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MFI HEBDO: Economie Dveloppement Liste des articles

23/12/2008
LAfrique et ses matires premires
Nouvelles incertitudes et nouveaux risques


(MFI) Le Sngalais Djidiack Faye, expert de lunit spciale sur les produits de base de la CNUCED, explique dans cet entretien quil nous a accord les dangers qui guettent les conomies africaines. Et met laccent sur la ncessaire diversification de leurs exportations.

La crise financire risque de mettre mal les exportations de lAfrique, concentres sur les matires premires, agricoles ou minires, au moment mme o les terres du continent font lobjet de nouvelles convoitises venues dAsie ou des pays du Golfe, des fins alimentaires ou pour la production de biocarburants.
L'Afrique concentre les deux tiers des Pays les moins avancs. Des PMA dont les exportations agricoles dpendent malheureusement de quelques produits dont ils tirent leurs recettes nationales comme le cacao, le coton, le th, ou mme le ptrole. Dans pas mal de pays qui ne sont pas ncessairement des PMA, lexportation des revenus ptroliers reprsente jusqu 90 % du produit intrieur brut. De plus, les conomies africaines ne peuvent pas dcoller parce qu'elles ne sont pas suffisamment diversifies , souligne Djidiack Faye.


Une envole due la demande de la Chine et de lInde

Rappelant que la situation des produits de base est trs cyclique , il voque la fois le boom des produits de base, provoqu essentiellement par la demande trs forte de la Chine, mais galement de lInde, qui sest traduite par une envole des cours des matires premires, suivie de baisses brutales.
Pour le cacao par exemple, la progression enregistre sur le march international, relativement intressante (10 11 %), a ensuite subi des hauts et des bas. La hausse est retombe cause des stocks mais aussi peut-tre cause de la crise qui sannonce dans les pays dvelopps. La consommation a baiss car la plupart des entreprises importatrices de cacao ont des stocks rgulateurs qui leurs permettent de se passer des importations, ce qui fait baisser les prix du march international.
Les prix vont-ils repartir la hausse ? Il est trs difficile de le prvoir, dautant plus que la demande des pays asiatiques risque aussi de diminuer , estime cet expert de la CNUCED qui sattend une baisse relative des prix des matires premires en gnral comme cela a t le cas pour le ptrole en dpit des dcisions de lOPEP de rduire les quotas.


Coton ou agro-carburants ?

Le coton est un niveau trs bas et une stagnation de la production est prvoir en 2009 en raison la fois de la baisse des prix et de lenvole de ceux des biocarburants. De plus en plus, certains producteurs se dtournent du coton pour faire des agro-carburants. C'est lune des raisons qui a contribu la baisse des surfaces cultives, y compris en Afrique. Des gens sont enthousiastes avec la culture de diatropha ou jatropha , dont on leur a promis monts et merveilles. Celle-ci sert de biocarburant pour les voitures et pour les produits pharmaceutiques , prcise lexpert de la CNUCED. Cette plante, qui pousse essentiellement dans des zones sableuses, a du succs en Afrique de lOuest, et particulirement dans les zones sahliennes, sous la pression de certaines multinationales, notamment indiennes, qui utilisent la coopration Sud-Sud et parviennent persuader les producteurs africains en qute de travail rmunrateur.
Nous sommes dans une priode de veille, dalerte, o tout peut recommencer. Tant que les gens nauront pas stopp lutilisation du mas des fins de biocarburants, il n'est pas dit que la crise alimentaire ne revienne pas nouveau. LAfrique ne produit pas assez pour se nourrir et exporter , avertit Djidiack Faye.
Quant au ptrole, sa baisse favorise les pays importateurs, mais les producteurs risquent dtre fortement pnaliss, dautant plus qu'ils ont conu leurs budgets sur la base de 60 70 dollars le baril contre moins de 40 actuellement mme si ce seuil est encore rentable. Les producteurs ont des rserves financires mais risquent de payer le prix de cette baisse. Ils sont aussi invits se diversifier car le ptrole lui seul ne suffit pas doper une conomie nationale.


La crise alimentaire nest pas totalement derrire nous

Quant la scurit alimentaire, elle reste alatoire mme si les rcoltes ont t trs bonnes cette anne, notamment au Sahel. Il faut viter les pertes et le gaspillage et mieux grer les stocks, souligne toutefois Djidiack Faye. La crise alimentaire nest pas totalement derrire nous pour la bonne et simple raison que nous allons passer le cap des 7 milliards dhabitants dans le monde et que des pays comme la Chine et lInde ne sont pas autosuffisants sur le plan alimentaire. Ainsi, la Core du Sud veut acqurir plus dun milliard dhectares Madagascar pour produire. On a vu aussi que la plupart des pays du Golfe sont prsents en Afrique de lOuest o ils sont en train de ngocier pour lachat de terres agricoles .
A ce propos, il rvle que la CNUCED a t contacte par certains pays du Golfe qui ne demandent qu' investir avec leurs fonds souverains dans le secteur agricole pour importer des denres alimentaires. Notre devoir est de sensibiliser et dinformer les producteurs africains sur les dangers qui les guettent : les investissements dans le secteur agricole peuvent crer un cercle vertueux condition quils permettent aux producteurs daccrotre leur rendement. Mais sil sagit dengager des ouvriers agricoles pour produire ce qu'ils veulent, mettre dans des containers et exporter, cela napportera rien. C'est une arme double tranchant car les gouvernements ont des problmes financiers et peuvent cder la tentation de la facilit.
Selon les dernires prvisions de la Banque mondiale, les prix des crales devraient chuter denviron 28 % en 2009 pour remonter de 3 % en 2010. En dpit de ces mouvements, les prix des denres alimentaires pourraient rester bien suprieurs ceux des annes 1990 et au moins 60 % plus levs quen 2003. Dans le mme temps, de nombreux pays exportateurs de ptrole, y compris africains, devraient connatre une importante dgradation de leurs termes de lchange, subissant une premire srie de pertes de revenus de plus de 10 % de leur PIB.

Marie Joannidis

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