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13/10/2006 | |||
Questions internationales (2) Aide au dveloppement : des choix et des mthodes parfois contests | |||
(MFI) Si lUnion europenne reste le premier fournisseur dAPD au monde, ses mthodes de calcul et certains des principes qui sous-tendent son action sont critiqus par les organisations humanitaires. | |||
Les chiffres dAPD donns par lUnion europenne correspondent-ils une aide relle sur le terrain ? Cest prcisment ce que conteste un collectif dOng parmi lesquelles Oxfam et Save the Children regroupes dans la coalition Concord. Dans un rapport publi en avril 2006, ces associations affirment quenviron 12 milliards de dollars sur les 45 de laide europenne ne correspondent pas des ressources nouvelles pour la rduction de la pauvret, mais lannulation de la dette, laccueil de rfugis et la formation dtudiants en Europe. La France, lAllemagne, le Royaume-Uni et lItalie ont dclar 8,4 milliards deuros dannulation de la dette lIrak et au Nigeria comme APD. LAutriche a probablement gonfl ses chiffres de 50% , accuse Hetty Kovach, la porte-parole de Concord. Cependant, lOrganisation de coopration et de dveloppement conomique (OCDE) considre lannulation de dettes comme une forme daide. Le pays dispose totalement de largent quil reoit. Il na plus affecter une partie de son budget au remboursement de la dette extrieure , plaide Ang-Nga Tran Nguyen, chef du service Financement du dveloppement lOCDE. Avant dajouter : Certes, pour les pays riches, compter lannulation de la dette comme une aide nest pas juste car cest la compter deux fois : une fois quand le prt est consenti et une autre fois quand le remboursement est annul. Selon Concord, si on ne tient pas compte des annulations de dettes, de laccueil des rfugis et de la scolarisation des tudiants trangers, lAPD de lUnion est plus proche de 0,2 % de son Pnb que des 0,39 % annoncs. Quen est-il de lefficacit de laide sur le terrain ? Celle-ci est difficile valuer court terme et ne dpend pas que du donateur, mais aussi du pays rcipiendaire. LOng ActionAid reconnat que lUnion europenne est la rgion qui se mobilise le plus pour laide extrieure. Mais elle regrette les nombreuses fuites dans le tuyau de lAPD : le manque de coordination qui fait que plusieurs pays interviennent dans une rgion, mais aucun dans une autre ; les surcots administratifs ; le manque de concertation avec les acteurs locaux ; les projets motivs par les capacits du pays donateur plus que par les besoins de la rgion daccueil LOng britannique est particulirement critique sur les salaires des consultants expatris. Il cite le cas dingnieurs pays 13 700 euros par mois Phnom Penh alors que leurs homologues cambodgiens gagnent moins de 100 dollars. Difficile de travailler ensemble dans ces conditions ! En outre, ces experts ont tendance imposer des solutions venues du Nord sans suffisamment couter leurs partenaires locaux. En 2005, le recours ces consultants lassistance technique pour reprendre le terme officiel a reprsent 6,3 milliards deuros du budget de lUE pour lAPD. Cest souvent de largent gaspill , crit ActionAid. Et lOng de conclure : Avec une meilleure coordination des projets, de moindres cots de gestion, lembauche dexperts locaux, la non-prise en compte de lannulation des dettes et de laccueil des rfugis, lEurope pourrait mener deux fois plus de projets avec le mme budget. La moiti de lAPD est une aide fantme. Les instances europennes accueillent ces critiques avec rserve. Les Ong sont dans leur rle dexiger quon en fasse plus, de nous demander de meilleurs rsultats. Elles doivent nous aiguillonner. On peut effectivement sinterroger sur les salaires des consultants, sur une insuffisante coordination entre les pays membres, sur la lourdeur du systme Mais lUE est une grosse machine ; les lourdeurs sont invitables. Il ne faut pas noircir le tableau lexcs. Noublions pas les millions denfants qui vont lcole grce notre aide, les milliers de bbs vaccins, les kilomtres de routes construits, les milliers dentreprises mieux gres LAPD sest professionnalise. Il ne sagit plus seulement de construire des puits dans des villages, mais dassurer la stabilit dune rgion, de lutter contre la corruption, daider au respect des droits de lhomme. Cest difficile et exige du temps , souligne un membre de la commission Dveloppement et aide humanitaire, Bruxelles. La philosophie de lAPD est-elle aussi critique ? Daucuns stonnent des fluctuations de laide publique au dveloppement. Ainsi en 2003, la RDC tait en tte des bnficiaires ; deux ans plus tard, ce ntait plus le cas du fait de lannulation de ses dettes. Par contre, la cote de lIrak et de lAfghanistan a grimp en flche ; les attentats du 11 septembre sont passs par l. De mme, certains se demandent si une rforme de la politique agricole commune (PAC) qui absorbe 40 % du budget europen pour 5 % de la population ne serait pas le meilleur moyen daider les pays les plus dmunis. Les subventions lagriculture et les aides aux exportations pnalisent les cultivateurs du Sud qui se heurtent, en outre, de srieuses barrires douanires quand ils veulent commercialiser leurs produits dans lUE. La PAC cote lEurope 45 milliards deuros par an, exactement le montant de lAPD des 25. Mais ce sont surtout les accords de partenariat conomique, dans le cadre de laccord de Cotonou, qui suscitent le plus de remous. Ceux-ci mettent laccent sur le dveloppement du secteur priv, le libre-change et la dfinition dun cadre commercial compatible avec les rgles de lOrganisation mondiale du commerce. Les prfrences tarifaires appliques aux exportations des pays ACP doivent tre abandonnes dici le 31 dcembre 2007 pour libraliser les changes. Elles devraient tre remplaces par des accords rgionaux, avec la Cdao par exemple. Comme le note ActionAid : Historiquement, la libralisation conomique a toujours davantage profit aux pays industriels quaux pays dmunis. LAPD ne doit pas devenir un moyen dimposer aux nations les plus dpendantes leur politique conomique ; lAPD ne doit pas entraner une perte de souverainet. Mais cest aussi aux pays pauvres de davantage dfinir leurs besoins. Consultant auprs dOxfam, Raoul-Marc Jennar a le verbe plus dur : On retrouve dans laccord de Cotonou une mme foi dogmatique dans les vertus du libre-change et de linitiative prive, une mme volont daffaiblir la puissance publique pour, au final, renforcer le dsquilibre Nord-Sud. La solidarit est remplace par le mercantilisme. Pour sa part, lUnion europenne refuse tout procs dintention et insiste sur le fait que ces accords ne sont jamais imposs mais ngocis, et que lobjectif reste une plus grande prosprit des rgions concernes. | |||
Jean Piel | |||
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