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27/10/2006
Questions internationales : crise avec la Core du Nord (2)
Coup dur pour les diplomaties chinoise et amricaine


(MFI) La politique amricaine de fermet lgard de la Core du Nord na pas empch un essai nuclaire. Pas plus que le soutien inconditionnel de Pkin Pyongyang. Pour la Chine, il sagit dun dfi son influence internationale. Mais les dirigeants nord-corens savent que les sanctions leur encontre ne peuvent tre que limites.

Quelle est la politique des Etats-Unis lgard de la Core du Nord ?

Lorsque George Bush est arriv la Maison blanche, en 2000, la Core du Nord disposait, selon la CIA, de matires fissiles pour fabriquer deux bombes atomiques. Aujourdhui, les services de renseignements amricains estiment que Pyongyang pourrait fabriquer sept bombes. Evidemment, la responsabilit premire en incombe aux dirigeants nord-corens. Mais la politique de fermet chre George Bush na pas non plus t couronne de succs.
Son prdcesseur, Bill Clinton, avait privilgi le dialogue avec Pyongyang. Madeleine Albright, la secrtaire dEtat dalors, stait mme rendue en Core du Nord. Mais lopposition des Rpublicains au Congrs et les drobades rptes des dirigeants nord-corens avaient eu raison de sa patience. A chaque concession amricaine, Pyongyang posait de nouvelles exigences sans que jamais il ne soit possible de vrifier labandon de son programme nuclaire. Le royaume ermite sest senti flou aussi ; seul un tiers du ptrole quil aurait d recevoir suite un accord de 1994 lui a t livr et Washington na jamais, comme il sy tait engag, lev les sanctions conomiques adoptes aprs la guerre de Core.
Reste quavec George Bush le ton change. En janvier 2002, la Core du Nord est place dans lAxe du mal avec lIrak et lIran. Quelques mois aprs, Pyongyang annonce vouloir se doter de larme atomique. En septembre 2005, Washington gle les avoirs dune banque de Macao souponne de blanchir largent que les apparatchiks du rgime tirent du trafic de drogue. Dnonant un tranglement financier , Pyongyang claque alors la porte des ngociations six, puis procde aux tirs de six missiles balistiques. Surtout, Washington refuse toute ngociation directe visant normaliser les relations bilatrales comme le rclame Pyongyang, estimant que ce serait un trop beau cadeau une dictature et exigeant dabord des preuves de larrt du programme nuclaire. Mais pour Pyongyang, trs inquite depuis le dclenchement de la guerre en Irak, ces pourparlers directs sont le seul moyen de garantir sa scurit.

Doit-on ngocier avec Pyongyang ?

Certains experts le pensent, en particulier en Asie. Cest lopinion de Kim Dae-Jung, ancien prsident sud-coren et prix Nobel de la paix : Les Rpublicains amricains ont une approche idologique du problme : cest un rgime communiste, il faut le changer. Les sanctions nont march ni contre Cuba ni contre lIrak ; elles ne marcheront pas contre la Core du Nord. Les Etats-Unis ont intrt diaboliser Pyongyang car cela justifie leur prsence militaire dans la Pninsule. A chaque fois que les relations entre les deux Core se sont amliores, les Etats-Unis ont trouv un prtexte une nouvelle crise.
Une analyse que ne partage pas Jon Wolfsthal, du Centre dtudes internationales et stratgiques, Washington : La Core du Nord nest pas un pays comme un autre. Voil une dictature ferme, qui pousse le culte de la personnalit lextrme, bafoue les droits de lhomme, vend des armes des rgimes douteux, dveloppe des capacits nuclaires alors que sa population meurt de faim et dont les dirigeants senrichissent grce au trafic de drogue. Le pays est trop imprvisible et trop vnal pour des discussions srieuses. Sous Bill Clinton, le dialogue a t un leurre ; il na jamais dissuad les Nord-Corens de poursuivre leurs ambitions nuclaires. Et le chercheur dajouter : Lerreur de George Bush a t de ngliger la Core pour sintresser uniquement lIrak alors que la premire reprsente un danger bien plus grand. En outre, le prsident amricain ne dispose gure de moyens. Lorsque Pyongyang a procd des tirs de missiles au-dessus du Japon, Georges Bush a dclar Nous naccepterons jamais une Core nuclaire. Maintenant quelle a procd un essai atomique, il dit Nous naccepterons jamais des transferts de technologies militaires des rgimes douteux ou des groupes terroristes. Toujours il recule la ligne rouge car il na pas les moyens de ses dclarations martiales. Les dirigeants nord-corens le savent.

