| |||
23/06/2006 | |||
Le codveloppement : les objectifs et les projets | |||
(MFI) Faire participer les immigrs installs en France au dveloppement de leur pays dorigine, cest lobjectif du codveloppement, une ide franaise qui intresse dautres pays europens. Retour sur ce concept et sur les projets qui ont t mis en uvre dans ce cadre depuis 2002, avec comme pays phares dapplication le Mali, le Sngal et le Maroc. | |||
Dfinition Selon la dfinition officielle, on entend par co-dveloppement toute action daide au dveloppement, quelle quen soit la nature et quel que soit le secteur dans lequel elle est ralise, laquelle participent des migrants vivant en France, quelles que soient les modalits de cette participation (celle-ci peut intervenir une ou plusieurs tapes du projet : conception, tude de faisabilit, financement, ralisation, valuation) . Le codveloppement peut concerner aussi bien les immigrs qui dsirent retourner de faon dfinitive dans leur pays pour y crer une activit, que ceux qui souhaitent y retourner de faon temporaire pour promouvoir des activits productives, des projets sociaux (cole, centres de sant, etc.), et dune manire gnrale faire profiter leur pays dorigine de leurs comptences, de leur savoir-faire et de leurs rseaux de relations. Brigitte Girardin, ministre dlgue la Coopration, au Dveloppement et la Francophonie, met laccent sur loriginalit de la dmarche franaise, seul pays europen a avoir fait du codveloppement une composante de sa politique daide publique au dveloppement (APD), ceci alors que lEspagne, spcialement touche en 2005-2006 par lafflux dimmigrs clandestins aussi bien dans ses enclaves marocaines de Ceuta et Melilla quaux les Canaries, a commenc se rfrer aussi la formule. Le codveloppement vise donc faire participer lensemble des migrants prsents en France au dveloppement de leur pays dorigine, quil sagisse des migrants les moins qualifis, auxquels il est propos par le biais dune formation ou dune aide financire lie la cration dune activit un appui la rinsertion dans leur pays, ou des plus qualifis qui, tout en souhaitant demeurer en France, veulent faire bnficier leurs compatriotes de leurs comptences. Les structures La Mission interministrielle au Codveloppement et aux Migrations internationales a t cre en 1997 sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin. A son retour au pouvoir, la droite a repris son compte cette notion et lui a donn une nouvelle impulsion partir de 2002 en crant un poste dambassadeur dlgu au codveloppement, rattach au ministre dlgu la Coopration : le premier titulaire de la fonction a t partir daot 2003, jusquen janvier 2006, lancien ambassadeur de France au Mali, Christian Connan. Les enjeux Les grandes orientations de la politique franaise sur le sujet ont t arrtes en conseil des ministres le 8 octobre 2003. Les autorits considrent que les migrations peuvent constituer une chance pour les pays de dpart comme pour les pays daccueil. Les communauts de migrants reprsentent en effet un potentiel qui peut tre valoris pour aider au dveloppement de leur pays dorigine : par les fonds quils rapatrient, mais aussi par les qualifications, les comptences et lexprience que bon nombre dentre eux ont acquis, souvent dans des domaines o leur pays est dficitaire. Dans les pays daccueil, les projets de codveloppement peuvent contribuer une bonne intgration. Typologie des actions de codveloppement Plusieurs types dactions peuvent tre menes : - La promotion de linvestissement productif Il sagit dinciter les migrants consacrer linvestissement productif crateur demplois dans leur pays dorigine une part plus grande des fonds rapatris. On observe en effet que si les flux financiers transfrs par les migrants constituent des volumes trs importants, lessentiel est destin aux familles dorigine des migrants qui lutilisent pour des dpenses de consommation, non productives. Pour parvenir rorienter en partie ces flux, il faut avant toute chose mettre en place, en liaison avec les institutions spcialises du secteur priv (banques, rseaux de micro-crdit, etc.), des mcanismes appropris en vue du transfert rapide, dans de bonnes conditions de scurit et un cot raisonnable, des fonds pargns