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09/06/2006
Limmigration en Italie (1)
Les Ouest-africains lassaut de la Pninsule


(MFI) Lannonce par le gouvernement de Romano Prodi dune rgularisation massive dimmigrs (prs de 500 000 personnes dj dtentrices dun travail) prsents en Italie constitue un espoir pour les Africains de la Pninsule. Ceux-ci se comptent par dizaines de milliers. Leur arrive en Italie a surtout commenc dans les annes 1980, et si les vagues massives darrives dEuropens (Albanais, Roumains, Polonais ou Ukrainiens) des annes 1990 ont quelque peu masqu ce phnomne, limmigration notamment ouest-africaine sest poursuivie un rythme soutenu. Le sjour italien, pendant longtemps trs attractif, est toutefois devenu progressivement plus difficile avec la chasse plus systmatique livre aux clandestins, au moment o le march de lemploi se dgradait.

On ne le sait pas assez, mais en matire dmigration le Sngal vit dj depuis une bonne vingtaine dannes lheure italienne : aujourdhui lconomie de villages entiers repose, notamment dans les rgions traditionnelles dmigration, comme la rgion de Louga, sur les transferts dargent des parents partis tenter leur chance dans la Pninsule. Et la destination italienne a toujours une forte cote auprs des jeunes candidats au dpart, qui lheure o la France se barricade, ont dj fini (dit-on) de rver Paris et ses banlieues.
Combien sont-ils au juste dimmigrs sngalais en Italie ? 50 000, 60 000 ? Les chiffres sont variables selon la source, et ne peuvent prendre en compte les milliers de clandestins qui vivent en immersion presque parfaite, en attente dune rgularisation, dun nouveau dpart ou dune expulsion, dont la menace sest prcise ces dernires annes aprs un relatif ge dor. Ils traduisent en tout cas une nette ralit : entame dans les annes 80, la rorientation des flux migratoires vers lItalie est devenue un phnomne majeur qui fait du commerant ambulant (le modou modou ) ou du travailleur en usine des acteurs dsormais familiers du paysage, dans ces villes du Nord industriel qui concentrent la majorit des immigrs sngalais.


