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08/12/2006 | |||
Genre et dveloppement Vers une nouvelle norme de pense universelle ? | |||
(MFI) Objets de nombreuses controverses, les projets de dveloppement ddis aux femmes ont fait place, la fin des annes quatre-vingt, des actions rpondant au critre de genre. Ce concept dorigine anglo-saxonne, omniprsent dans les discours sur le dveloppement, tend simplanter de manire systmatique lchelle plantaire. La France accuse un certain retard en la matire ; une rencontre sur le sujet rassemble, le 12 dcembre 2006, Paris, les acteurs du dveloppement. | |||
Sous limpulsion des fministes de lOccident et de certains pays du Sud, la Dcennie des Nations unies pour la femme (1975-1985) marque le dbut dune longue investigation sur la situation des femmes dans le monde. Des programmes de recherche permettent de rendre les femmes plus visibles dans les statistiques. Une srie de confrences onusiennes permettent en outre la cration en 1976 dun Fonds pour les femmes (Unifem) puis dune inter-agence sur lgalit de genres (Womenwatch). Elles favorisent ladoption de conventions et plans daction assortis dengagements, parmi lesquels la Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes (Cedef) en 1979. A lpoque, lapproche Femmes et dveloppement propose de mettre en place des projets dont les femmes sont seules bnficiaires. Elle vise rduire la pnibilit des tches domestiques, amliorer leur situation alimentaire, sanitaire ou scolaire, mais aussi leur statut. Des politiques dintgration des femmes au dveloppement mettent dsormais laccent successivement sur laide sociale, lgalit, la lutte contre la pauvret, lefficacit... Mais ces politiques nont pas limpact escompt, selon des valuations faites mi-parcours, en 1980. Pire : la responsabilit de la dtrioration de la condition des femmes dans cette priode leur est attribue. Laccs des femmes aux ressources a progress mais le caractre cibl des projets drange. Il freine, dit-on, leur efficacit. Parmi les effets pervers identifis, qui conduisent marginaliser davantage les femmes, figure leur cantonnement dans un rle dassistes. Lencouragement la prise dautonomie et de responsabilit des femmes a, en outre, sans doute contribu accrotre leur charge de travail et leur vulnrabilit habitat insalubre, familles monoparentales, violences... Et cela dautant plus que dans les annes quatre-vingt, lajustement structurel accrot le dmantlement des services sociaux de base. Equilibrer les rapports de pouvoir entre les sexes Lanc par les Anglo-saxonnes, le concept de genre transpos de langlais gender ou rapports sociaux de sexe englobe plus largement les rapports sociaux entre hommes et femmes et leur interaction au sein de la communaut. Laccs ingal la terre, au travail, au revenu, au pouvoir trouve son explication dans la diffrence de statut des acteurs sociaux selon leur ge, leur ethnie ou leur classe sociale. Introduite dans les annes quatre-vingt, lapproche Genre et dveloppement en tient compte, cherchant dsormais quilibrer les rapports de pouvoir entre les sexes. Une forme de dveloppement quitable qui reconnat les femmes comme actrices et partenaires des processus de dveloppement au mme titre que les hommes. Initie par des femmes du Sud lors de la confrence du Caire (1994), la notion de renforcement des pouvoirs et des capacits (empowerment) complte encore cette vision qui se veut plus politique. Des confrences thmatiques concrtisent ces orientations. Un chapitre entier de lAgenda 21 (Rio, 1992) est consacr au rle et statut des femmes dans le dveloppement tandis que le Plan daction du Caire (1994) dfinit les droits en matire de procration comme parties intgrantes des droits de lHomme. Avec le Plan daction de Pkin (1995), cadre de rfrence de laction internationale en matire dgalit de genre (gender equality), ce concept politiquement correct devient omniprsent dans les discours sur le dveloppement. Sans faire lunanimit, il tend simplanter de manire cible au sein des socits et lchelle plantaire. Ainsi, la prise en compte transversale du genre (gender mainstreaming) incite la mise en oeuvre systmatique de cette politique dans tous les programmes, stratgies ou projets Dsormais places au cur des politiques de dveloppement, les ingalits de genre passent alors pour une des principales entraves lexercice des droits humains et au dveloppement durable. Et le Programme des Nations unies pour le dveloppement met en place un indice sexo-spcifique du dveloppement humain et un indice de participation des femmes. Plusieurs Objectifs du Millnaire pour le dveloppement (OMD, 2000) concernent lgalit des sexes et lautonomisation des femmes. Le HCCI pointe le retard de la France en la matire Toutefois, la Confrence Pkin+10 et la revue des Objectifs du Millnaire (2005) recommandent un effort accru en matire de genre. En Europe, selon une tude comparative*, les politiques dintgration du genre ont progress en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. En revanche, ltude pointe le retard de la France en la matire, celui de la coopration publique et celui des organisations de la socit civile tout autant par rapport ses partenaires du Nord [que] du Sud . Celle-ci tarde se mettre au diapason peut-tre au nom des principes duniversalit (la femme est-elle une ethnie, une classe sociale ou une rgion de lhomme ?) mais cherche dsormais combler son retard. En 2003, elle se dote, au plan interne, dune Charte de lgalit entre les hommes et les femmes, assortie dun plan daction triennal (Dix mesures pour lautonomie des femmes), tandis quen matire de coopration, elle met sur pied le rseau Genre en action qui, travers son site Internet, permet dchanger de bonnes pratiques . Mais les moyens allous sont modestes. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, met un autre signal fort en 2004 en nommant Nicole Ameline, ancienne ministre de la Parit, au poste dAmbassadrice charge des questions sociales et de la parit dans les relations internationales. Pourtant, le rapport 2004 du CAD-OCDE estime encore insuffisante la prise en compte du genre dans laide publique au dveloppement franaise. Pour y remdier, le ministre des Affaires trangres se dote aujourdhui (enfin ?) de nouveaux dispositifs [visant] inscrire fortement le genre dans les outils stratgiques de la coopration internationale franaise **. Le HCCI avait demand en octobre 2005 que la politique de genre () figure lordre du jour dun prochain Comit interministriel de la coopration internationale et du dveloppement (CICID), [qui] dfinirait la manire de lintgrer de manire coordonne dans lensemble de laide publique au dveloppement et de la coopration franaise ***. Cest donc sous limpulsion de la ministre dlgue la Coopration, Brigitte Girardin, quune Plate-forme nationale Genre et dveloppement a t installe en 2006. La rencontre organise Paris le 12 dcembre sur le thme devrait aussi permettre de faire progresser le dbat. Antoinette Delafin * Lintgration du genre dans la politique franaise de coopration, bilan et perspectives, tude coordonne par Jeanne Bisilliat. Association Femmes et Dveloppement, avril 2001. ** Intgrer les rapports sociaux entre femmes et hommes (politique de genre) dans la politique de coopration et de solidarit internationale de la France. Avis du HCCI, octobre 2005. *** Voir brochure : Promouvoir lgalit entre hommes et femmes. Initiatives et engagements franais en matire de genre et dveloppement. MAE/DGCID, dcembre 2006. | |||
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