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01/09/2006
Spcial Sommet de la Francophonie - Bucarest 2006
Le nouveau visage de lOrganisation internationale de la Francophonie


(MFI) Vingt ans aprs le premier sommet runi Versailles, la XIe Confrence des chefs dtat et de gouvernement des pays ayant le franais en partage a lieu Bucarest, en Roumanie. Un pays qui entra en contact avec la langue franaise voici deux sicles, et qui fut le premier des treize pays dEurope centrale et orientale admis au sein de la Francophonie. Le fait que lOIF se runisse pour la premire fois de son histoire dans une capitale dEurope de lEst met en lumire le nouveau visage dune organisation qui a profondment volu, du point de vue de sa composition comme de ses ambitions.

La Roumanie est le premier pays de lEurope centrale et orientale avoir t choisi comme hte dun Sommet des chefs dEtat et de gouvernement ayant le franais en partage. Avec sa spcificit de pays la fois membre de lOIF et de pays qui obtiendra, le 1er janvier 2007, le statut de membre de lUE, la Roumanie entend jouer un rle de pilier rgional dans la structure des pays francophones europens. En quelques mots, le prsident roumain Traian Bsescu, en page daccueil du site (1) que la Roumanie consacre au Sommet de Bucarest des 28 et 29 septembre 2006, met laccent sur le message essentiel de la Confrence, au-del de son thme Technologies de linformation dans lducation : la Francophonie se vit aussi lest de lEurope, et cette ralit europenne peut, du fait de la double appartenance lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) et lUnion europenne (UE) de certains des nouveaux membres, se rvler un atout majeur pour renforcer linfluence francophone.
En effet, lvnement de la XIe Confrence des chefs dtat et de gouvernement des pays ayant le franais en partage, cest sa localisation : vingt ans aprs le premier sommet Versailles (1986), le fait que les francophones se retrouvent dans une capitale dEurope de lEst met en lumire le nouveau visage dune organisation qui a profondment volu, du point de vue de ses membres comme de ses ambitions.


Francophonie post-coloniale et francophonie post-sovitique

Forte sa naissance, en 1970, de 21 membres dont 13 africains le continent de trois des cinq pres fondateurs, le Sngalais L.S. Senghor, le Tunisien H. Bourguiba et le Nigrien H. Diori tant son berceau historique , la Francophonie a dabord largement recrut au sud : au 1er janvier 1990, elle comptait 39 membres dont 25 africains. La dernire dcennie du XXe sicle marque un tournant pour lorganisation, qui sduit alors bien au-del de son bassin dorigine : elle accueille dsormais 63 membres, dont 29 sont africains. La Francophonie des annes soixante-dix, souligne un expert de lorganisation, tait post-coloniale au sens o elle runissait, pas uniquement mais principalement, danciens colonisateurs (France et Belgique) et danciens coloniss, pour la plupart africains. Pendant vingt-cinq ans, la Francophonie a vcu un fait culturel le partage de la langue franaise comme un atout pour mieux cooprer, pour mieux dvelopper les pays membres du Sud.
En 1989, la chute du Mur de Berlin suivie de la disparition de lURSS ouvre la voie une francophonie post-sovitique : les pays dEurope de lEst et centrale, librs de la tutelle communiste et soucieux de se dsenclaver, cherchent de nouvelles portes dentre pour agir linternational. Des 24 nouveaux membres accueillis par lOIF entre 1990 et 2005, 13 sont issus de cet espace europen o la langue franaise porta longtemps les valeurs humanistes. Paralllement, le sommet de Hano, en 1997, en crant un secrtariat gnral particulirement charg daffirmer la prsence francophone sur la scne internationale et en le confiant lancien secrtaire gnral des Nations unies, lEgyptien Boutros Boutros-Ghali, marque le passage dune Francophonie culturelle et de dveloppement une Francophonie politique, une Francophonie dinfluence. Dans une mme logique de rationalisation des structures et de renforcement de la visibilit internationale, la nouvelle Charte adopte en novembre 2005 Tananarive fait de lOIF lorganisation intergouvernementale unique de la Francophonie.


