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21/07/2006 | |||
Questions internationales / Proche-Orient (1) Palestine : lquation du pouvoir | |||
(MFI) Si la violence croissante dans la rgion le permet, un rfrendum devrait se tenir le 26 juillet pour dcider de lorganisation politique dans les territoires palestiniens, et de la conduite ou non de ngociations de paix avec Isral. Le processus tmoigne de la ncessit de trouver une formule institutionnelle pour la Palestine. | |||
Pourquoi la situation politique apparat-elle bloque en Palestine ? En remportant contre toute attente les lections lgislatives le 25 janvier 2006, le Hamas a boulevers le paysage politique palestinien, domin depuis plus de trente ans par le Fatah de Yasser Arafat. Signe de vitalit dmocratique, cette alternance constitue plus, aux yeux des observateurs, un rejet du vieux parti historique quune adhsion des lecteurs aux discours radicaux et la religiosit du parti religieux. En effet, le Fatah se voit reprocher sa corruption gnralise, sa division en de multiples chapelles et guerres de chefs, sa mauvaise gestion et surtout son incapacit crer un Etat palestinien au terme de ngociations avec Isral, comme le prvoyaient les accords dOslo daot 1993. Sans Etat et confronts des problmes sociaux croissants, les Palestiniens, plutt lacs habituellement, ont fait le choix dun parti religieux , souligne le chercheur Jean-Franois Legrain. Un choix dautant plus facile que face la gabegie du Fatah, le Mouvement de la rsistance islamique apparat disciplin et rigoureux. La majorit des Palestiniens porte son crdit le retrait par Isral de la bande de Gaza en septembre 2005 : ainsi la lutte arme payerait plus que la ngociation. Enfin le Hamas a dvelopp depuis des annes un vaste rseau caritatif : coles, hpitaux, orphelinats Deux lgitimits sopposent ainsi : celle de Mahmoud Abbas, lu prsident de lautorit palestinienne en janvier 2005, compagnon de route de Yasser Arafat et partisan dune paix ngocie avec Isral ; et celle du Hamas, vainqueur des lgislatives de janvier 2006, dont la charte prne la destruction de lEtat hbreu et linstauration dune nation islamique dans toute la Palestine. La cohabitation se passe on ne peut plus mal. Dautant que le Fatah contrle ladministration et la police. Le Hamas qui a choisi comme Premier ministre le modr Ismal Haniyeh dirige donc un gouvernement auquel nobissent ni les fonctionnaires ni les policiers ! Sa mission est rendue encore plus difficile voire impossible par la suspension de laide financire des Etats-Unis et de lUnion europenne qui refusent dalimenter un mouvement ayant organis des dizaines dattentats contre Isral. De son ct, Tel-Aviv a cess de reverser aux autorits palestiniennes les droits de douane qui leur reviennent normalement et reprsentent 40 % du budget. Du coup, les coles et les hpitaux ne fonctionnent plus ; les 160 000 fonctionnaires palestiniens qui font vivre le quart de la population ne sont plus pays depuis mars. Les violences se multiplient entre partisans et groupes para-militaires des deux partis, au point que certains redoutent une guerre civile inter-palestinienne. Pour sortir de la crise, les prisonniers palestiniens dtenus en Isral qui jouissent dune immense popularit ont publi un document dentente nationale qui propose notamment un gouvernement dunion nationale et la cration dun Etat palestinien dans les frontires de 1967 (1). Fatah et Hamas peuvent-ils se rapprocher ? Si un programme politique commun est trouv, le Fatah devrait ordonner aux fonctionnaires de jouer le jeu sans pour autant exiger trop de ministres. Certes les ngociations en ce sens ont jusqu prsent chou, mais le Hamas peut tre amen au compromis. Ce dernier sait que, sans le soutien de ladministration et sans laide financire internationale, la situation va devenir explosive dans les Territoires, et quil serait le premier en ptir en tant que parti de gouvernement. Au demeurant, le Mouvement de la rsistance islamique a volu depuis sa cration en 1987. Hritier des Frres musulmans, son objectif premier tait lislamisation de la socit palestinienne ; la revendication territoriale tait alors secondaire. Ce nest quavec lIntifada que ses priorits sinverseront. De mme, si sa charte prvoit toujours la destruction dIsral, il est prt accepter une Palestine limite aux terres dtenues en 1967, au pralable vacues par les colons, dans le cadre dune trve sans limitation de temps avec lEtat hbreu. Ce dernier ne serait pas juridiquement reconnu, mais son existence admise de facto. Se prsenter aux lections ce quil avait refus jusquen 2005 oblige le Hamas dulcorer sinon son discours, du moins sa pratique. Diriger des municipalits dans les Territoires impose de ngocier avec les autorits israliennes, donc reconnatre quelles existent. Depuis un an enfin, le Hamas respecte le tahdia, le cessez-le-feu avec Isral. Sil inquite, le mouvement est donc en ralit capable de pragmatisme, dautant que la csure entre radicaux et modrs apparat de plus en plus marque. (1) Cest ce texte que Mahmoud Abbas a dcid, le 10 juin dernier, de soumettre rfrendum. J.P. Que prvoit exactement le texte du rfrendum ? (MFI) Etes-vous daccord, oui ou non, avec le plan des prisonniers palestiniens ? Cest la seule question laquelle devraient rpondre les lecteurs palestiniens le 26 juillet, supposer quil ait t maintenu, tant la violence actuelle, Gaza et en Cisjordanie comme au sud-Liban, rend incertaine la tenue du scrutin. Le texte en 18 points propose la constitution dun gouvernement dunion nationale, assorti de mcanismes pour viter de futures crises internes. Il raffirme le rle central, pour ngocier lavenir de la rgion, de lOLP (Organisation de libration de la Palestine) prsid par Mahmoud Abbas, dont le Hamas nest pas membre. Il dfend la cration dun Etat palestinien dans les frontires de 1967, savoir la bande de Gaza et la Cisjordanie, avec Jrusalem-Est pour capitale. Le texte suggre que la rsistance arme soit cantonne ces territoires, ce qui signifie un arrt des attaques et attentats en Isral. Enfin il fait rfrence linitiative de la Ligue arabe qui envisage une normalisation des relations avec Isral si son territoire revient dans les limites davant la guerre des Six-Jours. En reconnaissant implicitement lEtat hbreu, ce texte des prisonniers palestiniens est clairement inspir par le Fatah, lequel a tout gagner de ladoption du texte. Il reviendrait aux affaires via le gouvernement dunion nationale et imposerait sa politique de paix ngocie. Le son de cloche est tout autre du ct du Hamas. Celui-ci est contre le rfrendum par principe, quil qualifie de coup dEtat dnigrant le rsultat des lections lgislatives . Il est aussi contre sa rdaction. La perspective de gouverner avec un Fatah jug dcadent ne le sduit gure. Surtout, il ne reconnat pas lexistence dIsral et reste favorable la lutte arme. Cependant des divisions se font jour au sein du mouvement. Les plus radicaux autour du n 1 du Hamas, Khaled Meshal, qui vit en exil Damas nentendent pas changer de ligne. Dautres, plus modrs, estiment que le parti doit faire preuve de pragmatisme maintenant quil est aux affaires. Ils connaissent en outre la popularit des prisonniers palestiniens dans les Territoires. Selon les sondages, 75 % des lecteurs seraient favorables au rfrendum. | |||
Jean Piel | |||
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