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10/11/2006 | |||
Mdias : le dfi de lautorgulation | |||
(MFI) La mise en place, depuis 1995, dobservatoires des mdias dans la plupart des pays dAfrique francophone avait pour ambition, face leurs drapages frquents, daider les journalistes sautorguler. Un peu plus dune dcennie aprs, on peut sinterroger sur le bilan de cette autorgulation, lheure o les responsables des observatoires africains tentent de relancer le processus. | |||
La Cte dIvoire a t le premier pays exprimenter lautorgulation en Afrique francophone. Prsident jusqu ces derniers jours de lObservatoire ivoirien de la libert de la presse, de lthique et de la dontologie (OLPED), qui tenait du 3 au 5 novembre son congrs Grand Bassam, Samba Kon vient dtre dsign la tte du Rseau des instances africaines dautorgulation en Afrique. Sa mission est claire : relancer le RIAAM, cr en 2000, et tenter de redonner une dynamique au processus dautorgulation en Afrique. Sous lgide de lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF), latelier de rflexion sur lautorgulation runi, du 30 octobre au 1er novembre, Bamako a pu faire ce constat : lance en fanfare voici un peu plus dune dcennie, lautorgulation en Afrique francophone est en panne. La plupart des observatoires des mdias et autres conseils de presse crs la suite de lOLPED manquent notamment de moyens pour assurer leurs missions de base, leurs quipes sont souvent dmotives, lorsquelles ne font pas lobjet de fortes contestations au sein de la profession, enfin la visibilit et surtout lefficacit des actions entreprises par les observatoires est problmatique. De fait, dans un certain nombre de pays, les mdias se soucient fort peu de dontologie et dthique, et ce nest pas faute davoir vu se succder ateliers de sensibilisation et laborations de codes dthique Au point que les bailleurs de fonds sinterrogent, signalait Emmanuel Adjovi, de lOIF, sur lintrt de continuer soutenir lautorgulation. Respect des rgles thiques La vocation fondamentale de lautorgulation est daider et inciter les mdias remplir leur mission, dans le respect des rgles thiques et dontologiques reconnues par consensus par la profession. Cette notion de consensus est cruciale : sans un consensus minimal de la profession, il ne peut y avoir dautorgulation qui repose sur lide que les journalistes sentendent pour rgler entre eux un certain nombre de difficults lies leur pratique. Linitiative francophone en matire dautorgulation est venue de la cration en 1995 en Cte dIvoire de lOlped. Ce fut une success story peu niable : la petite structure mise en place par lUnion nationale des journalistes de Cte dIvoire (UNJCI) se signalait par un effort dobservation mthodique, un monitoring de la presse. Celui-ci suivait une grille de lecture soigneuse, lpoque en six points, six thmes principaux en fonction desquels lobservatoire traquait les manquements la bonne conduite professionnelle dans les colonnes de ses confrres. Les critres retenus allaient de linjure au non-respect de la confraternit, en passant par lincitation la rvolte et la violence, ou lincitation la xnophobie, etc. Le systme reposant sur une forme subtile de pression psychologique, avec la publication rgulire de communiqus de lOlped reprenant les constats ainsi relevs, communiqus ensuite publis par les confrres, ce qui dnotait de leur part quils acceptaient cette forme de police interne. Le systme paraissait alors la fois innovant et efficace, et les acteurs de lOLPED considraient que leurs interventions avaient un effet non ngligeable sur lattitude de leurs confrres. Lexemple de la Cte dIvoire Lexprience ivoirienne a t trs vite donne en exemple. Elle allait susciter lintrt des ONG internationales (telle Panos ou le GRET, ou une association comme le Rseau Liberts au Canada), et travers elles, veiller lintrt des bailleurs de fonds. Les sminaires se sont alors multiplis, o lon a encourag les journalistes des autres pays suivre le mouvement, des fonds ont t consentis pour lappui lautorgulation, des tudes ont t publies ceci selon un effet de contagion, dautant plus sensible qu partir du milieu des annes 90 on commenait sinquiter de lvolution ngative du secteur des mdias, rcemment libralis. Avec un certain nombre de handicaps bien connus : la multiplication des titres, leur faible qualit, le recrutement la vole de jeunes journalistes sans formation, les drapages frquents, et dans lensemble le faible respect de la dontologie se conjuguait avec la difficult pour lEtat dencadrer la presse et les mdias. Outre la Cte dIvoire, dautres expriences dautorgulation ont donn un certain espoir : ce fut le cas des activits dployes par lobservatoire du Bnin (ODEM), cr en 1998, un de ceux qui ont dnonc le plus nettement des phnomnes comme la corruption au sein des mdias, alors dirig par Jrme Badou. Et jusqu aujourdhui, lODEM reste une des instances dautorgulation les plus actives. Mais dans lensemble les bilans ont bien montr les limites du phnomne, et surtout sa faible capacit modifier les murs au sein des mdias. Symboliquement, la situation de la presse en Cte dIvoire a paru sonner le glas de lautorgulation triomphante. O allait-on en effet si, dans le pays o elle a pris son modle, on voyait se rpandre les attitudes les plus opposes la dontologie la plus lmentaire. LOLDEP avait beau dire, si nous nexistions pas, ce serait encore pire, la situation inclinait pour le moins au scepticisme. Ncessaires garde-fous Le prsident sortant de lOLPED, Samba Kon, a sur ce plan un avis tranch : Il ne peut y avoir dautorgulation sans une rgulation institutionnelle digne de ce nom . LEtat, la puissance publique en gnral, ainsi que les instances de rgulation mises en place ces dernires annes doivent donc fournir des garde-fous, sans lesquels lautorgulation est inoprante, considre-t-il, en donnant lexemple dune interaction pouvant tre bnfique entre rgulation et autorgulation : si les observatoires peuvent dnoncer les manquements en matire de dontologie, cest linstance de rgulation (conseils suprieurs de la communication) de prendre des sanctions, au besoin en retirant aux journalistes leur carte de presse. Encore faut-il que lEtat et la profession aient pu sentendre sur un rgime de carte de presse valide Samba Kon signale aussi que lautorgulation na plus de sens lorsque les pays sont en crise ouverte, et que les mdias perdent de vue leur mission dinformation pour mener de pures actions de communication, voire de propagande, au service dintrts politiques. Autant de considrations prendre en compte pour esprer relancer cette police interne des mdias, dont tout le monde reconnat toutefois la ncessit de principe. | |||
Thierry Perret | |||
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