PED) eux-mmes. Selon le FMI, en 2004, lAmrique latine et les Carabes sont les premiers bnficiaires de ces transferts (32 % des montants globaux) suivis par lAsie du Sud (20 %), lAsie de lEst et le Pacifique (19 %), le Moyen-Orient et le Maghreb (14 %), lEurope et lAsie centrale (11 %), et lAfrique sub-saharienne (4 %). Le poids de ces transferts dans les ressources du pays peut reprsenter une part importante : 24,2 % du PIB pour Hati, 22,8 % pour la Jordanie, 16,2 % pour le Nicaragua ou encore 10,9 % pour le Maroc. Les pays bnficiaires relvent plus, en gnral, des pays revenus intermdiaires que des pays les moins avancs. Laccent mis depuis quelques annes sur la lutte contre la pauvret a amen la Banque mondiale et le DFID, lagence de dveloppement britannique, raliser des tudes centres sur ce sujet dans 74 pays bas ou moyen revenu selon lesquelles une augmentation de 10 % du poids des transferts dans le PIB dun pays se traduit gnralement par une diminution de 1,2 % de la pauvret.

La mort de la taxe Tobin ?

Depuis plus de vingt ans, la communaut internationale a voqu dide dune taxe prleve sur les transactions de change (dite taxe de Tobin ) pour lutter contre la spculation et la volatilit des marchs. Cette taxe, telle quelle tait conue, avait un taux relativement lev, parce quelle visait freiner les spculations. Pour de nombreux conomistes, elle pourrait rduire lactivit des marchs, et donc la base taxable et les revenus procurs. Des groupes dtudes mens par la France et le Brsil nvoquent plus le mot de Tobin et envisagent une taxe trs faible taux pour ne pas freiner et perturber les marchs et qui serait destine exclusivement dgager des ressources financires pour le dveloppement. Selon certains experts franais, une telle taxe peut fonctionner techniquement et rapporterait, au plan mondial, entre 10 et 15 milliards de dollars par an. La question, qui suscite toujours un vif dbat politique, na toujours par recueilli de consensus largi. De mme que la taxation lie lvasion fiscale et au blanchiment dargent. Une prochaine tape sera la confrence prvue cette anne par le Brsil sur les questions relatives lvasion fiscale et les mouvements internationaux de capitaux. Enfin, pour le moment, seuls les alter mondialistes rclament encore une taxe sur les ventes darmes.

Marie Joannidis




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