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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

23/06/2006
Immigration : chaque pays sa politique

(MFI) Panorama des politiques dimmigration mises en uvre dans les huit Etats europens qui reoivent le plus dimmigrants africains : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, et Royaume-Uni.

LEurope mrite-elle son surnom de forteresse ?

LEurope na jamais pratiqu limmigration zro et reste une terre daccueil. Limpression contraire est donne par le renforcement de la lutte contre les clandestins. Mais lEurope reoit un nombre important dimmigrants au titre du regroupement familial ou du droit dasile. Ainsi, selon les chiffres dEurostat, lUnion europenne abritait, en 2004, 24,5 millions dtrangers, soit 4,5 % de la population totale. Un chiffre en hausse de 23,3 % par rapport 1995. Depuis 2000, limmigration augmente de 10 % par an dans lUE (2,5 millions dentrants par an), soit plus quaux Etats-Unis et au Canada runis. Cest en Allemagne que vit le plus grand nombre dtrangers 7,4 millions soit 8,9 % des habitants. La France en abrite 3,5 millions (5,6 % de la population), le Royaume-Uni 2,8 millions (4,7 %), lEspagne 2,7 millions (6,6 %), lItalie 2,2 millions (3,9 %), la Belgique 863 000 (8,3 %), les Pays-Bas 702 000 (4,3 %) et le Portugal 239 000 (2,3 %).
En terme de flux migratoires, la palme revient lEurope du sud qui, de rgion dmigration, est devenue une rgion dimmigration. Ces dix dernires annes, la population trangre a t multiplie par deux en Italie, par trois en Espagne, par sept au Portugal. Dans les cinq autres pays tudis ici, le flux migratoire se stabilise, voire baisse. En chiffres absolus, cest cependant lAllemagne qui accueille le plus grand nombre de nouveaux migrants (+ 601 000 en 2003). Cette spcificit de lEurope du sud sexplique par sa proximit gographique avec des rgions dmigration, son besoin de main duvre et des rgularisations rcentes qui ont lgalis des milliers de clandestins.


Politique commune et domaines rservs

Si limmigration est un thme de dbat partout en Europe, elle ne relve toujours pas de la comptence pleine et entire des instances communautaires. Certes lUnion europenne a adopt de nombreuses directives sur le regroupement familial, les conditions dexpulsion, le droit dasile etc., celles-ci devant tre transposes par chaque Etat membre dans leur lgislation nationale. Entr en vigueur en 1999, le trait dAmsterdam ambitionne de dvelopper une politique commune de limmigration. Mais cela se fait trs lentement. Cependant des ralisations voient le jour : Agence europenne pour la surveillance des frontires ; espace Schengen, qui prvoit la libre circulation de tout titulaire dun visa entre les 15 pays membres (13 de lUnion, plus lIslande et la Norvge. Sur les huit pays tudis, seul le Royaume-Uni nen fait pas partie) ; budget de 30 millions deuros pour des vols retours (expulsions) communs Globalement, les lgislations nationales sont harmonises en matire de contrle des frontires et de droit dasile. Par contre, le regroupement familial, laccueil des nouveaux migrants et les politiques dintgration restent des domaines dans lesquels les dcisions sont prises lunanimit et constituent la chasse garde des Etats. Dans ces domaines, tout dpend encore en grande partie des besoins conomiques, des traditions historiques, de lvolution dmographique, de la couleur du gouvernement

Lois sur limmigration

Plusieurs pays ont rcemment adopt de nouvelles lois sur limmigration : la France a prsent un nouveau projet en mars 2006, les Pays-Bas en mars 2006, lAllemagne en janvier 2005, le Royaume-Uni en novembre 2002 et lItalie en juillet 2002. Si ces lois prsentent des diffrences techniques, toutes obissent peu ou prou la mme philosophie : durcir les conditions dimmigration (multiplication des procdures, contrle strict des mariages mixtes, titres de sjour moins longs), davantage slectionner ceux qui pourront sjourner dans le pays, mais aussi mieux intgrer les trangers. En filigrane de ces rformes : la situation de lemploi, limpratif de lutte contre le terrorisme depuis les attentats du 11 septembre, et une interrogation sur le modle multiculturel suivi depuis des annes, sans ngliger des considrations plus lectoralistes.

