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28/04/2006
Confrence ministrielle de la Francophonie
Face la Scurit humaine, les Francophones dfinissent leur stratgie


(MFI) A mi-chemin entre locan Indien et lAtlantique, sur les bords du lac Winnipeg, la Confrence ministrielle francophone runit 63 ministres des Affaires trangres, les 13 et 14 mai 2006, Saint-Boniface (Manitoba, Canada). Une occasion pour lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) de prciser lorientation quelle compte donner ses actions en matire de prvention des conflits et de Scurit humaine : ce dernier concept, qui fait lobjet de nombreuses concertations internationales, est nouvellement dbattu en son sein.

La tenue au Canada de la ministrielle francophone avait t propose par lancien Premier ministre canadien, Paul Martin, lors de la dernire confrence des chefs dEtat et de gouvernement francophones de Ouagadougou (Burkina Faso). La runion de Saint-Boniface est prside par Jose Verner, actuelle ministre canadienne de la Coopration internationale et de la Francophonie, une francophonie qui selon elle est un lment essentiel de lidentit canadienne . La rencontre confirme lattachement de la Francophonie et du Canada linstauration et au dveloppement de la dmocratie, la prvention des conflits et la dfense de la primaut du droit et des droits de la personne , a galement affirm la ministre canadienne Abdou Diouf, Secrtaire gnral de lOIF, quelle rencontrait le 27 mars 2006 Paris.
Trois runions prparatoires ont dores et dj permis de jeter les bases dun consensus autour du thme de la rencontre : la prvention des conflits et la Scurit humaine. Le concept de scurit humaine est interprt diversement dans la famille francophone : faut-il lentendre au sens large, ou dans un sens restreint, sachant que les Canadiens estiment que la liste des menaces potentielles pesant sur la scurit des personnes ne doit pas tre conue de faon restrictive ? Le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), qui a runi les reprsentants de 53 Etats membres le 6 avril dernier, a pour sa part prcis que la confrence sattacherait renforcer le dispositif prvu par la Dclaration de Bamako , cadre de laction de lOIF dans les domaines de la paix et de la prvention des conflits, de la dmocratie et des droits de lhomme. Elle devait faire le point sur la mise en uvre des engagements pris au fil des sommets , sur la ratification des traits concernant notamment le trafic des armes lgres illicites, mais aussi sur les questions de dsarmement, dmobilisation, rinsertion (DDR) des anciens soldats, en particulier les enfants, le tout en examinant les conditions dun renforcement de la contribution de la Francophonie au maintien de la paix .


La Scurit humaine sinscrit sur lagenda mondial

Le thme de la scurit humaine nest pas nouveau. Ds 1997, le ministre des Affaires trangres canadien, Lloyd Axworthy, a fait la promotion dune stratgie politique internationale qui devrait inclure la scurit humaine , o la scurit de lindividu devenait le nouvel talon de mesure de la scurit mondiale . Linscription du concept de scurit humaine dans lagenda international dcoule dailleurs en grande partie des initiatives du Groupe de Lysoen, ou Rseau de la scurit humaine (RSH), n en 1999 linitiative du Canada et de la Norvge (v. encadr). Selon cette approche les organisations internationales, cres par les Etats afin dtablir un ordre mondial juste et pacifique, et au premier chef lONU dans son rle de gardien de la paix et de la scurit internationales que lui confre sa Charte, doivent rpondre aux besoins des personnes en matire de scurit. Par ailleurs la promotion du dveloppement humain durable lutte contre la pauvret absolue, services sociaux de base pour tous est ncessaire pour prvenir la rapparition des menaces qui psent sur la vie de millions de personnes. Lobjectif est ainsi de trouver des approches internationales novatrices pour liminer les causes de linscurit.
Le terme lui-mme de scurit humaine est apparu en 1994 dans le Rapport sur le dveloppement humain du Programme des Nations unies pour le dveloppement (PNUD), intitul Nouvelles dimensions de la scurit humaine. Auparavant, en 1992, linitiative du Secrtaire gnral des Nations unies de lpoque, Boutros Boutros-Ghali, ladoption dun Agenda pour la paix avait aussi marqu un tournant. Il affirmait que pauvret, maladie, famine, oppression et dsespoir () sont la fois la source et la consquence des conflits et constituent labsolue priorit des efforts de lONU. Son successeur, Kofi Annan, a raffirm cette dmarche en 1998 dans deux de ses rapports sur Les causes des conflits et la promotion dune paix et dun dveloppement durables en Afrique, et sur La protection des activits dassistance humanitaire aux rfugis et autres personnes touches par un conflit. Depuis, le Conseil de scurit sefforce de procder un traitement global des crises - tant sur le plan militaire que politique, humanitaire et conomique.
Lide de scurit humaine est apparue dans un contexte nouveau. A la fin de la Guerre froide, la scurit des Etats stait amliore tandis que celle des populations navait cess de se dgrader. La mondialisation contribuait lamplification des trafics, en particulier de stupfiants, du terrorisme, de la propagation des maladies ou de la dgradation de lenvironnement. Alors quil sagissait auparavant de prserver lintgrit territoriale et la souverainet politique contre les agressions externes, les civils se trouvaient dsormais projets lpicentre des conflits contemporains. De plus en plus de conflits arms prenaient en effet la forme de guerres civiles, dans lesquelles huit victimes sur dix taient des non combattants. Un phnomne d en grande partie la perte de capacit et dautorit des Etats, incapables dassurer la scurit lmentaire des individus.
La volont de concevoir une dmarche globale, systmatique, pour renforcer la scurit des personnes, fait suite aussi au double chec de la communaut internationale, au Rwanda en 1994 et dans le nord Kosovo en 1999 - cette dernire crise ayant vu lintervention unilatrale de lOTAN -, quand lONU de son ct sest avre incapable de trouver un consensus sur le droit dintervention humanitaire , une des questions les plus controverses de la dcennie 1990. Si lintervention humanitaire constitue une atteinte inadmissible la souverainet, comment devons-nous ragir face des situations comme celles dont nous avons t tmoins au Rwanda ou Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systmatiques des droits de lhomme, qui vont lencontre de tous les principes sur lesquels est fonde notre condition dtres humains ? , interrogeait alors Kofi Annan.