par les migrants. Lobjectif est aussi de faciliter laccs au crdit pour les micro-socits ou PME qui, souvent issues du secteur informel, ont des marchs et sont capables de les satisfaire, mais ne peuvent mettre en valeur ces potentialits faute des financements ncessaires leur expansion. - La mobilisation des comptences des lites de la diaspora Il sagit daider la ralisation de projets labors linitiative de migrants hautement qualifis (universitaires, chercheurs, mdecins, ingnieurs, cadres du priv) et la mise en place de partenariats entre les institutions franaises employant ces trangers qualifis et des institutions homologues de leur pays dorigine. Leur mobilisation peut intervenir sous forme de missions, qui peuvent tre rptes intervalles rguliers (des enseignants peuvent ainsi dispenser des cours, des mdecins raliser des oprations particulirement dlicates, des chercheurs diriger des thses, etc.) - Projets damnagement local Des cofinancements peuvent tre consentis pour des projets que des associations de migrants envisagent de raliser dans leur rgion dorigine, mais quelles ne sont pas en mesure de financer entirement (cole, centre de sant, lectrification rurale, petits barrages agricoles, etc.) - Aides la rinsertion Ces aides concernent des migrants dsireux de retourner dans leur pays dorigine pour y crer une activit (petit commerce, agriculture, artisanat, taxi, etc.) Elles peuvent consister en des financements (compris entre 4 000 et 7 000 euros selon la qualit du projet), mais aussi en conseil pour la mise au point et le suivi des projets, et en formation. - Appui aux initiatives de la jeunesse issue de limmigration Il sagit du co-financement de projets socio-culturels, dchanges de jeunes et de renforcement de la citoyennet dans les pays dorigine et de rsidence. Le champ gographique Des programmes sont actuellement en cours avec le Maroc, le Mali, le Sngal et les Comores. Le choix de ces pays comme partenaires privilgis a t dtermin par limportance de leurs communauts vivant en France, le degr dorganisation de ces communauts et la volont affiche par les gouvernements de ces pays dassocier leurs communauts vivant ltranger leur politique de dveloppement. Dautres programmes vont tre entrepris avec les pays francophones dAfrique et dAsie du sud-est (Vietnam, Cambodge, Laos) qui le souhaitent, ainsi quavec lEthiopie, Hati et le Vanuatu. Les programmes de codveloppement identifis pour 2006-2008 sont les suivants : Mali (2,6 millions deuros), Sngal (2,5 millions deuros pour 2005-2008), Comores (2,5 millions), un programme FSP cadre Afrique francophone et Ethiopie, Vanuatu et Hati (3 millions), et un programme DSTE pays mergents (Diasporas scientifiques, techniques et conomiques) de trois millions cibl sur les diasporas hautement qualifies de plusieurs pays francophones (Algrie, Maroc, Tunisie, Liban, Vietnam, Cambodge, Laos). Le Mali Le Mali a t le premier pays bnficier de tels programmes, travers un dispositif de 2,6 millions deuros (2002-2005), renouvel pour trois ans. Celui-ci comprend la fois des aides la rinsertion, la promotion de projets de dveloppement local, lenvoi de missions ponctuelles de Maliens hautement qualifis et des projets Jeunes (appui des micro-projets conduits conjointement par des associations locales et de jeunes issues de limmigration malienne en France). La premire phase du FSP (Fonds de solidarit prioritaire) codveloppement Mali (2002-2005) a permis la mise en uvre de 22 projets de dveloppement local dans la rgion de Kayes, de 330 projets de rinsertion conomique, de 43 missions dappui la diaspora scientifique et technique, de 24 missions dchange et dexpertise et de 10 projets jeunesse, dont un festival alliant concerts et dbats qui sest droul en septembre 2005 Bamako, Kati et Sgou et qui a runi 7 000 jeunes au total autour dartistes issus de la diaspora. Parmi dautres exemples concrets de projets mis en uvre en 2005, on peut citer celui de lARLF (Association des ressortissants de Lany en France), qui a financ avec la coopration franaise et la socit Tlcash Mali Lany (dans la rgion de Kayes au Mali) un bureau de poste-tlphone-tlpaiement. Ce projet a t ralis en liaison avec lONP (Office national