Causes dimmigration en Europe

Outre lasile politique, lemploi, les tudes et la famille sont les principaux motifs dimmigration. Mais dans des proportions et des conditions variables dun pays lautre. Ainsi le mariage et le regroupement familial reprsentent 73 % des permis de sjour en France, contre 20 % au Portugal. Quant au travail, il est lorigine de 21 % des entres au Royaume-Uni, mais de 68 % en Espagne. En Grande-Bretagne, 47 % des 360 000 titres de sjour accords en 2003 tiennent des raisons familiales. En France, sur 128 000 nouvelles entres, 25 420 lont t dans le cadre du regroupement familial (un chiffre stable depuis sept ans) et 77 230 suite au mariage avec un Franais. Contrairement une ide reue, le regroupement familial concerne rarement des familles nombreuses, mais le plus souvent le seul conjoint, parfois avec un enfant.

Regroupement familial

Le regroupement familial obit peu prs aux mmes rgles partout. Le demandeur doit rsider dans le pays depuis un an, disposer de revenus suffisants et dun logement assez spacieux, et il peut accueillir son conjoint, ses enfants mineurs et ses parents si ces derniers ont plus de 65 ans et ne disposent pas de moyens dexistence. En pratique, la venue de parents reste exceptionnelle. La rupture de la vie commune dans les trois ans entrane le non-renouvellement du titre de sjour pour la famille. Autour de ce cadre gnral, chaque pays est plus ou moins strict. Ainsi lAllemagne nexige que trois mois de rsidence pour le demandeur, mais enfant mineur sentend par moins de 16 ans, et non pas moins de 18 ans comme ailleurs. En la matire, le plus gnreux est le Portugal qui tend la mesure aux moins de 21 ans. Le Royaume-Uni exige deux ans de rsidence avant dautoriser le regroupement familial ; la France 18 mois, selon la loi Sarkozy. Une loi qui prvoit galement daccorder une carte de rsident de dix ans au conjoint dun Franais aprs trois ans de mariage et non plus deux et condition que celui-ci justifie de son intgration. A noter que le Portugal exige que le couple soit mari ; ailleurs, on parle de conjoint et de vie commune. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni, de leur ct, sont les deux seuls autoriser le regroupement familial pour les homosexuels. Dernire spcificit : la Belgique et les Pays-Bas incluent les prestations sociales dans le calcul dun revenu suffisant pour faire venir sa famille. Dans les six autres pays, seuls les salaires sont considrs.

Immigration de travail

En matire de travail, les pays europens calquent leur politique migratoire sur leurs besoins conomiques. On retrouve, de ce fait, une csure entre pays du sud et du nord. Ainsi, le Portugal qui connat un faible taux de chmage, manque de bras dans lagriculture et sest lanc dans un vaste programme dinfrastructures autorise la recherche de travail, une fois tabli dans le pays. Nouveaut au pays du fado : larrive massive dEuropens de lest, Ukrainiens et Moldaves en tte. LEspagne aussi accepte que les trangers cherchent du travail une fois entrs lgalement dans le pays. Sur les 429 000 migrants admis dans la pninsule en 2003, 291 700 lont t fin professionnelle. Quant lItalie, elle dfinit des quotas par secteur dactivit en accord avec les syndicats patronaux. En 2005, 160 000 visas de travail ont ainsi t dlivrs.
Les conditions sont beaucoup plus strictes dans les cinq autres pays o limmigration de travail reprsente environ 20 % des titres de sjour longue dure. La rgle est que le candidat au dpart doit dj tre titulaire dun contrat de travail pour obtenir son visa, et il doit tre prouv que cet emploi ne peut pas tre occup par une personne dj rsidente dans le pays. En pratique, les travailleurs peu ou pas qualifi nont aucune chance dobtenir un visa de travail. Des assouplissements existent cependant dans les secteurs o lEurope peine recruter, comme la construction ou lhtellerie. Londres dfinit ainsi chaque anne un quota pour les emplois non-qualifis par branche dactivit, suite une commission patronat/pouvoir public. LAllemagne se singularise avec ses presque 500 000 visas de travail accords en 2003, mais 75 % correspondent des emplois saisonniers (trois mois). Par contre, un indpendant peut sinstaller outre-Rhin sil y investit un million deuros et cre dix emplois. Ct franais, 15 740 visas ont t accords des saisonniers (dans lagriculture) en 2004, et 6 700 des travailleurs permanents (pour moiti des cadres).

