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MFI HEBDO: Economie Dveloppement Liste des articles

31/03/2006
Soudan et Tchad : deux poids, deux mesures

(MFI) Le Soudan et le Tchad, membres rcents du club restreint des pays exportateurs de ptrole africains, subissent tous deux les effets politiques et conomiques du conflit du Darfour, qui fait frontire entre les deux pays, aux confins du Sahara.

La Banque mondiale, qui gre une partie des 4,5 milliards de dollars promis au Soudan par la communaut internationale et une proportion importante des revenus ptroliers du Tchad applique en fait une politique de deux poids, deux mesures leur gard. En fait, malgr le Darfour, les bailleurs de fonds ont renouvel leur soutien au Soudan pour sauver laccord de paix entre le Nord et le Sud alors que certains dentre eux, avec en tte les Etats-Unis et la Banque mondiale, ne tiennent pas compte des graves retombes de ce conflit sur le Tchad, pays francophone , soulignent des experts franais qui reconnaissent toutefois les carences non seulement de Khartoum mais aussi de NDjamena. Ils reprochent en effet aux dirigeants de Khartoum de continuer leur appui aux milices qui sment la terreur dans le Darfour. Ils admettent aussi que les dirigeants tchadiens, qui ont remis en cause laccord avec la Banque mondiale concernant lutilisation des revenus du ptrole, le prsident Idriss Dby en tte, navaient pas essay dentamer de discussions pour trouver un compromis avant de prendre une telle dcision.

Soudan : un appui financier renouvel

Runis Paris les 9 et 10 mars 2006 sous lgide de la Banque mondiale, les principaux bailleurs de fonds ont renouvel leur promesse dune aide de 4,5 milliards de dollars pour une priode de trois ans, partir du 1er juillet 2005, afin de soutenir le processus de paix entre le Nord et le Sud Soudan. Jan Pronk, reprsentant spcial du secrtaire gnral de lONU au Soudan, a soulign devant la confrence que la situation au Darfour restait critique sur le plan humanitaire mais quil fallait aussi tenir compte dune situation durgence dans le sud et dans trois autres rgions (Abyei, sud Kordofan et rgion du Nil bleu). La runion, qui a appel toutes les parties mettre fin aux hostilits, a nanmoins raffirm la ncessit de mobiliser des ressources intrieures et extrieures pour un effort majeur de reconstruction et de dveloppement , surtout dans le sud - pour que la population voit des progrs tangibles aprs laccord de paix avec Khartoum.
Nous voyons des progrs sur certains points dans la mise en oeuvre de laccord de paix, malgr des tensions entre Nord et Sud , a indiqu un dlgu europen qui a soulign que les experts sont rassurs du fait que le partage des revenus ptroliers a lair de bien fonctionner . Certains participants ont mis laccent sur le fait que le nouveau gouvernement rgional du Sud, tabli en novembre dernier avec sa tte le gnral Salva Kiir, est encore au stade de la cration des institutions car au Sud Soudan, il a fallu commencer partir de zro . Salva Kiir a succd au chef historique du Sud, John Garang, aprs la mort de ce dernier en juillet 2005 dans un accident dhlicoptre, et il a assum ses fonctions de premier vice-prsident du gouvernement dunit nationale soudanais, tabli aprs laccord de paix sign le 9 fvrier 2005.


Tchad : la querelle avec la Banque mondiale

La Banque mondiale avait dcid en janvier 2006 de ne plus accorder de nouveaux crdits ou dons au Tchad et avait suspendu les dcaissements des fonds de lAssociation internationale pour le dveloppement (AID/IDA, filiale de la Banque) allous ce pays, dont le montant avoisine les 124 millions de dollars. Cette dcision faisait suite ladoption par lAssemble nationale tchadienne damendements la loi portant sur la gestion des revenus ptroliers. Nous avons la responsabilit de nous assurer que les ressources gnres par le projet dexploitation ptrolire sont utilises pour faire face aux besoins des populations pauvres du Tchad , avait alors dclar le prsident de la Banque mondiale, le no-conservateur amricain Paul Wolfowitz. Il a reproch aux autorits tchadiennes de ne pas avoir accept le dialogue, avant de remettre en cause laccord. En se dclarant toutefois persuad que les deux parties pouvaient trouver un terrain dentente qui prenne en compte les proccupations lgitimes du Gouvernement tchadien et notre objectif dassurer que les revenus ptroliers du Tchad bnficient aux populations pauvres de ce pays .
La loi portant gestion des revenus ptroliers, promulgue en 1999, avait t le facteur dterminant du soutien de la Banque mondiale au projet dexploitation ptrolire et de la construction de loloduc Tchad-Cameroun. Le gouvernement tchadien avait pris lengagement de ne pas amender ni de droger aux dispositions de la loi de manire affecter matriellement et ngativement le programme de gestion des revenus ptroliers. Cette loi stipule quune grande partie des revenus ptroliers est affecte au dveloppement et la rduction de la pauvret et cre un Fonds pour les gnrations futures afin de permettre aux populations de tirer avantage des revenus quand les rserves ptrolires seront puises.
Les amendements proposs par les autorits de NDjamena, et adopts par lAssemble nationale, largissent la dfinition des secteurs prioritaires en y incluant notamment lAdministration territoriale et la Scurit. Ils prvoient llimination du Fonds, impliquant le transfert immdiat au trsor public de plus de 36 millions de dollars dj disponibles et bloqus sur un compte Londres. Des reprsentants de la Banque mondiale et du Tchad se sont runis fin janvier Paris sans beaucoup progresser. Mais ils ont convenu de se revoir et une mission doit se rendre sur place NDjamena pour examiner les problmes. Le prsident Idriss Deby, qui a dcid de se reprsenter la tte du pays et qui ngocie avec Khartoum un accord de paix pour empcher les incursions de part et dautre de la frontire, qualifie d injustes les sanctions infliges son pays par la Banque mondiale, estimant quil faut dabord soccuper de la situation actuelle du pays avant de penser aux gnrations futures. Il estime aussi que son pays est directement frapp par le conflit du Darfour, qui a accentu linscurit aux frontires tout en imposant un lourd fardeau supplmentaire au Tchad : plus de 200 000 rfugis du Darfour sont hbergs dans 12 camps de lEst du Tchad ainsi que prs de 45 000 Centrafricains qui ont fui les violences chez eux.

Marie Joannidis

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