de la poste malienne) et la Sotelma (socit nationale de tlcommunications du Mali). Le cot du projet, denviron 90 000 euros, a t financ pour moiti par Tlcash Mali, 20 % par les migrants et les habitants et 30 % par la coopration franaise. Autre projet, la commune de Gentilly a conu dans le village de Kolobo (rgion de Koulikoro), un centre de sant communautaire. Une association de jeunes franco-maliens de la seconde gnration, lAssociation des jeunes du 162 (qui avait dj construit dans ce village un espace culture), est linitiative de ce projet. Sur un cot total de 182 000 euros, la ville de Gentilly a financ 42 % de ce montant tandis que lAssociation des jeunes du 162 a runi pour sa part, avec la communaut malienne de Gentilly, 11 % du financement. Les habitants de Kolobo bnficient dsormais dun centre de sant quip dun dispensaire, dune maternit, ainsi que dune pharmacie. Une exposition ralise par la ville de Gentilly et les Jeunes du 162 a contribu une meilleure connaissance du Mali Gentilly, et a t prsente plusieurs tablissements scolaires. Le Maroc LAgence franaise de dveloppement (AFD) ralise un programme de codveloppement au Maroc dun montant total de 3,8 millions, dont 1,5 million sur financement de la Commission europenne. Le programme a pour objet dappuyer des investissements personnels ou collectifs, techniques et financiers des Marocains rsidant ltranger (MRE) dans lintrt conjoint du Maroc et des migrs. Deux projets sont en cours au Maroc. Le premier, dun cot de 1,4 million deuros, qui sintgre dans un projet de promotion touristique et de dveloppement local communautaire dans la rgion de Taroudannt, consiste en la cration de gtes ruraux. LAgence de dveloppement social, tablissement public marocain, est loprateur responsable de lexcution du volet tourisme rural. Il valide les villages dintervention (un gte par village), value les dossiers des MRE, vrifie la ralit des apports financiers des migrants et assure le suivi de lexcution des projets. Louverture dun gte mobilise la communaut villageoise dans son ensemble. Une ONG marocaine, Migrations et dveloppement, se charge de la sensibilisation et du suivi des MRE volontaires. Le deuxime projet consiste faciliter la cration de PME par des migrants rsidant ltranger. Ces investissements sont orients vers des secteurs conomiques prioritaires mais non exclusifs, tels que llectronique, la bio-ingnierie, les technologies de linformation et de la communication, le multimdia et les technologies lies lenvironnement et la sant. Les promoteurs reoivent un soutien financier sous forme dune subvention verse la socit en remboursement des factures. Cette aide ne peut dpasser le tiers des dpenses prvisionnelles ligibles dans la limite dun plafond de 150 000 euros. Loprateur du volet PME est le fonds dinvestissement marocain Sindibad, manation de la Caisse des dpts et gestion marocaine et de la Caisse des dpts et consignations franaise. Les crdits sont confis au fonds qui slectionne les projets retenus, et verss au porteur de projet, sous forme de subvention, titre de dotation initiale facilitant le dmarrage de lentreprise. Jusqu prsent, deux socits ont t mises en place : une socit informatique, spcialise dans la conception de circuits intgrs et programmables (Lead Design SA), qui a cr au Maroc 18 emplois dingnieurs (dont plusieurs sont occups par des ingnieurs rentrs de France ou des Etats Unis) et prvoit den crer encore une dizaine. Une deuxime socit (SN2B) met en uvre une technologie innovante pour conforter les soubassements douvrages et de btiments menacs de ruine. Le plan de dveloppement de cette socit prvoit la cration au Maroc de deux emplois dingnieurs et de dix emplois douvriers qualifis. Une troisime socit est en voie de cration dans le domaine des biotechnologies et huit autres dossiers sont en cours dinstruction. Le Sngal Un deuxime programme a t adopt pour 2005-2006 par le Comit mixte franco-sngalais pour le codveloppement et les migrations. Il comporte trois volets : - Cofinancement de projets raliss dans leur village ou rgion dorigine par des associations sngalaises de France. Des projets de nature trs varie (cole, centre de sant, petit barrage agricole, adduction