Attirer les trangers qualifis

La tendance nouvelle est aux migrations de comptence : on cherche attirer des trangers qualifis, notamment en mdecine ou en informatique. Londres a ainsi cr, ds janvier 2002, le Highly Skilled Migrant Programm qui accorde une autorisation de sjour de cinq ans renouvelable des mdecins, des ingnieurs, des enseignants, des infirmires Le principe est le mme en Allemagne o lon parle de carte verte . En France, la loi Sarkozy distingue les visas en fonction du contrat : saisonnier, temporaire (moins dun an) et salari (plus dun an). Mais elle inaugure aussi une carte Comptences et talents, valable trois ans renouvelable, pour faciliter laccueil des trangers dont le talent constitue un atout pour le dveloppement et le rayonnement de la France . Cette carte sadresse aux trangers les plus diplms qui souhaitent travailler ou tudier dans lHexagone. Des pays en dveloppement africains notamment ont dnonc dans cette option un risque de pillage des cerveaux .
Malgr ces rgles nouvelles et la fin officielle de limmigration de travail dans les annes 70, tous les pays europens reconnaissent que la main duvre trangre est vitale pour leur conomie. Mais lemploi et les craintes de dumping social sont des sujets sensibles. Les ressortissants des dix pays entrs dans lUnion europenne en mai 2004 dont les exigences salariales sont moindres nont pas encore le droit de travailler o ils le souhaitent dans lUE. On conoit donc que les difficults sont accrues pour ceux qui viennent dailleurs. Certains pays ont cependant conclu des accords particuliers, selon des critres linguistiques ou historiques notamment. Ainsi la moiti des nouveaux entrants au Royaume-Uni sont originaires du Commonwealth ; la moiti des migrants au Portugal venaient avant le flux dEurope de lest du Brsil et des pays africains lusophones (Angola, Mozambique, Cap-Vert, Guine-Bissau). LItalie a aussi des accords migratoires privilgis avec la Roumanie, lAlbanie, le Maroc et la Tunisie.
Depuis 2000, lEurope a accueilli 20 % dtudiants trangers (hors-UE) en plus. La France, lAllemagne et le Royaume-Uni sont les principales destinations. Outre des liens historiques, notamment avec les anciennes colonies, lobjectif avou est quun cadre, une fois revenu chez lui, poursuivra des relations daffaires avec le pays o il a fait ses tudes. Son approche diffrente des problmes, ses connaissances linguistiques, ses relations dans son pays dorigine constituent aussi des avantages pour une entreprise europenne qui lembaucherait au terme de ses tudes. On reste donc dans une conception utilitariste de limmigration.