La Chine a-t-elle une influence sur son voisin nord-coren ?

Echec pour la diplomatie amricaine, cet essai nuclaire lest aussi pour la diplomatie chinoise. Pkin est le dernier alli du rgime communiste et se vantait de contrler son turbulent voisin. Ainsi les ngociations six (deux Core, Chine, Japon, Russie, Etats-Unis) sur le dossier nuclaire se tenaient depuis 2003 son initiative. Ctait pour la Chine un moyen de safficher non seulement comme une puissance conomique, mais aussi comme un interlocuteur incontournable en Asie. En procdant un test atomique, Pyongyang saffranchit de la tutelle de lEmpire du milieu. Cest un camouflet pour la Chine car le monde dcouvre quelle ne peut pas empcher les drives extrmes de la Core du Nord. Son influence politique en ptit , estime Yun Duk-Min, de lInstitut des affaires trangres de Soul. En outre, cet essai risque dentraner un renforcement des arsenaux japonais et sud-coren, et une plus forte prsence de navires de guerre amricains dans la rgion, ce qui nest pas du got des dirigeants chinois. Cest pourquoi Pkin a, pour la premire fois, vot des sanctions contre Pyongyang lOnu. Tout en dulcorant la proposition amricaine : pas de sanctions dans le cadre du chapitre VII de lOnu qui autorise le recours la force, pas dembargo commercial. Il faut une rponse ferme, mais aussi constructive et proportionne , a dclar lambassadeur chinois aux Nations unies. Le Quotidien du peuple, lorgane officiel du Parti communiste chinois, a appel la poursuite du dialogue avec Pyongyang.
Cette affaire place Pkin en porte--faux ; il ne peut pas accepter une telle provocation de Pyongyang, mais il ne peut non plus favoriser la chute du rgime, et cela pour deux raisons au moins : dabord parce quune telle chute provoquerait un exode massif de Nord-Corens vers la Chine ; ensuite parce que la runification des deux Core placerait sa frontire un pays riche, dmocratique, nuclaris et abritant 34 000 soldats amricains. Conscients de ce dilemme, les dirigeants nord-corens nont donc pas hsit faire un pied de nez au pays dont dpend pourtant leur survie, puisque la Chine fournit la grande majorit de laide alimentaire la Core du Nord et la totalit de son approvisionnement en nergie. Lorsque Pkin le dcidera, le rgime nord-coren seffondrera. Aujourdhui, le calendrier nest pas favorable , estime Yun Duk-Min.
Certains analystes, linstar de Shen Dingli, de lInstitut des affaires internationales de Shanga, interview par Asia Times, veulent croire que cet essai est favorable Pkin : Linfluence chinoise sur la Core du Nord ne disparat pas cause de ce test. Au contraire, la Chine peut dsormais se vanter de peser politiquement sur une puissance nuclaire. Les Etats-Unis y seront sensibles, et vont plus regarder dans notre direction que vers Taiwan .
Reste quune nouvelle fois, les autorits nord-corennes ont prouv leur matrise du temps. Elles ont ralis cet essai nuclaire le jour-anniversaire de laccession de Kim Jong-Il au pouvoir, alors que le Premier ministre japonaise se trouvait Pkin et que le sud-coren Ban Ki-Moon tait nomm secrtaire gnral de lOnu.

Jean Piel

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