Rapports et consultations prcisent les enjeux de scurit

Lvolution de la notion de scurit sest encore renforce dans le contexte de laprs 11 Septembre, jusqu devenir plus rcemment le centre des rflexions et des propositions sur le devenir du systme des Nations unies. Le Rapport du Millnaire invite ainsi les Etats membres fournir les lments conceptuels et oprationnels les plus adapts ses missions en matire de scurit. En 2001, une Commission internationale de lintervention et de la souverainet des Etats (CIISE), pilote par les Canadiens, souligne quen cas de carence des instances nationales, la communaut internationale a la responsabilit de ragir et de reconstruire . Paralllement, la Commission de la scurit humaine (CSH), cre linitiative du Japon, reoit le mandat dlaborer un concept de la scurit humaine pour les Nations unies.
Son rapport (La scurit humaine maintenant), publi en 2003, dfinit les moyens de la sauvegarde des liberts civiles essentielles : protger les gens contre les menaces, leur donner les moyens de prendre en main leur destin, assurer tous les bases de la survie, de la dignit et du bien-tre minimum, leur garantir les liberts essentielles dont celle de la personne face ses besoins, face la peur . Un Comit consultatif uvre depuis la mise en place de ces recommandations, avec le soutien dun Fonds fiduciaire des Nations unies sur la Scurit humaine. Les propositions de ces deux commissions ont aussi aliment les travaux du Groupe de personnalits de haut niveau sur Les menaces, les dfis et le changement, dont les conclusions sont contenues dans le rapport prparatoire du 60e Sommet de lorganisation (Dans une libert plus grande : dveloppement, scurit et droits de lhomme pour tous), tout comme celles du Groupe dtude sur les Oprations de paix de lONU (rapport Brahimi).
La prochaine confrence francophone au Canada doit adopter une Dclaration de Saint-Boniface sur la scurit humaine , qui tiendra compte des mutations contemporaines de la scurit collective et des nouveaux dfis. Elle voquera une notion comme la responsabilit de protger, entrine par la Dclaration de Ouagadougou et consigne dans le Document final du Sommet mondial des Nations unies de septembre 2005, mais aussi les implications relatives au fonctionnement de nouveaux organes internationaux, tels la Cour pnale internationale, la Commission de la consolidation de la paix, le Conseil des droits de lhomme, auquel le Conseil permanent de la Francophonie a appel ses membres participer activement . Lobjectif est enfin de renforcer le multilatralisme, propre positionner davantage la Francophonie en tant quacteur des relations internationales. Les conclusions de Saint-Boniface alimenteront les discussions du prochain Sommet de la Francophonie Bucarest (Roumanie), en septembre 2006, et celles de lAssemble gnrale annuelle des Nations unies qui devrait examiner le concept de scurit humaine la mme priode.

Antoinette Delafin


Le Rseau de la scurit humaine

(MFI) Le Rseau de la scurit humaine, n linitiative du Canada et de la Norvge le 20 mai 1999, est constitu dun groupe de pays (Autriche, Canada, Chili, Costa Rica, Grce, Irlande, Jordanie, Mali, Pays-Bas, Norvge, Suisse, Slovnie, Thalande, et Afrique du Sud en tant quobservateur) qui entretiennent un dialogue au niveau des ministres des Affaires trangres, de la socit civile et du monde acadmique. Mcanisme informel, le Rseau identifie des thmes concrets en vue dune action collective sur la protection de lindividu et de la socit, librs de la peur et des besoins . Son objectif est de dynamiser les processus politiques destins prvenir ou rsoudre les conflits et promouvoir la paix et le dveloppement. Actuellement, les efforts du Rseau portent sur luniversalisation de la Convention dOttawa sur les mines terrestres anti-personnelles, ou encore la protection des enfants en situation de conflits, le contrle des armes lgres, la lutte contre le crime organis transnational, le dveloppement humain et la scurit humaine, les droits de lhomme dans le domaine de lducation, et la lutte contre le virus du HIV-Sida. Lengagement en faveur des droits de la personne et du droit humanitaire constitue le fondement de la Scurit humaine, conforte dans chaque pays par la protection et la promotion des droits de la personne, de la primaut du droit, de la bonne gestion et des structures dmocratiques, du respect de la paix et du rglement pacifique des conflits.

A. D.


NB : La Francophonie compte 49 tats et gouvernements membres, 4 tats associs et 10 tats observateurs.



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