Droit dasile

Il sagit dun domaine dans lequel lUnion europenne est largement intervenue, en particulier par le rglement dit Dublin II, du 18 fvrier 2003, qui dfinit le pays responsable de la demande dasile, les conditions daccueil, les normes pour prtendre au statut de rfugi LUE a introduit deux ides nouvelles : celle de la prsence illgale tolre mise luvre par exemple avec lexistence du centre daccueil de Sangatte, entre 1999 et 2002 ; et celle de la protection subsidiaire qui prvoit une aide des personnes menaces dans leur pays, sans pour autant rpondre la dfinition du rfugi prvue par la convention de Genve. Cette dernire voque le cas de personnes risquant dtre perscutes par les autorits de leur pays, en raison de leur religion, de leurs opinions, de leur race, de leur nationalit ou de leur groupe social. La protection subsidiaire est plus large puisquelle prvoit laccueil de ceux qui risquent dtre condamns mort, torturs ou victimes de traitements inhumains. Outre des autorits, la menace peut aussi venir de groupes non-tatiques, comme une autre ethnie, une communaut religieuse voire une mafia (pour les victimes de traites) De nouvelles causes sont introduites, telle lorientation sexuelle ou le risque dexcision. Cette notion de protection subsidiaire a t reprise dans la lgislation franaise, nerlandaise, britannique, belge, allemande et italienne. Si la notion est plus large, elle ouvre cependant moins de droits que le statut de rfugi. Ainsi en France, ses bnficiaires se voient accorder une carte de sjour dun an contre dix ans pour les rfugis et leur situation est rexamine tous les douze mois.
Le nombre de demandes dasile a augment de 42 % en Europe entre 1995 et 2002. Le Royaume-Uni, par exemple, est pass de 20 000 demandes en 1995 110 000 en 2002. Ces trois dernires annes, les candidatures ont cependant partout diminu, sauf en France. La France qui, avec 65 600 demandes en 2004, est le premier pays daccueil au monde, devant les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Cette baisse, ailleurs en Europe, sexplique tant par la conjoncture internationale telle la fin de la guerre dans les Balkans que par un durcissement des conditions daccueil : procdures plus longues, aides sociales revues la baisse, examens plus sourcilleux des demandes Les pays europens estiment que beaucoup de demandeurs fuient leur pays pour des raisons conomiques et non pas politiques. Ainsi quiconque aura pass six mois dans un pays sans risque avant datteindre lUE verra sa demande rejete. En outre, le taux dacceptation est faible : de 24 % au Pays-Bas 14 % en France en passant par 19 % au Royaume-Uni. LEspagne et le Portugal sont moins concerns par ce dbat, ne recevant que peu de demandes dasile.

Quelle politique contre limmigration clandestine ?

Laide rclame fin mai 2006 par lEspagne la Commission europenne pour endiguer lafflux de migrants africains aux les Canaries illustre toute la problmatique de limmigration clandestine : sa hausse rapide, sa dimension europenne, les rponses, soit rpressives, soit humanitaires, et le besoin de collaborer avec les pays de transit et dorigine des clandestins. Les immigrs illgaux sont de plus en plus nombreux depuis les annes 80, tant cause des difficults conomiques dans leur pays que du fait du durcissement des conditions daccueil. Les chiffres sont prendre avec prudence, mais on valuait ces dernires annes les clandestins 1,6 million en Espagne, entre 700 000 et un million en Allemagne, 600 000 en Italie, 430 000 en Grande-Bretagne, entre 250 000 et 400 000 en France, 200 000 au Portugal, 160 000 aux Pays-Bas et 90 000 en Belgique. En 2004, 164 000 immigrs illgaux ont t interpells aux frontires est de lEurope (Turquie, Ukraine, Hongrie) et 12 000 le sont chaque anne entre lItalie et la France.
Suite aux nouveaux afflux enregistrs en 2006 aux les Canaries, dix pays devaient dpcher des patrouilleurs, des avions et des hlicoptres pour contrler les ctes des Canaries, dans le cadre de lAgence europenne de surveillance des frontires. Limmigration illgale revt un enjeu communautaire puisquun clandestin qui arrive dans un pays entre en ralit en Europe. Les Etats europens partagent ici la mme proccupation, do une politique commune plus aise mettre en oeuvre. Bruxelles a adopt plusieurs instruments juridiques en la matire : sur lorganisation de charters communs, sur la reconnaissance mutuelle dune dcision dexpulsion entre les Etats membres de lUnion ; sur la surveillance commune des frontires... Leffet de vases communicants est certain. Lorsque le contrle de la frontire a t renforc aprs les vnements tragiques des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, lautomne 2005, le dbarquement de clandestins a augment de 67,9 % sur les ctes italiennes.
Depuis la fin des annes 90, quasiment tous les pays europens ont renforc leur lgislation contre limmigration clandestine. Ce qui tait une infraction est devenu un dlit. Les peines ont t alourdies, non seulement contre les clandestins mais aussi contre leurs employeurs et les transporteurs, que ces derniers agissent volontairement (passeurs) ou non (compagnies ariennes). Le projet de loi Sarkozy abroge la rgularisation automatique des clandestins aprs dix ans de sjour en France, comme ctait le cas auparavant, estimant que ce serait encourager la clandestinit. Deux logiques sopposent ici : celle dOng et de certains partis politiques pour qui les clandestins sont avant tout les victimes dune dtresse conomique, de passeurs mafieux, demployeurs vreux ; et celle qui voit en eux une menace contre la scurit publique et lemploi. Seul Lisbonne affirme aujourdhui que la lutte contre limmigration illgale ne constitue pas, pour lui, une priorit. Madrid affirmait la mme chose lanne dernire.

