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22/05/2007
Banque mondiale : au moins un problème résolu…

(MFI) Le départ sans gloire de l’Américain Paul Wolfowitz de la présidence de la Banque mondiale aura sans doute réglé le problème le plus immédiat de la Banque, l’institution sœur du Fonds monétaire international, mais risque de réveiller le débat sur une question encore plus compliquée, celle du “droit acquis” des Etats-Unis de choisir un de leurs propres citoyens pour ce poste important pour l’économie mondiale.

Paul Wolfowitz, accusé d’avoir favorisé la carrière de sa compagne, a mis fin à la plus sérieuse crise de l’histoire de la Banque en annonçant le 17 mai 2007 sa décision de démissionner de son poste à la fin de l’exercice en cours le 30 juin prochain. L’ancien numéro deux du Pentagone, choisi pour ce poste par le Président George W. Bush, était arrivé à la Banque en 2005, précédé de sa réputation d’avoir été l’un des principaux architectes de la guerre d’Irak. Sa démission a sans doute évité de nouvelles divisions sérieuses entre les Etats-Unis et leurs principaux alliés européens, qui sont également parmi les plus importants actionnaires de cette institution, créée avec le FMI en 1944, et dont la tâche première est à présent de lutter contre la pauvreté mondiale.
Les pays fondateurs des deux institutions, essentiellement les alliés de la Deuxième Guerre mondiale, s’étaient entendus dès le départ pour laisser aux Américains, les principaux bailleurs de fonds de l’époque, le privilège de choisir le président de la Banque mondiale. Les Européens s’accommodaient d’autant mieux de cet arrangement qu’il leur laissait le choix du directeur général du FMI.

Un anachronisme dont il faudrait se débarrasser au plus vite

Cependant, personne ne conteste que le monde a changé depuis l’après-guerre, avec l’émergence de puissances économiques et politiques comme le Japon, l’Allemagne, la Corée du Sud et ensuite la Chine, l’Inde et le Brésil, entre autres. Ce qui explique l’intensification de la discussion sur la réforme de l’architecture des institutions internationales, avec, notamment, les propositions d’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies.
Parallèlement, les groupes comme le G-77 représentant les pays en développement dans les grandes institutions, notamment à la Banque et au FMI, ont augmenté leurs pressions en faveur d’une plus grande influence dans le processus de décision, et quelques progrès ont été acquis. Pour eux, la possibilité pour le président américain de choisir le chef de la Banque mondiale reste un anachronisme dont il faudrait se débarrasser au plus vite.
Mais le président Bush ne l’entend pas de cette oreille, et les autres Occidentaux ne souhaitent pas le défier sur ce terrain pour le moment. Le Secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, a déjà lancé les recherches pour trouver un remplaçant acceptable à Paul Wolfowitz, et, selon la Maison Blanche, des officiels américains sont en contact avec d’autres gouvernements sur cette question. « Cela pourrait indiquer que les Américains sont prêts à adopter une approche plus consultative », selon un commentateur européen.
Plusieurs noms de successeurs possibles au président sortant circulent déjà à Washington, notamment ceux de l’ancien Secrétaire d’Etat adjoint Robert Zoellick, de Robert Kimmit, numéro 2 du Trésor, et de Stanley Fischer, ancien numéro 2 du FMI, actuellement à la Banque d’Israël. Des non-Américains ont également été cités, notamment Tony Blair, le Premier ministre britannique sortant, et Trevor Manuel, ministre sud-africain des Finances. Cependant, il n’est pas certain que le choix sera définitif avant le départ effectif, fin juin, de Paul Wolfowitz. Et les 24 membres du Conseil administratif de la Banque auront le dernier mot.

Corruption ou népotisme…

Le président Bush, contraint en fin de compte à abandonner son protégé, a néanmoins téléphoné à Paul Wolfowitz pour lui exprimer ses regrets, l’assurant de son respect et de son admiration, en particulier pour la croisade contre la corruption qu’il a lancée au sein de la Banque mondiale et dans les pays bénéficiaires.
L’ancien numéro 2 du Pentagone n’est pas parti de son poste sans coup férir. Il a obtenu l’inclusion, dans la brève déclaration du conseil d’administration, d’un passage précisant que Paul Wolfowitz « nous a assuré qu’il avait agi de façon éthique et de bonne foi » pour servir les intérêts de la Banque, suivi de : « Nous admettons cela. » Evitant ainsi d’accabler le président sortant, le conseil a ajouté : « Nous savons gré à M. Wolfowitz de ses services à la Banque » depuis deux ans.
Paul Wolfowitz avait reconnu début avril dernier être intervenu en personne pour assurer à sa compagne, Shaha Ali Riza, âgée de 52 ans, des avantages particuliers à l’occasion de son transfert temporaire de la Banque au Département d’Etat. Avec sa nomination à la tête de la Banque en 2005, Paul Wolfowitz était de fait devenu son chef, situation que ne tolère pas le règlement intérieur de la Banque au regard de couples non mariés.
Mais ce transfert, préconisé par Paul Wolfowitz, et la compensation financière accordée à son instigation à Shaha Riza – dont le salaire, payé par la Banque, soit plus de 193 500 dollars par an, dépasserait celui de la Secrétaire d’état américaine Condoleeza Rice – ont déclenché une véritable révolte parmi les cadres et employés de l’institution, qui l’accusaient de népotisme et d’avoir ainsi sérieusement réduit la crédibilité de celle-ci. Plusieurs importants pays membres ont rejoint le mouvement, poussant en privé à la démission du président à l’occasion d’âpres discussions en marge des réunions de printemps de la Banque et du FMI.
Paul Wolfowitz avait présenté à cette occasion des excuses publiques, admettant qu’il avait commis « une erreur » qu’il « regrettait ». Plusieurs ministres africains sont venus à son secours, soulignant son action en faveur des pays pauvres de l’Afrique. Mais son style de gestion, considéré comme « arrogant » même par ses proches collaborateurs, et l’ombre de l’Irak, ont manifestement entamé les quelques sympathies dont il pouvait jouir par ailleurs.

Jan Kristiansen

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