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17/01/2007 | |||
Questions internationales (4) Ban Ki-moon : austérité, discrétion et efficacité | |||
(MFI) A 62 ans, l’ancien ministre sud-coréen des Affaires étrangères succède à Kofi Annan à la tête de l’Onu. L’homme a la réputation d’être un bourreau de travail, austère et proche des Etats-Unis. Mais on dit aussi de lui qu’il est un redoutable négociateur, discret et déterminé. Ban Ki-moon pourrait surprendre. | |||
« Il n’a aucun ennemi. » C’est l’opinion unanime de ceux qui connaissent Ban Ki-moon. En trente-six ans de carrière diplomatique, le nouveau secrétaire général des Nations unies aurait réussi le tour de force de ne se fâcher avec personne. Son secret ? « Un diplomate est un travailleur. Lorsqu’on se consacre entièrement à sa tâche, on n’a pas le temps de se faire d’ennemis. » La déclaration pour le moins austère ne surprend pas de la part de ce Sud-Coréen de 62 ans, qui reconnaît ne pas avoir de loisirs et s’occuper peu de sa famille, faute de temps. L’intéressé préfère insister sur le côté positif de la chose. « Au fond, je suis quelqu’un qui harmonise », déclarait-il récemment au quotidien Le Monde. Ce goût du consensus, couplé à une voix contenue et à un visage peu expressif, lui vaut la réputation d’être un homme terne, sans charisme aucun. Un diplomate discret mais déterminé Mais ce qui semble à certains de la fadeur pourrait se révéler de la discrétion qui n’interdit pas stratégie et efficacité. Pour décrocher son nouveau poste, il a d’ailleurs mené une campagne habile, visitant une quarantaine de capitales, prenant des cours intensifs de français pour gagner le soutien de Paris, sachant ne pas heurter les grandes puissances dotées d’un droit de veto, ni s’aliéner les pays en développement qui constituent la majorité des 192 membres de l’Assemblée générale de l’Onu. Premier Asiatique à diriger la « maison de verre » depuis le Birman U Thant en 1961, Ban Ki-moon affirme vouloir faire profiter le monde, au cours de son mandat, de la « sagesse collective de la Corée du Sud pour jeter des ponts entre le monde développé et le monde en développement, entre les pays démocratiques et les pays en transition ». A Séoul, des hauts fonctionnaires, pourtant peu tendres envers ceux qui ont servi sous les régimes militaires passés, le disent doté d’un sens politique aigu. Le secret de sa longévité serait un « sens certain de l’équilibre ». Pour leur part, les journalistes sud-coréens l’ont surnommé « anguille glissante » pour son aptitude à ne pas répondre aux questions. L’ambassadeur chinois à l’Onu, Wang Guangya, souligne dans Le Monde que « l’humilité apparente de Ban Ki-moon n’est pas de la faiblesse. Nous, les Asiatiques, faisons montre de nos qualités d’une manière différente. Le nouveau secrétaire général est peut-être discret, mais il est ferme et résolu ». Un avis partagé par Edward Luck, professeur de relations internationales à l’université de Columbia (New York) : « Il manque peut-être de charisme. Mais derrière son visage perpétuellement souriant se cache un diplomate efficace et un redoutable négociateur. Quand il est sûr de son bon droit, il ne lâche jamais le morceau. » Un fils de paysan devenu ministre Né le 13 juin 1944 dans une famille d’agriculteurs, Ban Ki-moon est sorti major de sa promotion à l’université nationale de Séoul. Il est également titulaire d’un master de relations internationales décroché à Harvard. L’histoire veut qu’au lycée, le futur secrétaire général de l’Onu gagna un concours d’éloquence en anglais, ce qui lui valu de participer à un voyage aux Etats-Unis. A cette occasion, il put rencontrer le président John Kennedy. De cette entrevue serait né son rêve de devenir diplomate. Frais émoulu de l’université, il rentre donc au ministère sud-coréen des Affaires étrangères où son extrême méticulosité au travail lui vaut le surnom de « greffier ». Patiemment, il grimpe les échelons pour devenir en 1996 chef du protocole auprès du président de la République, puis ambassadeur à Vienne, où siège l’Agence internationale de l’énergie atomique. Un premier contact avec les arcanes onusiennes, confirmé lorsqu’il devient en 2001 directeur de cabinet du président de l’Assemblée générale. Puis en 2004, le président Roh moo-Hyun le nomme ministre des Affaires étrangères. Fascination pour les Etats-Unis On prête à Ban Ki-moon une proximité idéologique avec les Etats-Unis. Lui-même ne cache pas sa fascination pour la première puissance mondiale. Washington espère de lui qu’il sera « plus secrétaire que général ». Ban Ki-moon était, paraît-il, sur la même longueur d’onde que l’administration Bush concernant la guerre en Irak ou les réticences à ouvrir le Conseil de sécurité à de nouveaux membres permanents. Il a néanmoins affirmé qu’il était « impératif de réformer une organisation sexagénaire pour la rendre plus pertinente et plus efficace ». Le changement dans la continuité, telle est sa devise. Il serait d’ailleurs faux de croire Ban Ki-moon inféodé aux Etats-Unis. On disait la même chose de Kofi Annan à sa prise de fonction ; on a vu le résultat. Il a déjà marqué sa différence sur la Cour pénale internationale à laquelle il est favorable, et sur le dossier nucléaire nord-coréen. Contrairement aux Etats-Unis, il est partisan du dialogue avec Pyongyang, et en tant que ministre des Affaires étrangères a été l’artisan du rapprochement entre Séoul et le régime de Kim Jong-Il. Ban Ki-moon semble décidé à ne pas se cantonner à un rôle de gestionnaire de la « maison de verre », mais entend mettre son expérience de diplomate au service du règlement des crises internationales. « Il va vous surprendre », assure un diplomate onusien. On dit aussi de lui que, sans en être un fin spécialiste comme l’était Kofi Annan, il a une bonne compréhension des problèmes de l’Afrique. Sa réputation de bourreau de travail l’a précédé à l’Onu, et les employés attendent son arrivée avec appréhension. Mais au-delà d’un record de nombre d’heures derrière son bureau, Ban Ki-moon devra convaincre qu’il est aussi un acteur incontournable des relations internationales – comme l’était devenu Kofi Annan – et qu’il est capable d’adapter les Nations unies aux défis du XXIe siècle. | |||
Jean Piel | |||
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