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09/06/2006 | |||
Sarkozy, lAfricain ? | |||
(MFI) En prcampagne pour la prsidentielle de mars 2007, le candidat non dclar de lUnion pour la majorit prsidentielle (UMP) a expos rcemment sa vision des relations franco-africaines empitant sur le domaine rserv du chef de lEtat. Augure-t-elle une vritable rupture avec la politique mene par le prsident Jacques Chirac ? | |||
A moins dun an de la prsidentielle en France, le ministre franais de lIntrieur se devait, tradition oblige, de prendre pied en Afrique, un continent qui ne lui est gure familier mais qui reste un passage oblig pour tout prtendant srieux lElyse. Prvue de longue date, sa tourne clair en mai au Mali et au Bnin visait conforter la stature internationale du futur candidat. Si Nicolas Sarkozy na jamais exerc les fonctions de ministre des Affaires trangres, son conseiller diplomatique, David Martinon, rappelle que sa premire intervention remarque au plan international fut pour le camp de Sangatte, dans le nord de la France, o il avait interpel les clandestins du monde jusqu New Dehli, ainsi que les autorits britanniques, sur linscurit que ce camp engendrait en Europe. Depuis, il a nou des relations cordiales avec Tony Blair. Il sest aussi rendu aux Etats-Unis, en Chine, au Qatar, et par deux fois en Afrique en 2003 toujours pour des visites de travail relevant de la lutte contre le terrorisme ou les migrations illgales. Le choix du Bnin et du Mali, qui ont effectu des transitions dmocratiques russies et dont les chefs dEtats ont t rgulirement lus, se voulait symbolique. Mais il a concid avec ladoption de la loi sur l immigration choisie au parlement franais. Do lescale mouvemente de Bamako, o le parler franc du ministre dEtat a heurt des susceptibilits en dclarant que la France na plus besoin conomiquement de lAfrique. Au point qu son arrive Cotonou, la presse bninoise le qualifiait dhte encombrant . Un conseiller du prsident Yayi Boni rclamait un droit la France , tandis que des tudiants manifestaient aux cris de : Sarkozy-Hitler, Sarkozy, btard hongrois . Le Bnin compte cependant peu de migrants, notaient les ditorialistes, et ces ractions hostiles nont pas eu lair davoir branl la raison dEtat et les impratifs de la diplomatie bilatrale entre la France et ses anciennes colonies. (Adjinakou) Comment concilier rupture et hritage ? Mais Nicolas Sarkozy se trouve souvent l o on ne lattend pas. Ainsi a-t-il surpris en prononant un discours programme, le 19 mai 2006, au Palais des Congrs de Cotonou. Le ministre dEtat a dabord rendu un hommage appuy la premire Confrence nationale africaine, fiert des Bninois. Existe-t-il un lieu mieux choisi que Cotonou, le quartier latin de lAfrique , pour parler des relations que la France doit avoir avec lAfrique ? , a-t-il lanc devant une classe politique attentive, qui il a dit son respect davoir construit une dmocratie forte et vivante, prouve par trois alternances russies. () Et cest la transition dmocratique dj engage au Bnin que le prsident Mitterrand pensait lorsquil pronona son dsormais clbre discours de La Baule en juin 1990. Aprs la chute du Mur de Berlin, un vent de libert soufflait sur le continent et lancienne mtropole avait d prendre le train en marche. Et vous, les Bninois, comme les Maliens ou les Ghanens, vous avez assn une solide leon tous ceux qui ne cessent de rpter que la dmocratie nest pas faite pour les Africains. Il n y a pas de spcificit africaine , a-t-il martel, lanant ainsi un pav dans la mare du prsident Chirac qui avait dclar en 1990 que lAfrique ntait pas mre pour la dmocratie. Et versant du mme coup les querelles intestines sur le sol africain. Si, en France, le problme numro un de Nicolas Sarkozy est de savoir comment concilier rupture et hritage ? (Alain Duhamel, Le Nouvel Observateur), Cotonou, lexercice a relev de la virtuosit. Saluant les qualits visionnaires du gnral de Gaulle qui a su comprendre les aspirations de lAfrique lautonomie puis aux indpendances , il a rappel que la moiti des Africains ont aujourdhui moins de 17 ans et quils nont pas connu la priode coloniale. Il nous faut nous dbarrasser des rseaux dun autre temps (). Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prvaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal dans le pass , a-t-il dclar, prconisant un dialogue sur un pied dgalit avec des partenaires responsables. Des propos qui font cho ceux de Denis Tillinac un an de la prsidentielle de 2002 : Il faut en finir avec les missaires officieux, les rseaux louches, les rapports personnels. Il y a trop de monde se rclamer de Jacques Chirac en Afrique , disait-il. Lassociation de cet crivain corrzien, Renaissance Afrique-France (RAF), avait t cre pour faire le mnage dans les rangs gaullistes aprs le retour auprs du prsident Chirac de Jacques Foccart, lminence grise du gnral de Gaulle en Afrique, lors de son premier mandat... Et aprs des annes de cohabitation o les fameux rseaux , de droite comme de gauche, avaient fini par se mtisser. Tillinac promettait alors : Pas de ptrole, pas de jeux de hasard, pas darmes, ni de drogue une allusion aux dmls avec la justice des dirigeants de lex-empire Elf, aux familles corses qui contrlent le PMU et plusieurs casinos en Afrique et lAngolagate et ses intermdiaires nombreux, de Charles Pasqua Jean-Christophe Mitterrand. Rien ne manquait son beau discours A nous aussi de dbarrasser la relation Afrique-France de ses fantasmes et de ses mythes qui la polluent , a souhait Nicolas Sarkozy, pour qui la France na pas pour objectif de sapproprier les ressources gologiques du continent. Affirmant quil ny a plus de compagnie minire franaise et que les entreprises prsentes sont spcialises dans les services, il a ajout que Total ralise lessentiel de sa production en Angola et au Nigeria, deux pays qui ne sont pas parmi les plus proches de la France . Citant enfin le petit nombre de grands groupes franais qui ralisent une part importante de leur activit en Afrique : Bouygues, Air France et Bollor , il a soutenu que ceux-ci nont pas besoin de la diplomatie franaise pour exister . Lancien conseiller de Franois Mitterrand, Jacques Attali, qui compte parmi ses amis, a comment svrement ses propos dans LExpress. Rien ne manquait son beau discours , a-t-il crit, et il lui a fallu de laudace () pour expliquer aux Africains que la responsabilit de leurs malheurs est largement la leur. Il en faudra plus encore pour dfinir une politique concrte compatible avec ces principes. Elle passera dabord par une transparence absolue de laide, pour quelle ne serve plus en priorit les groupes franais qui mettent depuis si longtemps lAfrique en coupe rgle . En prcampagne pour 2007, Nicolas Sarkozy tait sans doute venu pcher des voix auprs de la communaut franaise en Afrique mais surtout, il cherchait renouveler ses rseaux de soutien. A len croire, il ne devrait pas sappuyer sur ceux de son premier parrain en politique, Charles Pasqua, qui fut tmoin de son mariage en 1982 avec la fille dun pharmacien corse, et quil vina en 1983 en devenant maire de Neuilly 28 ans. En revanche, Martin Bouygues, tmoin de son second mariage avec Ccilia, en 1996, figure parmi ses amis personnels. On ne cesse de dire : La France perd ses positions en Afrique . Ce vocabulaire nest pas respectueux des Africains , a poursuivi Nicolas Sarkozy, se rjouissant de lintrt nouveau pour le continent des Etats-Unis, de la Chine et de lInde, et fustigeant la vision passiste de lconomie des comptoirs des Franais qui se plaignent de cette concurrence nouvelle. En rsum : La relation avec lAfrique doit constituer une priorit de notre action diplomatique. Mais il ny a pas de chasse garde . Seule, la France est intervenue sous lautorit dEdouard Balladur Enfin, Nicolas Sarkozy sest inscrit dans la continuit sur la question de la prsence des bases militaires. La France na plus pour vocation dtre le gendarme du continent. Et toute intervention nest destine qu appuyer les efforts de paix, sous les auspices de lUnion africaine et de la communaut internationale, gage unique de sa crdibilit. Les contradictions staient accumules pour clater lors de lanne 1994. Aprs la mort de Flix Houphout-Boigny, en Cte dIvoire, la dvaluation avait finalement t opre, le 12 janvier. Et le 7 avril, le gnocide au Rwanda laissait le monde entier sans voix. Quelles quaient pu tre les insuffisances de la politique suivie par la France au Rwanda avant le gnocide, en 1994, il y avait beaucoup de gens pour dnoncer les atrocits et les massacres commis contre les Tutsis, mais bien peu pour intervenir directement afin darrter ce crime contre lhumanit, comme le fit, seule, la France, sous lautorit dEdouard Balladur . En 1995, Nicolas Sarkozy stait rang aux cots dEdouard Balladur pour la campagne prsidentielle, ce qui lui valut dtre qualifi de tratre par les partisans de Jacques Chirac, qui remporta llection. Une querelle qui na cess de samplifier et dont les derniers avatars dans lHexagone ont pris le nom daffaire Clearstream. A peine Nicolas Sarkozy tait-il de retour Paris que le prsident Chirac senvolait pour le Brsil et le Chili. Rpondant une interview de TV-Globo, il dclarait : Il ny a pas dautre solution lmigration que le dveloppement , se flicitant davoir fait le premier pas , avec le prsident Lula, en crant une taxe sur les billets davion dont les bnfices seront affects la lutte contre les grandes pandmies. Cest une petite chose, mais il tait important de montrer que lon pouvait faire autrement, il fallait manifester la solidarit internationale et laide au dveloppement de faon moderne. Des propos sereins et satisfaits, mille lieues de ceux que son ministre de lIntrieur a encaiss sur le terrain lors dun priple dcidment mouvement. | |||
Antoinette Delafin | |||
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