Reconduite la frontire

Dans les huit pays tudis ici, la dcision de reconduite la frontire nest pas prise par un juge, mais le plus souvent par une autorit administrative (prfet, ministre de lIntrieur...). Seule lItalie prvoit quun magistrat valide la lgalit de lexpulsion qui ne peut tre excute avant, tandis quen France larrt de reconduite peut aussi faire lobjet dun recours auprs du tribunal administratif, qui peut annuler lexcution de la dcision. Les possibilits de recours sont limites, voire nulles en Allemagne et au Royaume-Uni o la personne expulse ne peut agir que revenue dans son pays, le renvoi ntant pas considr comme une sanction, mais comme lapplication dune dcision administrative. La France distingue quant elle la non-admission sur le territoire (la personne est cense ntre pas entre sur le territoire franais, dans ce cas elle fait lobjet dune non-admission qui implique un rapatriement) et lloignement du territoire (la personne est entre sur le territoire franais : dans ce cas, elle fait lobjet dune reconduite). De plus, il faut prciser que les centres de rtention sont spcifiques la France : dans la plupart des autres Etats membres, il sagit de dtention et non pas de rtention. Des Ong dnoncent les expulsions manu-militari et labsence de juge, pointant le fait que certains clandestins pourraient bnficier du droit dasile. La France a procd 20 000 reconduites la frontire en 2005, soit le double quen 2002 ; lItalie 40 000 ; le Royaume-Uni 50 700 (dont 72 % de refoulement la frontire), lAllemagne 80 000 (dont 56 % de refoulement), lEspagne 11 000, et la Belgique 6 600 expulsions. Une personne reconduite la frontire ne peut pas solliciter un nouveau titre de sjour pendant une priode allant de cinq dix ans selon les pays.

Rgularisations

Les pays europens ont presque tous procd des rgularisations massives dimmigrs. Le dernier en date est lEspagne qui a accord des titres de sjour 700 000 clandestins en mai 2005. LItalie a fait de mme en 2002 et en 1998 (plus de 930 000 trangers concerns en tout), et prvoit de rgulariser environ 400 000 nouvelles personnes en 2006, la France en 1998 aussi pour 156 000 clandestins, le Portugal en 1996 et 2001, la mesure concernant 180 000 personnes. Quant la Belgique, elle rgularise la situation denviron un millier de clandestins chaque anne. Seule lAllemagne na jamais procd des rgularisations grande chelle. Plusieurs arguments sont avancs en faveur de ces rgularisations : lutter contre lconomie souterraine, contre les mafias exploiteuses de main duvre, restaurer la dignit de personnes qui travaillent mais ne bnficient daucuns droits Mais la dernire rgularisation collective en Espagne a provoqu la colre des pays voisins qui estiment, dans un contexte politique tendu sur cette question, que ce genre doprations encourage limmigration clandestine, de nouveaux sans-papiers prenant la place des prcdents dans les emplois au noir. Comme lexplique Jean-Pierre Garson, de la division des migrations internationales lOCDE : Cela dcrdibilise la politique commune de limmigration. Derrire une apparence dunit, les Etats europens font ce quils veulent, sans prvenir leurs partenaires . Les autorits franaises, britanniques, belges et nerlandaises assurent cependant que le temps des rgularisations massives est termin.

