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03/03/2006
Les caricatures de Mahomet dans la presse africaine
Maghreb : dun combat lautre


(MFI) Retour sur quelques semaines de polmiques violentes : l o le monde arabe sinsurge et manifeste, la presse du Maghreb, elle, a tendu calmer le jeu. Et en Algrie, laffaire a pris une signification spciale.

Au Maroc, les caricatures de Mahomet publies en septembre 2005 par le journal conservateur danois Jyllands-Posten ont fait lobjet dune dsapprobation assez gnrale, et la presse est reste dans le ton. LOpinion, en faisant la rtrospective de laffaire, juge outre le 28 fvrier la raction des milieux des mdias en France, dplorant que chaque occasion den dcoudre avec lislam et les musulmans soit vue comme une bulle de libert dexpression quil convient de saisir . Une fois de plus, considre le priodique, la classe mdiatique franaise sest sentie investi dune mission pour la protection de la libert dexpression, un principe galvaud, dont on use et on abuse tellement la cause parat juste. Sagit il vraiment de libert dexpression ? Pas si sr. Pour dautres sujets, ces mmes chantres de la libert dexpression se sont autocensurs maintes reprises. Loccident a aussi ses tabous, que les journalistes singnient justifier par un tour de passe-passe coup de slogans universalistes.
La raction est identique dans les colonnes du Reporter (le 10 fvrier) : quune publication comme Le Monde nous joue la partition de la libert dexpression, au dessus de tout, nous ne ferons pas linsulte ses responsables de les croire si ingnus, politiquement. De son ct la Fdration marocaine des diteurs de journaux avait tenu, bien avant que nenfle laffaire, dire son mot en affirmant sa position de principe quant limportance de la libert de la presse comme base de la vie dmocratique , mais en dnonant avec vigueur, toute atteinte, gratuite et blessante, aux convictions religieuses et aux valeurs spirituelles des autres.
Mais laffaire des caricatures a permis aussi de poursuivre, sur un autre terrain, la gurilla dsormais classique contre certains titres dune presse juge frondeuse, comme on la vu avec les ractions visant Le Journal hebdomadaire, vis par des manifestations de protestation et pris partie, la mi-fvrier, par la tlvision nationale pour avoir reproduit indirectement certaines des caricatures de Mahomet.

Quelles limites la libert de forcer le trait ?

Mme constat en Algrie, o les responsables des hebdomadaires Essafir et Panorama (des publications dailleurs proches des milieux religieux), se sont retrouvs, le 11 fvrier, sous mandat de dpt pour avoir publi les caricatures de Mahomet. El Watan dnonce ds le 13 fvrier une dcision ahurissante , et souligne quelle a pris la forme dune absurdit la fois dlirante et dsarmante (mais) aussi effrayante plus dun titre, car elle tend prouver que le pouvoir tape laveuglette quand il sagit de la presse. Des ractions en cascade ont accompagn lvnement : pour Mahmoud Belhimer, du quotidien El Khabar, la mise en dtention prventive de ses deux confrres apparat comme une forme darbitraire contre la presse libre qui nest pas nouveau . Kamel Amarni, qui signe dans Le Soir dAlgrie, indique ce propos que dans la presse algrienne, il y a eu des crits incitatifs au terrorisme, au racisme et au crime sans que les autorits naient eu ragir. Un dessin est-il plus dangereux quun appel au meurtre dun chef terroriste ?
Lhistoire a paru dautant plus douteuse quau mme moment, la cour dappel dAlger condamnait ( le 11 fvrier) le caricaturiste Ali Dilem une anne de prison ferme et 50 000 dinars (550 euros) damende pour une dizaine de caricatures du prsident Abdelaziz Bouteflika, parues en 2003 dans le quotidien Libert. Ali Dilem, fameux caricaturiste cumulait alors, soulignait lorganisation Reporters sans frontires, toutes peines confondues plus de neuf ans de prison , en notant que la susceptibilit du prsident Abdelaziz Bouteflika na dcidment pas de limites. Aujourdhui, les tribunaux sont engorgs par les affaires de presse .
Rappelons dautre part que lAlgrie comme le Maroc ont vu fleurir ces dernires annes la caricature comme un moyen de combat trs efficace, dans un contexte o la libert de presse, parfois en progrs, reste fragile. Do une sensibilit particulire la dfense de la libert de grossir le trait.
Dans un dossier du 24 avril 2005 du quotidien Horizons (Algrie), tait pose la question : Y a til des limites brocarder ? Le caricaturiste Zino, alors interrog, considrait que pour moi, la libert de crer est totale et entire, sinon je passe ct de la raison dtre mme de lart de la caricature. Jirai mme plus loin en disant, cest moi qui imagine et conoit mon sujet en toute libert sans aucune influence du thme ou du sujet analys. Mon inspiration a besoin de cette marge de libert pour quelle puisse sexprimer. En revanche (cit par lagence Syfia), Le Hic, caricaturiste du journal algrien Le Jeune Indpendant, signalait quen principe, on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde , mais prcisait : je pratique lautocensure pour viter dtre censur. (Cela) fait partie des outils du caricaturiste. Il utilise le crayon, le papier et lautocensure. Mme opinion chez Ayoub, dessinateur au journal arabophone El Khabar : Je me suis fix des lignes rouges que je ne dois pas franchir, mme si je suis conscient que normalement la caricature na pas de limite. Je me suis adapt.

Thierry Perret

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