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23/06/2006
Le Maroc, interlocuteur privilgi de lEurope

(MFI) A la fois pays dorigine et de transit des clandestins vers lEurope, le Maroc a initi depuis 2002 avec laide de lUnion europenne une politique nergique de lutte contre limmigration illgale qui a donn des rsultats. Conscient des limites dune approche uniquement scuritaire, le pays est lorigine avec lEspagne et la France de lorganisation de la confrence euro-africaine de Rabat.

Pour la deuxime anne conscutive, les autorits du royaume se rjouissent du dclin des passages clandestins via leur territoire. En 2005, le Maroc a dmantel 400 rseaux dimmigration illgale, rduisant ce flux de 40 % par rapport 2004 , dclare Youssef Amrani, directeur gnral des relations bilatrales au ministre des Affaires trangres et de la Coopration, Rabat. De son ct, le ministre de lIntrieur a annonc avoir fait avorter 5 500 tentatives dentre illgale dans le royaume entre janvier et mi-mai 2006, soit une baisse de 65 % par rapport la mme priode de lan dernier (3 500 personnes arrtes venaient dAfrique subsaharienne). Dans les mois qui ont suivi le drame de Ceuta et Melilla, qui stait sold par la mort dau moins onze personnes en septembre et octobre 2005, le Maroc a procd de nombreuses expulsions dans des conditions contestes. Aujourdhui, insiste le ministre de lIntrieur, les migrants subsahariens sont renvoys chez eux, souvent par avion, en concertation avec leur pays dorigine : il sagit de retours volontaires .

Prs de 20 000 clandestins sub-sahariens par an

Spar de lEspagne continentale par 14 km et de lle de Fuerteventura (Canaries) par 80 km seulement, le royaume chrifien tait jusque-l considr en Afrique comme la principale porte sur lEurope. Le Maroc est victime de sa gographie, pris en tau entre une Europe qui se verrouille et notre continent africain marginalis par une mondialisation exacerbe , estime M. Amrani. Suite la mise en uvre des accords de Schengen, les migrations lgales ont t rduites la portion congrue, explique Mohamed Kachani, prsident de lAssociation marocaine dtudes et de recherche sur les migrations. Aujourdhui, un faible flux se maintient. Il sagit surtout de migrations saisonnires lies au calendrier agricole et touristique espagnol. Du coup, partir du milieu des annes 90, de plus en plus dhommes, de femmes et mme de mineurs de moins de 15 ans ont cherch gagner clandestinement lEurope. Au total, 6 300 personnes en dix ans auraient trouv la mort dans ces tentatives de passage, selon Mdecins sans frontires. Ils taient pour la plupart marocains, algriens ou originaires dAfrique noire.
Chaque anne, 13 000 20 000 candidats subsahariens lmigration transitent par le royaume, estime lconomiste Mehdi Lahlou. Aprs avoir parcouru des milliers de kilomtres, ils arrivent dans le dsert algrien avant de gagner Oujda au Maroc bien que la frontire entre les pays maghrbins soit ferme depuis 1994. Jusquen 2002, la plupart des migrants tentaient de passer par le dtroit de Gibraltar ou les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, poursuit-il. Puis, les passeurs ont privilgi la voie de mer partir du Sahara marocain. Le trafic de pateras vers les Canaries sest amplifi. Ce re-routage des migrants a fait suite au durcissement des contrles tant du ct espagnol que marocain. Au Nord, Madrid a commenc dployer son Systme intgr de vigilance extrieure. Ce dispositif quasi-militaire , estim 260 millions deuros, vise verrouiller la cte espagnole, de Huelva jusqu Almeria, avant 2008.


