Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

15/09/2006
Questions internationales (2)
Des missions parfois trs politiques


(MFI) Outil de la diplomatie, les oprations militaires de la France servent aussi marquer les ambitions de Paris sur la scne internationale. Cest notamment le cas en Afrique.

Par sa prsence ltranger, larme franaise est-elle au service de la diplomatie ?

Tout au long du rcent conflit libanais, la France a dfendu lOnu le dploiement dune force multinationale, se dclarant prte diriger cette Finul renforce . Dbut septembre, 900 hommes du 1er bataillon dOrlans dbarquaient Beyrouth, reprsentant lavant-garde des deux bataillons 1 600 soldats que Paris a dcid denvoyer au Liban dans le cadre des Nations unies. Certes, la France ne prtend pas rsoudre seule la crise entre Isral et le Hezbollah, mais en stationnant des soldats au pays du Cdre, elle affirme sa volont de compter dans les affaires du Moyen-Orient.
A chaque crise, Paris dclare quelle est prte prendre ses responsabilits en participant lenvoi dune force de maintien de la paix, ou au contraire quelle nentend pas simmiscer dans les affaires intrieures dun pays. Ainsi la France a particip la premire guerre du Golfe en 1991, mais a refus de sengager aux cts des Etats-Unis dans le conflit irakien en 2003. Alors quelle est prsente en Afghanistan, tant pour scuriser le pays que pour lutter contre les talibans. La prsence de troupes ltranger reprsente donc un engagement diplomatique de Paris. Le singulier saupoudrage des troupes franaises en Opex (oprations extrieures) lillustre : un seul soldat au Libria et en Ethiopie par exemple, 3 en Gorgie, 15 en Egypte dans le dsert du Sina, 42 en Hati, mais 1 100 au Tchad, 2 050 au Kosovo, 3 000 Djibouti et 3 800 en Cte dIvoire.
Pour certains, il sagit l de vanit, de la part dune moyenne puissance qui a tendance estimer quaucune crise ne lui est trangre. Pour dautres cest une preuve de responsabilit dun pays membre permanent du Conseil de scurit, puissance nuclaire qui a conserv de vastes zones dinfluence dans le monde. Reste que le sujet est sensible. Bruno Tertrais, de la Fondation pour la Recherche Stratgique, signale que les oprations militaires de la France sont nombreuses, mais ne font jamais lobjet dun dbat au Parlement. Comme la politique trangre. Or les motifs de ces interventions ne sont pas toujours clairs, leurs rsultats souvent mitigs, les hypothses de sortie de crise improbables . Les spcialistes estiment notamment que, si larme franaise se dploie rapidement, elle matrise moins la sortie de crise, cest--dire le moment o il faut quitter un pays pour viter lenlisement. Plus une prsence militaire se prolonge, plus les retombes politiques positives samenuisent.


Ses oprations militaires sont-elles un moyen pour la France de saffirmer face aux Etats-Unis ?

La puissance de larme amricaine est sans commune mesure avec celle de larme franaise. De mme, les relations entre Paris et Washington sont meilleures aujourdhui quelles ne ltaient au dbut du conflit irakien. Nanmoins, la France insiste toujours sur lide dun monde multipolaire et souponne les Etats-Unis de vouloir utiliser lOtan des fins personnelles, notamment dans la lutte contre le terrorisme. Cette position oblige Paris davantage projeter ses troupes ltranger. Cest aussi pourquoi les autorits franaises encouragent tant la construction de lEurope de la dfense, meilleur moyen de consolider lUnion et seul grand projet depuis leuro pour reprendre les termes dun diplomate. En toute logique, les troupes franaises se doivent de participer chaque mission militaire de lUE. Cest aujourdhui le cas en RDC, en Bosnie, au Montngro, au Soudan et en Palestine.

Quelle est la spcificit de la prsence militaire franaise en Afrique ?

Sur les 36 849 soldats franais dploys en-dehors des frontires, 11 481 sont bass en Afrique, dans le cadre des Nations unies (Sahara occidental, Cte dIvoire et RDC), de lUnion europenne (Soudan et RDC), dOpex mene par la France seule (Tchad, Cameroun, golfe de Guine, Togo, Rpublique centrafricaine et Cte dIvoire) ou de ce quon appelle les forces de prsence (Sngal, Gabon et Djibouti). Si on soustrait les 16 570 militaires stationns dans les DOM-TOM, cela signifie que la moiti des troupes franaises ltranger se trouve en Afrique. Impossible de ne pas y voir ce que daucuns appellent le lien traditionnel entre la France et ses anciennes colonies.

Jean Piel


En Afrique : leuropanisation des interventions franaises

(MFI) Les forces de prsence constituent une spcificit africaine. Elles sont stationnes dans trois pays, en-dehors de tout risque conflictuel, dans le cadre daccords de dfense spcifiques et peuvent intervenir partout en Afrique en cas de crise. Si cette prsence tient historiquement des amicales pressions de Paris, aucun gouvernement africain na jamais demand leur dpart, et le rapport des autorits locales avec ces bases est ambigu : source de stabilit politique et bouc-missaire commode en cas de troubles. En outre, la distinction entre les trois bases permanentes du Sngal, du Gabon et de Djibouti dune part, et les Opex du Tchad et de Cte dIvoire dautre part, reste thorique. Hormis deux interruptions, la France est en effet prsente militairement au Tchad depuis 1960, et la menace dune intrusion libyenne qui avait justifi lopration Epervier en 1986 est depuis longtemps oublie.
La France ne tient cependant plus apparatre en premire ligne en Afrique, par crainte de se voir accuse de tous les maux, avec les risques que cela reprsente pour ses ressortissants. Cest pourquoi elle cherche europaniser sa prsence dans la rgion. Ainsi, lorigine franco-africain, Recamp (Renforcement des capacits africaines de maintien de la paix) est de plus en plus un programme europen visant entraner et quiper des bataillons du continent la gestion des conflits, en partenariat avec lUnion africaine. De mme, lactuelle opration Benga, qui vise scuriser les lections en RDC, est-elle dirige par lAllemagne, et la France na fourni que le tiers des troupes. En 2003, lUnion europenne avait dj conduit dans le pays lopration Artmis, mais Paris en avait assur 75 % du contingent et 90 % des cots. Cette europanisation nest pas pour linstant synonyme dune diminution du nombre de soldats franais en Afrique, ni dune remise en cause des accords militaires bilatraux conclus entre Paris et plusieurs capitales. Mais terme, elle pourrait signifier une rorganisation du dploiement franais en Afrique.

J. P.




retour