LOIF, un acteur politique reconnu et sollicit

Aujourdhui, nul ne songe contester que lOIF est dsormais un acteur politique reconnu et sollicit, particulirement aprs le rle jou dans deux pisodes rcents de la vie internationale. En 2003, lors du dclenchement de la guerre en Irak tout dabord : cest conforte par les francophones que la France put empcher que le recours la force soit autoris par le Conseil de scurit des Nations unies. En 2005, lors de la bataille autour de la Convention sur la protection et la promotion de la diversit des expressions culturelles, lUnesco, ensuite : cest en grande partie grce une mobilisation francophone de longue haleine que le texte fut enfin adopt. Une action qui sinscrit particulirement dans le projet francophone : Face une mondialisation protiforme et dshumanise qui anesthsie nos esprances, soulignait Genve en fvrier 2006 lactuel secrtaire gnral, Abdou Diouf, le projet de civilisation de luniversel construit par Lopold Sedar Senghor, dont nous ftons en cette anne 2006 le centime anniversaire de la naissance, reprend tout son sens, sa pertinence, son actualit. Il nest plus seulement sduisant, il est devenu ncessaire.() Des enceintes telles que la Francophonie peuvent tre le lieu o recrer un multilatralisme positif, suscitant des cooprations et des coordinations plutt que des antagonismes. En effet, les problmes peuvent sy dbattre sans faire intervenir demble des relations de pouvoir et de domination.

Les membres europens de lOIF peuvent accrotre sa capacit dinfluence

Si les nouveaux entrants trouvent ainsi dans la Francophonie une enceinte plus dmocratique que lactuel systme international, lorganisation peut en retour, grce ces nouveaux membres, accrotre sa capacit dinfluence. Nous avons besoin, affirmait Abdou Diouf le 20 mars 2006 Bucarest, dune entre russie et fructueuse de votre pays dans lUnion europenne. Nous avons besoin dune Roumanie vivante, active, crative et militante de la Francophonie dans lUnion europenne. () LOIF compte actuellement 11 Etats membres de lUnion europenne (2), et bientt 13, et pas moins de 21 membres de lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe. Avec la Roumanie et ses voisins membres de notre organisation, membres ou proches de lUnion europenne, on mesure limportance de la dimension europenne de la Francophonie. Lucide sur ses moyens somme toute limits, lOIF et avec elle ses membres les moins dvelopps a tout gagner peser davantage au sein de lUnion europenne, notamment parce que celle-ci est le premier bailleur de fonds mondial. Mais aussi parce que lavenir du franais comme langue internationale se joue en partie au sein de lUnion.

Une promesse et un dfi pour lorganisation elle-mme

Llargissement europen de la Francophonie est en outre, pour lorganisation elle-mme, la fois une promesse et un dfi. Une promesse car le probable rattrapage conomique des nouveaux membres devrait en faire, demain, des contributeurs consquents au budget de lOIF, une assise budgtaire largie tant le gage dune autonomie accrue. Un dfi car lOIF doit, sous peine de devenir une organisation deux vitesses, russir la symbiose entre francophonie post-coloniale et francophonie post-sovitique : pour linstant, les pays du Sud sont majoritairement membres de plein droit, tandis que ceux dEurope centrale et de lEst ne sont pour la plupart quassocis ou observateurs. En rflchissant aux moyens de mieux intgrer ces derniers, de dvelopper une cohsion accrue entre ses membres qui se connaissent peu ou mal, la Francophonie sera fidle son ambition, celle quAbdou Diouf dfinissait ainsi Genve : La Francophonie apporte, luniversel abstrait de la norme et du droit, la richesse dun universel concret, celui de lchange dans le respect de lAutre, afin que vivent et se dploient les cultures multiples de notre Humanit.

Ariane Poissonnier


(1) http://www.sommet-francophonie.org/pag.php
(2) Onze des 25 Etats de lUnion sont membres de lOIF ; la Roumanie et la Bulgarie doivent entrer dans lUE au 1er janvier 2007 (dcision de la Commission en octobre 2006) ; la Croatie, membre observateur de lOIF, attend que soit fixe la date douverture des ngociations dadhsion; la Macdoine, membre associ de lOIF, a t reconnue candidate le 15 dcembre 2005 et lAlbanie, galement membre associ de lOIF, vient dachever la ngociation dun accord de stabilisation et dassociation, premire tape de la procdure dadhsion lUE. Source : Rapport dinformation n3133, Assemble nationale franaise, 7 juin 2006.



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