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26/05/2006 | |||
Questions internationales Les nouveaux dfis de lOTAN (2) | |||
(MFI) LAlliance atlantique na pas encore totalement rsolu sa crise existentielle. Le niveau de ses dpenses militaires nest pas la hauteur de ses objectifs. LEurope - qui fournit 70 % de ses troupes et de son budget - aimerait pourtant avoir davantage voie au chapitre. Quant au Kremlin, il voit dun mauvais il lintgration de pays autrefois membres du Pacte de Varsovie. | |||
Comment lOTAN parvient-elle assumer ses nouvelles ambitions ? Les spcialistes des questions militaires estiment quelle reste une machine trop lourde et trop politique, quelle devrait tre plus ractive et adopter un processus de dcision plus rapide. Surtout, lOTAN ne semble pas avoir les moyens de ses ambitions. Au terme du sommet de Prague, en novembre 2002, les Allis staient engags dvelopper leurs capacits militaires et moderniser leurs quipements. Vux pieux. Les dix nouveaux entrants nont fourni que 190 000 soldats et leur adhsion a surtout t pour eux un moyen de confier leur scurit une organisation supranationale - et donc diminuer leurs investissements en matire de dfense. En 2005, 21 des 26 pays membres ont ainsi rduit leurs budgets militaires, contrairement leurs engagements. A lui seul, le budget des armes des Etats-Unis reprsente le double de ceux des 25 autres pays membres runis. En Europe, seules la France, la Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, lAllemagne disposent de contingents entrans et de matriels de pointe. Rsultat, les btiments de lOTAN, Bagdad, sont protgs par des mercenaires sud-africains. Il a aussi fallu louer des avions-cargos la Russie pour transporter les soldats de lOTAN Kaboul. Et la force de raction rapide annonce Prague en 2002 n'effectuera ses premires manuvres quen 2006 (voir larticle prcdent). A quelques exceptions prs, le niveau des dpenses militaires nest la hauteur ni des promesses des membres ni des objectifs de lAlliance. Hormis les Amricains, les Britanniques et les Franais, les autres armes tardent trop se restructurer pour tre oprationnelles en-dehors des frontires traditionnelles de lOTAN , se plaint le Secrtaire gnral, Jaap de Hoop Scheffer. Comme le souligne Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratgique : Soit lOTAN nintervient quen Europe, et alors sa raison dtre est limite, moins de troubles autour de lUkraine, de la Georgie, de lAzerbadjan, au plus loin de lAsie centrale. Soit ses objectifs sont plus ambitieux en terme gographique comme en terme de missions, et alors elle nen a pas les moyens. Sans compter quelle doit dans ce cas se positionner par rapport aux casques bleus de lONU, aux forces de lUnion africaine, aux prtentions de lUnion europenne . LUnion europenne peut-elle tre complmentaire de lOTAN ? L rside en effet le second dfi. Longtemps balbutiante, la politique europenne de scurit et de dfense (PESD) existe aujourdhui belle et bien. LUnion europenne (UE) a succd lOTAN en Bosnie et en Macdoine pour les oprations de maintien de la paix, et lavait prcde Kaboul la tte de lISAF. De mme, elle a men des oprations autonomes en Rpublique dmocratique du Congo. LEurope de la dfense dispose aujourdhui de sa propre force de raction rapide, de 13 groupements tactiques de 1500 hommes, dun Etat-major, dune agence de larmement, dune gendarmerie communautaire, de projets industriels comme lavion gros-porteur A400M Elle se pose donc en concurrente de lOTAN, mme si tous les dirigeants europens sen dfendent. Ce serait une erreur stratgique colossale que de vouloir faire jouer lUnion europenne le rle de contrepoids aux Etats-Unis et lOTAN. LEurope na pas vocation faire ce que lOTAN fait dj trs bien , avait dclar Nicholas Burns, le secrtaire dtat adjoint amricain, aprs la cration dun quartier gnral des 25. Pour des raisons historiques videntes, cest lUnion europenne dintervenir au Darfour, et non lOTAN. LAlliance reprsente une protection ultime en cas de conflit majeur. Elle ne doit pas intervenir en de , lui avait rpondu Michle Alliot-Marie, le ministre franais de la Dfense. Quelle que soient les dclarations rassurantes des uns et des autres sur la ncessaire coopration entre lOTAN et lUE, la hache de guerre semble dterre entre les deux institutions. Les Etats-Unis estiment que certains pays - entendez par l la France et lAllemagne au premier chef - veulent amoindrir lOTAN. Mais ces mmes pays pensent que les Etats-Unis ne considrent lOTAN que comme un suppltif de ses propres armes. La crise trs vive sur le rle de lOTAN dans la guerre en Irak en est une illustration. De mme, aprs les attentats du 11 septembre 2001, Washington entendait intervenir militairement ; elle na donc rien demand lOTAN qui pourtant, pour la premire fois de son histoire, avait invoqu larticle 5 du Trait qui prvoit que toute attaque contre un pays membre est une attaque contre tous les pays membres. Par contre, les Etats-Unis - trs occups en Irak auraient aim se dsengager dAfghanistan ; ils ont donc demand de fondre la mission de lOTAN avec celle mene par les GIs. Refus absolu de Paris qui a rappel que lOTAN Kaboul mne une opration de pacification, alors que les Amricains, dans le cadre de Enduring Freedom, font la chasse aux talibans. Certains pays europens refusent de financer, via lOTAN, une politique de scurit dfinie par la seule Maison Blanche et lagenda trs politique : terrorisme, armes de destruction massives, Etats voyous Dautant que lEurope fournit dsormais 70 % des troupes et du budget de lAlliance et aimerait donc avoir davantage voie au chapitre. Dans ce dossier, la chance des Etats-Unis est que la PESD butte encore sur de nombreux obstacles : financements insuffisants, dfaut de volont politique de certains Etats, mauvaise interoprabilit entre les armes, lourdeur du processus de dcision Surtout, plusieurs nouveaux entrants dans lUE, comme la Pologne, la Hongrie, les Pays baltes, prfrent un parapluie politico-militaire domin par des gnraux amricains, considrant que lEurope de la dfense a une volont politique gomtrie variable. LOTAN leur semble une meilleure garantie de scurit face un voisin russe qui ninspire toujours pas confiance. Quelles sont ses relations aujourdhui avec la Russie ? Mme si depuis 2002, avec la cration du Conseil OTAN - Russie , Moscou dispose thoriquement du mme pouvoir que les membres de lAlliance pour dfinir la politique de lutte contre le terrorisme, le Kremlin voit dun mauvais il lintgration lOTAN de pays autrefois membres du Pacte de Varsovie. Que des avions radars de lOTAN survolent en permanence les rpubliques baltes au motif quelles ne disposent pas de radars militaires de surveillance arienne, nest ainsi pas du got des autorits russes. Llargissement de lOTAN affecte les intrts politiques, militaires et conomiques de la Russie. Cest un signal inamical de lOccident ; une vritable menace , avait dclar le porte-parole du Kremlin aprs ladhsion de la Lituanie, de lEstonie et de la Lettonie. Avec les projets de la Georgie et de lUkraine, la Russie se sent encore plus encercle par lOTAN. Et, Jaap de Hoop Scheffer a beau dclarer que La Russie ne doit pas se sentir isole et quil faut un partenariat fort avec Moscou , les rcents changes acides entre Vladimir Poutine et le vice-prsident amricain, Dick Cheney, tmoignent de la difficult des relations bilatrales. Un autre dfi pour lOTAN. | |||
Jean Piel | |||
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