Aide au retour

La lutte contre limmigration clandestine passe aussi par une coopration avec les pays de dpart. Pour que ceux-ci reconnaissent leurs ressortissants sans papiers en cas dexpulsions; pour les inciter mieux contrler les candidats lexil ; mais aussi dans la perspective dun traitement de fond des problmes de dveloppement dans les pays dorigine (aide au dveloppement). Cest ce quoi correspond le plan Afrique lanc par lEspagne en mai 2006, lobjectif tant de tarir le flux migratoire la source. Les pays europens proposent aussi une aide au retour volontaire. La France met en uvre depuis plusieurs annes la formule originale du codveloppement, qui a pour but la rinsertion des migrants dans leurs pays dorigine par la cration de projets de dveloppement cibls, financs en partie par des migrants vivant rgulirement en France. Elle dispose galement de programmes de retour volontaire pour des migrants en sjour irrgulier.

Lintgration

Lintgration est le domaine le moins communautaire et le moins rglement. Lide dintgration dpend de la culture, de lhistoire, de la composition dmographique de chaque pays, et ne peut tre rglemente comme loctroi de visas. Elle ne se limite pas non plus la lutte contre le racisme. Sur ce dernier point au demeurant, tous les Etats europens ont adopt une lgislation condamnant la discrimination raciale, les incitations la haine. Plusieurs ont aussi institu des organismes chargs de laccueil des trangers, de leur adaptation conomique, des relations entre les communauts On peut citer ple-mle la Commission for Racial Equality en Grande-Bretagne, le Haut Conseil lIntgration en France, la Commission royale pour la politique dimmigration en Belgique, la Haute Commission pour limmigration et les minorits ethniques au Portugal.
En matire dintgration, on note une double csure en Europe. Une csure nord-sud : en Espagne, au Portugal, et dans une moindre mesure en Italie, limmigration tant un phnomne relativement rcent, le dbat sur lintgration est moins houleux. Ce qui se passe plus au nord est cependant attentivement observ. Des Ong au Portugal sinquitent dj du fait que les Ukrainiens arrivs rcemment sont souvent mieux accepts que des Africains installs de longue date.
Autre csure, sur le modle dintgration : le Royaume-Uni ne lie pas la citoyennet la nationalit, comme cest le cas en France. Lexistence de groupes ethniques minoritaires est explicitement reconnue. Cest lide dune socit diffrencie contre une socit universelle, le vivre les uns -ct des autres contre le vivre ensemble la franaise. Et de nombreux dbats tournent autour des processus de promotion des minorits trangres, voire des minorits visibles , la notion de discrimination positive tant par exemple trs conteste. De mme, la Grande-Bretagne sinterroge sur son systme aprs les attentats de Londres de juillet 2005, commis par des jeunes Britanniques, pour certains ns dans le pays. Idem au Pays-Bas aprs lassassinat du cinaste Tho Van-Gogh par un fanatique, furieux de son film portant sur la condition des femmes musulmanes.
Le revirement le plus spectaculaire est celui des Pays-Bas qui, il y a peu encore, favorisait le communautarisme, employait des interprtes dans les coles et les administrations, diffusait des programmes tlviss en arabe, en kurde et en indonsien. La nouvelle loi sur limmigration (mars 2006) impose dsormais des cours de langue et de culture nerlandaise tout candidat limmigration. Les missions en langue trangre ont t supprimes. Les mairies dAmsterdam et dUtrecht imposent de parler hollandais dans les lieux publics et suppriment les allocations-chmage aux femmes portant la burqa lors dentretiens dembauche.
En France, le projet de loi Sarkozy prvoit que tout nouvel migr dsirant stablir durablement en France devra sengager suivre une formation linguistique et civique pour se conformer aux principes de la Rpublique franaise . Le Contrat daccueil et dintgration (CAI) devient obligatoire. Ce contrat prvoit huit heures de prsentation des valeurs, des droits et des devoirs de la Rpublique ainsi quune formation linguistique (entre 200 et 500 heures) pour ceux qui en ont besoin. Cr en 2003, ce contrat tait dj sign par 87,1 % des bnficiaires potentiels.
Au Royaume-Uni, en Belgique et en Allemagne, tout tranger envisageant de sinstaller dans le pays a lobligation de prendre des cours de langue, et un parcours dintgration lui est propos, expliquant notamment les valeurs et le fonctionnement administratif du pays. Le systme cependant reste flou. Les cinq pays nordistes tudis se dbattent aujourdhui entre leur souci de respecter les minorits et les religions, leur sentiment dtre all trop loin dans lide de socit multiculturelle, leurs impratifs de scurit et de paix sociale, leur besoin de main duvre trangre. Difficile aussi de dfinir des valeurs communes : ce serait la lacit, lgalit homme-femme, le respect des droits humains fondamentaux Le problme est videmment que lintgration ne se dcrte pas ; au mieux elle se favorise.
Economique, culturelle, sociale, lintgration peut aussi tre politique. L encore, lEurope est divise. Le droit de vote aux lections locales est accord tous les ressortissants de lUnion europenne. Les Pays-Bas et la Belgique le concdent tout tranger rsidant depuis cinq ans sur leur territoire. La Grande-Bretagne ladmet pour les originaires du Commonwealth, lEspagne et le Portugal tous les trangers installs dans le pays depuis trois ans sous rserve de rciprocit. La France, lAllemagne et lItalie le rservent leurs seuls nationaux. Plusieurs lnder allemands ont cependant cr des conseils consultatifs dtrangers, et des pays ont rig comme lItalie au niveau notamment des municipalits des conseils statut consultatif. Le dbat anime rgulirement la classe politique europenne, au-del des clivages droite-gauche.


