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24/11/2006
Questions internationales (3)
Le difficile dialogue entre le Vatican et lislam


(MFI) Le concile Vatican II, conclu en 1965, a ouvert la voie des changes entre islam et christianisme. Le pape Jean-Paul II en a t un ardent dfenseur. Mais la recrudescence du terrorisme islamiste et les discriminations dont souffrent les chrtiens dans les pays musulmans ont dcourag nombre de partisans du dialogue. Plus conservateur dans ce domaine que Jean-Paul II, le pape Benot XVI entend cependant poursuivre le dbat.

Le discours du pape Benot XVI, prononc Ratisbonne (Allemagne) le 12 septembre 2006 et mettant en cause la tentation de la violence chez les musulmans, illustre la constante difficult du dialogue entre le Vatican et lislam.
Pendant des sicles, les thologiens chrtiens nont vu dans la religion de Mahomet que fanatisme et immoralit, tandis que dans les pays musulmans le christianisme tait rduit aux croisades et au colonialisme. Il a fallu attendre le dbut du XXe sicle pour que les prjugs reculent. Le grand orientaliste franais Louis Massignon, catholique fervent et admirateur des cultures arabes, va beaucoup militer en ce sens. Son influence sera dterminante sur le cardinal Montini, le futur pape Paul VI, qui a conclu le concile Vatican II en 1965. Un concile dcisif dans ce domaine puisquil affirme que lEglise regarde avec estime les musulmans qui professent la foi dAbraham, adorent avec nous le Dieu unique, futur juge des hommes au dernier jour . Un texte particulirement hardi pour lpoque.

Lespoir dun dialogue des cultures

Dans les annes soixante-dix et quatre-vingt, les relations entre les deux grandes religions monothistes sont des meilleures. Le Vatican cre un Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. En Europe, des prtres ouvrent des chapelles inoccupes des musulmans immigrs. Elu la tte de lEglise en 1978, Jean-Paul II multiplie les rencontres avec des dignitaires religieux et politiques musulmans. Aux Philippines en 1981, il est le premier pape appeler une assemble de musulmans mes frres . En 1986, il visite luniversit Al-Azhar au Caire la plus prestigieuse de lislam sunnite puis, en 2001, la mosque Ommeyades Damas. A chaque tape, il prne un dialogue des cultures et un travail commun pour le dveloppement. Mais le souverain pontife insiste aussi sur la ncessit dune rciprocit en faveur des minorits chrtiennes prives de libert de culte, comme en Arabie saoudite.

Dcouragement face au terrorisme islamiste

Au fil des annes cependant, ce dialogue interreligieux sessouffle. Les organisations chrtiennes dplorent le manque dinterlocuteurs musulmans reprsentatifs. Comme le souligne en 2001 un ditorial de lOsservatore Romano : On ne sent pas, du ct des thologiens musulmans, le mme intrt pour promouvoir ce dialogue que du ct de lEglise catholique. En janvier 2002, lors des rencontres islamo-chrtiennes dAssise, cest un fonctionnaire gyptien, et non un imam dAl-Azhar comme lhabitude en avait t prise, qui sexprime devant Jean-Paul II. Au Vatican, cest la consternation. Certes, le manque dunit de commandement chez les musulmans tel quil existe avec la papaut pour les catholiques rend plus difficile la dsignation dun organe de dialogue reprsentatif de lUmma, de la communaut des croyants. Nanmoins, le scepticisme gagne Rome. Cela dautant plus facilement que les catholiques expriment de plus en plus ouvertement leur exaspration face ce quils peroivent comme un manque de progrs dans les relations avec lislam. Et de citer ple-mle lassassinat de missionnaires catholiques en Algrie dans les annes quatre-vingt-dix, la monte du fondamentalisme au Proche-Orient et en Asie, la recrudescence du terrorisme islamiste, les appels la guerre sainte contre les juifs et les croiss , lexode des chrtiens dIrak, de Syrie, dIran, de Turquie
Lide dun dialogue galit entre chrtiens et musulmans est nave. La libert de religion nexiste pas dans la majorit des pays musulmans, le droit de conversion y est interdit, les chrtiens arabes souffrent de discriminations dans la recherche dun emploi, dun logement, dans leur droit dexpression ; ils sont parfois emprisonns. Les musulmans bnficient de beaucoup plus de liberts et de droits dans les pays de tradition chrtienne que les chrtiens dans les pays musulmans , sinsurge ainsi Catholicisme et Libert, un mouvement chrtien pan-europen, du dun dialogue auquel il a un temps particip.


Benot XVI plus conservateur que Jean-Paul II

Des ides qui rencontrent un cho favorable auprs de Benot XVI, plus en retrait sur cette question que ne ltait Jean-Paul II. Pour certains observateurs, la gaffe de Ratisbonne tait avant tout un avertissement lanc aux responsables musulmans. Lorsquil ntait encore que le cardinal Ratzinger, le futur pape avait dclar : Lislam ne peut pas renoncer sa volont intrinsque dtre un lment dcisif de lordre public. Il avait galement fait connatre son hostilit ladhsion de la Turquie lUnion europenne. En fvrier dernier, lun de ses plus proches collaborateurs, Mgr Velasio de Paolis, sexprimait dans La Stampa : Il faut cesser cette neutralit myope de lOccident. Si respecter lautre signifie, pour les chrtiens, renoncer tre soi-mme, cela na plus de sens de dialoguer. Le problme est que lislam est ferm au point de ne pas admettre la rciprocit. En terre dislam, ds que lEglise se prsente dans son authenticit, elle est accuse de proslytisme. En fvrier 2006, Benot XVI a mme supprim le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Cependant les enjeux entre deux communauts dun milliard de fidles sont trop importants pour abandonner le dbat. Le 25 septembre dernier, le pape a reu dans sa rsidence de Castelgandolfo les ambassadeurs de pays musulmans prs le Saint-Sige. Il leur a raffirm son attachement au concile Vatican II. Le dialogue entre islam et christianisme est une ncessit vitale. Nous devons apprendre travailler ensemble pour se garder de toute forme dintolrance et sopposer toute manifestation de violence , a dclar le souverain pontife. De mme, sil existe des catholiques dus du dialogue avec lislam, dautres continuent le dfendre, refusant une lecture conjoncturelle de la religion travers le prisme de lislamisme politique. Bravant les accusations danglisme, ils veulent parier sur ce quil y a de meilleur dans la foi musulmane. Ainsi le secrtariat pour les relations avec lislam de la Confrence des vques franais vient de publier un manuel de prires communes, destin notamment aux couples mixtes. Les attaques contre les chrtiens dans les pays musulmans ne sont pas toujours un problme religieux, mais souvent un problme datteintes aux droits de lhomme dont sont victimes tous ceux qui ne pensent pas comme la majorit ou le pouvoir. Cest un problme dabsence de dmocratie , souligne ainsi la Confrence des vques franais.

Jean Piel

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