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22/12/2006
Questions internationales (2)
Le Liban, otage des conflits rgionaux


(MFI) Conflit isralo-palestinien, guerre en Irak, ambition rgionale de lIran, plan amricain dun Grand Moyen-Orient Son histoire, sa division en de multiples communauts, sa situation gographique font du Liban la caisse de rsonance des tensions rgionales. Au point que son petit territoire 10 400 km est utilis sans vergogne comme champ de bataille par toutes les parties en prsence. Les divisions communautaires et la fragilit de lEtat favorisent aussi cette situation.

Quel a t le dclencheur de la guerre civile en 1975 ?

Petit retour historique. En 1970, les combattants de lOrganisation de libration de la Palestine (OLP) chasss de Jordanie sinstallent au Sud-Liban. Leurs affrontements rguliers avec les troupes israliennes avivent la tension non seulement entre Beyrouth et lOLP, mais aussi entre Beyrouth et Tel-Aviv. Cest cette prsence palestinienne qui va tre lorigine de la guerre civile qui, de 1975 1990, ravage le pays du Cdre. Au dbut, le conflit oppose chrtiens et musulmans. Mais on assiste rapidement des luttes armes pour le pouvoir entre factions chrtiennes, entre factions chiites, entre druzes et sunnites au gr des alliances et des trahisons. Paralllement, le Liban devient et reste encore aujourdhui le champs de bataille des ambitions palestiniennes : combats entre les militants de lOLP et larme isralienne, puis entre le Hezbollah et cette mme arme. Comme lcrit Nadine Khouri, spcialiste de gostratgie rgionale : Le rglement de la question palestinienne est une condition imprative de la stabilit du Liban. Mais identifier larrive de rfugis palestiniens comme la cause unique de la guerre serait simpliste et dgagerait de faon abusive les dirigeants libanais de leurs responsabilits. Le conflit isralo-palestinien a t un dclencheur de la guerre civile et aujourdhui un catalyseur de la crise qui rvle la faiblesse de lEtat libanais et ses divisions confessionnelles historiques. Pour renforcer leur influence, les diffrentes communauts cherchent en effet des parrains ltranger, que ce soit Paris, Washington, Ryad, Thran voire un temps Moscou.


Quelle est la mesure de linterfrence syrienne ?

La guerre civile va permettre la Syrie de prendre pied au Liban, avec la bndiction de la communaut internationale qui y voit un facteur de stabilit. Pour Damas, cest un srieux atout dans sa rivalit contre Isral. On va compter jusqu 80 000 soldats syriens au Liban. A partir des annes 2000, la Syrie cesse de plaire. Elle abuse de sa position dominante au pays du Cdre ; le rgime nvolue pas comme lespraient les Occidentaux ; Paris veut raffirmer son influence dans la rgion et Washington dfend un plan de Grand Moyen-Orient dans lequel Damas na pas sa place. Adopte en septembre 2004 au nom du respect de la souverainet du Liban, la rsolution 1559 des Nations unies impose le dpart des troupes syriennes. Les diverses communauts libanaises, au gr de leurs intrts bien compris, se divisent en pro et anti-Syriens. Aujourdhui, Damas entend reprendre pied dans un pays quil tient pour un pr carr inalinable. Ou au moins veut-il prouver quil dispose toujours dune capacit de nuisance au Liban. Surtout, les autorits syriennes esprent empcher la cration dun tribunal international charg de juger les auteurs du meurtre de lancien Premier ministre Rafic Hariri, tu en fvrier 2005. La piste conduit en effet tout droit Damas. Cest pourquoi le rgime de Bachar Al-Assad cherche faire chuter le gouvernement libanais, via le Hezbollah.


Comment se traduit la lutte Washington-Thran ?

Dans le mme temps, la guerre en Irak exacerbe la tension entre chiites et sunnites libanais. Une guerre qui, en favorisant le retour des chiites au pouvoir Bagdad, rveille les ambitions rgionales de lIran. L encore, le Liban se retrouve dans lil du cyclone. Thran rve de reconstruire un arc chiite qui inclurait lIran, lIrak et une partie du Liban. Les effets de la guerre Iran-Irak se dissipent, le pays dispose dimportants revenus ptroliers, ses frontires sont sres et son gouvernement stable. Tout concourt ce que Thran revendique ses ambitions rgionales , explique le chercheur Olivier Roy. Une revendication qui passe par son programme nuclaire et par sa volont de peser sur tous les dossiers du Moyen-Orient. On la vu lors du conflit entre le Hezbollah et Isral en juillet dernier. Si le Parti de Dieu dfend son propre agenda, il na nanmoins pas pu se lancer dans un tel conflit sans le feu vert de Thran qui larme et le finance. Via le Hezbollah, lIran prouve donc quil a une capacit interfrer sur le conflit isralo-palestinien et avertit les puissances occidentales quil ne faut pas contester son programme nuclaire. Tout cela au frais du territoire libanais.
De son ct, Isral affiche un mpris total pour la souverainet du Liban lorsquil bombarde les banlieues chiites de Beyrouth en juillet dernier. Lenlvement par le Hezbollah de deux soldats de Tsahal et le meurtre de huit autres nest quun prtexte un conflit qui vise avant tout affaiblir le mouvement dHassan Nasrallah, et avertir la Syrie et lIran que leurs ambitions rgionales ne seront jamais acceptes. Pour Olivier Roy : Le conflit de juillet dernier a t une lutte entre les Etats-Unis et lIran, les premiers opposs au programme nuclaire et aux ambitions rgionales du second, par Hezbollah et Isral interposs, sur le territoire libanais. Cependant, insiste Nadine Khouri, les acteurs trangers aggravent videmment la situation au Liban. Mais encore une fois, seules la division communautaire du pays et la fragilit de lEtat permettent que son territoire soit utilis comme champs de bataille .
Pour Nada Doumit, chercheuse auprs de la socit danalyse des risques MidEast Risk, la situation sclaircirait sans doute si le Hezbollah, la fois parti politique libanais lgitime et groupe arm pro-iranien, parvenait faire ce quoi il sest toujours refus : choisir entre ses diffrentes natures . En attendant, la conjoncture rgionale pour le moins perturbe continuera trouver au pays du Cdre un abcs de fixation.


Jean Piel

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