deau, etc.) pourront bnficier dun financement allant jusqu 70 %. Une participation de lassociation et des bnficiaires reprsentant au moins 30 % du cot du projet est demande. - Financement de projets (essentiellement des missions et certaines dpenses logistiques) conus et raliss par les membres hautement qualifis de la diaspora sngalaise en France. Trois domaines prioritaires ont t dfinis : agroalimentaire, nouvelles technologies, et gestion. - Aides la rinsertion pour des Sngalais vivant en France, mais souhaitant rentrer au Sngal pour y crer une activit cratrice de revenus (agriculture, artisanat, taxi, par exemple). Les porteurs de projets pourront obtenir une aide technique pour le montage de leur projet, une subvention de 4 000 7000 euros (2,5 5 millions de FCFA) selon la nature du projet et le degr de leur implication personnelle (un apport personnel de 30 % au minimum est demand), une formation, une aide la gestion pendant un an. La gestion de ce nouveau programme est dcentralise. Une cellule technique a t mise en place Dakar o sige le Comit de slection des projets. Les ONG et les entreprises Lassociation PS EAU (Programme solidarit eau), dj oprateur de programmes financs par la coopration au Mali et au Sngal, a lanc un programme appel VALEPRO qui appuie des projets de migrants originaires du Bnin, de la Guine, du Togo et de la Rpublique dmocratique du Congo avec laide dautres ONG, notamment belges. Par ailleurs, les groupes EDF et Total ont cr une socit conjointe en liaison avec des migrants maliens en France pour des projets dlectrification rurale dans le nord de la rgion de Kayes. Les migrants paient environ 70 % des abonnements de leurs parents bnficiaires rests au pays. Autre opration originale, avec une dimension de coopration Sud-Sud, le PADY, programme dappui au dveloppement de la rgion de Yelimane, toujours dans louest du Mali : labor linitiative de la ville de Montreuil, il associe plusieurs partenaires (le Mali, la FAO, Montreuil et la province vietnamienne de Hai Duong) et met disposition des experts sur le terrain. Le FORIM Le FORIM (Forum des organisations de solidarit internationale issues des migrations), association rgie par la loi de 1901 et cre en mars 2002 Paris, regroupe quelque 700 associations rseaux, fdrations et regroupements dOSIM intervenant dans une vingtaine de pays en Afrique, en Asie et aux Carabes. Ces associations sont engages dans des actions de dveloppement dans les pays dorigine et dans des actions dintgration et dinsertion dans les pays daccueil. Le FORIM est prsid par Chansamone Voravong, gographe la retraite dorigine laotienne. Il bnficie de subventions des ministres des Affaires trangres et de lEmploi et de la Cohsion sociale. On compte parmi les OSIM les plus actives le Haut conseil des Maliens de France. Pour soutenir les OSIM (Organisations de solidarit internationale issues de limmigration), le ministre dlgu la Coopration finance un Programme dappui aux projets des OSIM, intitul PRA/OSIM. Ce programme est un dispositif daccompagnement et de cofinancement des projets de dveloppement local ports par les OSIM de base hauteur de 50 % et plafonn 15 000 euros. Le budget total du projet ne doit pas excder 120 000 euros et doit concerner des pays de la Zone de solidarit prioritaire. Il sagit en majorit de pays africains (Afrique du sud, Algrie, Angola, Bnin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap Vert, Centrafrique, Comores, Congo, RD Congo, Cte dIvoire, Djibouti, Erythre, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guine, Guine Bissau, Guine quatoriale, Kenya, Libria, Madagascar, Maroc, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sao Tom, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie, Zimbabwe). Mais dautres zones gographiques sont concernes : le Pacifique (Vanuatu), le Proche-Orient (Liban, Palestine, Ymen), lAsie du sud-est (Cambodge, Laos, Vietnam) et les Carabes (Hati, Cuba, Rpublique dominicaine, Petites Antilles, Surinam). En 2005, le PRA-OSIM a bnfici dun financement de la coopration franaise de 300 000 euros, contre 105 000 euros lanne prcdente et 150 000 euros en 2003. | |||
Marie Joannidis et Isabelle Verdier | |||
|