La diversit de situation des communauts ouest-africaines

Publie dans la revue Afriche e orienti * en 2005, une enqute mene Turin a montr comment sorganisait cette immigration sngalaise, dont lexpansion est sensible vers la fin des annes 80. Elle apparat alors comme trs homogne, essentiellement compose de membres masculins de la confrrie musulmane des Mourides, sous lautorit dun marabout qui tient le rle dun mdiateur social trs cout. Dans ces annes-l se dveloppe le commerce ambulant, qui fournit du travail de nombreux jeunes sans qualification. A la dcennie suivante, un mouvement sobserve, qui voit les Mourides se transfrer de Turin Brescia, o se prsentent de nouvelles opportunits demploi.
En 2004, un reportage de lAgence de presse sngalaise nous fait plonger au cur de la rsidence Prealpino, un foyer sngalais situ une dizaine de kilomtres du centre-ville de Brescia : petit commerce (une picerie) et services en tous genres sont disponibles dans limmeuble qui accueille quelque 400 personnes, lesquelles bnficient dun systme dentraide bas sur les cotisations des membres, sorganisent pour les ftes religieuses ou laccueil dun marabout en visite, et peuvent bien sr capter la tlvision sngalaise par satellite. Le correspondant de lAps souligne toutefois que si le modou modou reste la cheville ouvrire de cette immigration sngalaise, de plus en plus de jeunes diplms venus terminer leurs tudes tendent sinstaller en Italie.
Parmi les autres communauts ouest-africaines en Italie, les Ghanens constituent le second contingent important (plus de 20 000 personnes selon les chiffres de 2004) : souvent issus de la rgion de Kumassi, dans le sud du Ghana, ils occupent gnralement des emplois peu qualifis et sont plus enclins que les Sngalais au regroupement familial. Beaucoup moins nombreux, les Nigrians (environ 2 000 personnes), tels quils sont apparus aux enquteurs italiens Turin (Afriche e Orienti *), ont de plus grandes difficults dinsertion, notamment dues au caractre trs clat de la communaut : venus des diffrentes rgions du Nigeria, ils ne prsentent gure dhomognit ethnique, ont du mal sorganiser en associations, et doivent faire face la prsence de nombreuses jeunes filles qui sadonnent la prostitution.
Les immigrs africains ne constituent que 23 % de la population immigre en Italie, o dominent Roumains, Marocains (plus de 200 000 personnes) et Albanais, suivis des Ukrainiens, des Chinois ou des Philippins, en tout quelque 180 nationalits comptabilises, pour environ 2,5 millions de personnes (les statistiques varient de 2,2 2,8 millions). Les immigrs se concentrent au Nord, dans les villes des rgions de Lombardie (500 000 personnes en 2003), dEmilie-Romagne et de Vntie, qui constituent les principaux bassins demploi, et au Sud dans la rgion de Campanie, lItalie mridionale offrant surtout des opportunits dembauche, gnralement saisonnires, dans le secteur agricole.
Mais le travail nest pas toujours au rendez-vous, et le sjour peut se transformer en galre . Depuis quelques annes, la rcession qui a frapp le march italien, spcialement pour les emplois peu qualifis, a mis au chmage nombre dimmigrs, dont beaucoup subsistaient avec des contrats de courte dure offerts par les agences temporaires. Linactivit a favoris lexpansion de trafics en tous genres qui ternissent limage des trangers, et la xnophobie a connu une pousse significative. Chmage et hostilit raciale, ainsi que les longues attentes en matire de rgularisation, ont suscit en 2004-2005 quelques manifestations dimmigrs dans les centres urbains. A Milan, en 2005, la Chambre du travail a dclench une campagne de sensibilisation contre la discrimination raciale. Celle-ci est sensible dans le secteur du logement, et lon indique que lItalie est aujourdhui le pays europen comprenant le plus grand nombre dtrangers sans abri.

* Afriche e Orienti, n3/2005, Universit de Bologne

Thierry Perret


Le poids conomique des transferts des immigrs

(MFI) La longue lutte entame par les pays europens contre limmigration, et spcialement limmigration clandestine, se heurte deux donnes fondamentales : la rsolution des candidats au dpart, vivant dans des environnements trs dfavoriss ; et limportance pour lconomie des pays dmigration des transferts de fonds de leurs nationaux. Ce dernier aspect est crucial au moment o les pays europens se soucient de rguler les flux migratoires en recherchant la coopration des Etats de dpart.
Or on sait fort bien, Dakar, Bamako ou Accra, ce que pse lmigr en termes financiers. Selon le rapport 2004, souvent cit, du Global Finance Development, prs de 90 milliards de dollars avaient t transfrs par les migrants dans leurs pays dorigine. Ces transferts dargent dpassaient les flux mobiliss pour laide publique au dveloppement (57 milliards de dollars).
Dans un pays comme le Sngal, les donnes se passent de longs commentaires. On estime les migrs vivant ltranger au moins 2 millions de personnes, surtout rparties entre lAfrique, lEurope et les Etats-Unis. La plupart dentre elles pargnent et effectuent des transferts dargent vers leurs communauts dorigine et les sommes en jeu sont considrables : on cite couramment le chiffre de 300 milliards de francs CFA, qui ne comptabilise pas les transferts effectus de faon informelle, constituant lui seul 7 % du PIB national, et lquivalent de 82 % des sommes gnres par laide publique au dveloppement faisant du transfert de fonds de lmigration la premire source de devises.
Les effets pour lconomie, jugent les experts, sont toutefois modrs : les sommes perues par les familles des migrs sont essentiellement utilises pour des dpenses de consommation, et ne gnrent que de faibles investissements productifs, le secteur du btiment tant le principal bnficiaire de cette circulation montaire.

MFI




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