Naturalisation

La dmarche ultime dintgration est videmment la naturalisation. A lexception du Portugal, les pays europens suivent le droit du sol. La nationalit sacquirent par le mariage aprs, selon les pays, de un quatre ans de vie commune. Plusieurs pays dont la France, les Pays-Bas, lAllemagne et le Portugal exigent en outre du conjoint une volont dadhsion lEtat quil rejoint sans que le mode de vrification de cette volont ne soit clairement tabli. Les enfants de parents trangers acquirent la nationalit de leur pays de naissance selon des modalits qui varient : en Allemagne, lun des deux parents au moins doit tre rsidant depuis huit ans ; Paris, il devient franais sil a vcu au moins cinq annes dans lHexagone depuis ses 11 ans, moins que lun de ses deux parents soit n en France auquel cas il est franais ds la naissance ; en Belgique et au Pays-Bas, il suffit que le pre ou la mre soit titulaire dun titre de long sjour, sans prcision de dure
La naturalisation par dcret suppose partout en Europe de parler la langue du pays, de ne pas avoir t condamn pnalement, de disposer de revenus suffisants et dtre rsidant sur le territoire selon des dures qui varient de cinq dix ans. Au Portugal, la dure de dix ans est ramene six pour les ressortissants de pays lusophones. Les intresss doivent aussi renoncer leur nationalit dorigine, sauf exception. En matire de naturalisation aussi, la tendance est vrifier la volont et la capacit dadaptation la socit du pays daccueil. Ainsi au Pays-Bas, la loi rcente introduit un test de naturalisation pour vrifier si le demandeur connat non seulement la langue, mais aussi la socit batave. Au Portugal et en Belgique, il faut prouver un lien fort avec le pays, lapprciation de ce lien tant laiss la discrtion de ladministration. LAllemagne exige la promesse de respecter lordre constitutionnel dmocratique et de faire allgeance au pays, cet acte dallgeance tant, dune rgion lautre, un simple formulaire administratif ou un questionnaire complexe. En France enfin, le projet de loi Sarkozy cre, sur le modle canadien, une crmonie daccueil dans la citoyennet franaise . Celle-ci existe dj en Grande-Bretagne, lide tant, pour reprendre lexpression dun responsable politique, qu on ne reoive plus son dcret de naturalisation comme on reoit sa facture de gaz . En 2004, 168 826 personnes ont acquis la nationalit franaise, soit 17 % de plus quen 2003, mais 3 000 se la sont vus refuse pour dfaut de matrise linguistique. La moiti de ces nouveaux Franais sont dorigine maghrbine, et ils vivaient en moyenne depuis 17 ans dans lHexagone.

Synthse ralise par Jean Piel

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