Aller au-del de lapproche scuritaire

Quant aux Marocains, ils sont entrs en action. Depuis 2002, le dossier est pass des mains des diplomates celles des responsables de la scurit, estime M. Lahlou. Du temps de Hassan II, il y avait une politique dquilibre : le Maroc, qui cherchait des soutiens sur le dossier du Sahara, tentait de prserver ses intrts en Afrique. Maintenant, le rapprochement avec lUE passe avant tout. Il rappelle que lors du Sommet europen de Sville (juin 2002), plusieurs Etats la suite de lEspagne avaient menac de bloquer les aides financires pour les pays qui ne collaboraient pas au contrle des migrations. Mme les Etats-Unis, qui voyaient alors dans lEspagne lun de leurs principaux allis europens contre lIrak, ont fait pression sur le Maroc, dit-il. Ce contexte sest traduit par la cration dune direction charge de la migration et de la surveillance des frontires au sein du ministre marocain de lIntrieur. Cette cellule dispose de 4 000 hommes pour surveiller les points noirs , selon son directeur Khalid Zerouali, en plus des 7 000 hommes mobiliss aux frontires.
Sur le plan juridique, la loi 02-03 sur les migrations irrgulires a t promulgue le 11 novembre 2003, dans la foule de la loi contre le terrorisme. Elle prvoit des peines pouvant aller jusqu 30 ans de prison pour les trafiquants de migrants. La mme anne, Rabat a entam des ngociations avec lUnion europenne (UE) sur la signature dun accord de radmission. Cet instrument devrait permettre aux Europens dexpulser des clandestins vers le royaume, quils soient marocains ou quils aient simplement transit par le Maroc. En retour, Rabat recevrait des fonds pour leur retour et leur rinsertion. Longs et complexes, les pourparlers viennent dentrer dans leur 11e round, signale M. Amrani.
Salue par les Occidentaux, la politique de Rabat ne fait pas lunanimit et suscite les critiques de la socit civile. Avec dautres, M. Kachani dplore que son pays cde aux fortes pressions de lEurope et fasse le sale boulot . Dnonant la politique dexternalisation de la lutte contre les migrations clandestines de lUE , il estime que la conditionnalit migratoire sest substitue la conditionnalit dmocratique, pourtant prvue par la Dclaration de Barcelone , qui a dfini les grandes lignes du partenariat euro-mditerranen en 1995.
M. Lahlou insiste, quant lui, sur le pouvoir limit de laction marocaine et souligne que les Africains (maghrbins et subsahariens) qui arrivent par voie de mer reprsentent moins de 2 % des clandestins en Europe . Les autres, gnralement munis dun visa de tourisme, passent par les ports et les aroports. Il signale que depuis le durcissement dattitude marocain, les routes de la migration sont descendues vers le Sud, en Mauritanie et au Sngal. Le voyage est de plus en plus long, cher et dangereux. Et les candidats au dpart de plus en plus nombreux. La vraie solution, tout le monde la connat : cest le dveloppement , conclut-il.

Sophie Boukhari


Des migrants qui rapportent

(MFI) Dbut juin, le Dpartement dEtat amricain a salu le fort engagement du Maroc, seul pays arabe et africain figurer dans le groupe 1 des pays les plus respectueux des normes internationales de lutte contre le trafic des personnes. LEurope, qui ne cache pas sa volont dimpliquer les pays de transit dans la lutte contre les migrants irrguliers , a galement adress mi-mai un satisfecit Rabat, par la voix de son reprsentant dans le royaume. Bruno Dethomas a rappel que le Maroc tait le premier bnficiaire du programme MEDA avec plus de 20 % des fonds destins aux pays mditerranens. Nous accordons 140 millions deuros daides par an, sans compter les prts, prcise Rosamaria Gili la Dlgation de la Commission europenne Rabat. Au total, notre portefeuille de projets en cours au Maroc slve 1,35 milliard deuros. Une aide spcifique devrait tre dbloque rapidement pour la lutte contre les migrations irrgulires. Son montant, initialement fix 40 millions deuros, est en cours de rengociation, indique-t-on au ministre des Affaires trangres. Au cours de lanne 2005, la gestion des flux de la migration irrgulire a contraint le Maroc puiser prs de 100 millions deuros dans ses fonds propres , explique Youssef Amrani, directeur gnral des relations bilatrales au ministre des Affaires trangres et de la Coopration.
Les migrs sont une manne fabuleuse pour leurs pays. Les Marocains rsidant ltranger sont particulirement fidles leurs origines. Selon luniversitaire Mohamed Kachani, ce sont ceux qui renvoient le plus dargent chez eux, aprs les Libanais. Au total, ils rapatrient quelque 3,6 milliards deuros par an, soit lquivalent de 8 % 9 % du PIB et de 80 % du dficit commercial. Ces transferts ont longtemps t la premire ressource en devises du pays. Pour la premire fois en 2005, le tourisme les a devancs , prcise M. Kachani. On estime quenviron trois millions de Marocains vivent ltranger, dont 80 % dans lUnion europenne. Ils rsident pour la plupart en France, en Espagne et en Italie. Quelque 10 % dentre eux seraient en situation irrgulire.

S. B.




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