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26/01/2007
RDC-Grands Lacs : de la guerre au dveloppement ?

(MFI) Espace de conflits pendant prs de dix ans, la rgion des Grands Lacs sapaise progressivement et met le souhait de sattaquer la question majeure de son dveloppement. Linstitutionnalisation dun cadre de concertation rgionale, lapaisement des relations intertatiques entre les ennemis dhier, le rtablissement du dialogue entre Kinshasa et Kigali, la dmobilisation de certains groupes arms de lEst congolais sont autant dindices dune stabilisation graduelle.

En 2006, le paysage scuritaire sest amlior au sud et au nord de lEst congolais aprs que deux groupes de forces ngatives ont abandonn la lutte arme. Au nord du Katanga, les Mai-Mai dun seigneur de guerre mystique, Gdon, ont accept dentrer dans le processus de dsarmement-dmobilisation-rinsertion (DDR) et leur dirigeant a t arrt ; et en Ituri, environ 15 000 miliciens ont dj rendu les armes selon un scnario qui a vari entre larrestation des chefs et leur nomination des postes dofficiers suprieurs dans larme en dcembre, deux responsables de milices ont ainsi reu 5 000 dollars et le grade de colonel.

Le pacte de Nairobi se concrtise dans un fonds de reconstruction

Le 14 et 15 dcembre sest tenue Nairobi la confrence internationale des Grands Lacs qui de manire solennelle a runi les 11 pays de la rgion, du Congo au Kenya et de la Centrafrique la Zambie. Cette confrence a abouti la signature du Pacte de paix, de stabilit et de dveloppement de la rgion des Grands Lacs, dit pacte de Nairobi. Ce pacte constitue un engagement des chefs dEtat de la rgion en faveur de la paix et, fait notable, il prvoit un mcanisme de concrtisation : gr par la Banque africaine de dveloppement, un fonds spcial pour la reconstruction de la rgion doit tre abond par les Etats membres de la confrence et le secrtariat charg du suivi a t confi la Tanzanie. Cette confrence est institutionnalise (Kinshasa recevra la prochaine session en 2008) et instaure un cadre de concertation diplomatique rgionale au plus haut niveau. Lors de ce symposium, la centralit de la question du dveloppement pour une paix durable a t reconnue par lensemble des chefs dEtat.

Lhypothque de la transition congolaise enfin leve

Cette confrence a t rendue possible par lapaisement des relations intertatiques dans les Grands Lacs. Aprs le rglement du problme burundais il y a deux ans, la rgion a fait un nouveau pas vers la paix avec llection prsidentielle en Rpublique dmocratique du Congo (RDC). Lhypothque de la transition a ainsi t leve la fin de lanne 2006, avec linvestiture de Joseph Kabila : Jean-Pierre Bemba a reconnu sa dfaite et le gouvernement de transition issu des accords de Sun City en 2002 a pris fin de facto. La rivalit entre lOuganda et le Rwanda, arrire-plan moteur des conflits dans lEst congolais (1), est intacte ; mais les zones dinfluence de ces deux pays dans lEst congolais sont maintenant stabilises. Par ailleurs, les relations diplomatiques entre le Rwanda et la RDC sont dsormais rtablies sans pour autant tre normalises : il ny a pas encore dambassade de part et dautre de la frontire mais les autorits des deux pays dialoguent (le gnral dissident banyamulenge Laurent Nkunda ngocie avec le pouvoir congolais depuis Kigali o il se trouve).
Bien que les vritables enjeux soient clairement identifis et mentionns, la stabilisation des Grands Lacs nest pas synonyme de rsolution des problmes structurels qui ont fait de la rgion lespace le plus conflictuel de ces dix dernires annes en Afrique. Cette stabilisation est plutt leffet conjugu du retour au calme chez les grands acteurs de la politique rgionale et dune fatigue des populations locales face aux conflits.

Des zones encore surpeuples et pauvres, synonymes de jeunesse en dshrence

Donne structurante de la gopolitique des Grands Lacs, la saturation conomico-dmographique est plus que jamais dactualit : le Burundi (7,4 millions dhabitants pour une superficie de 27 830 km), le Rwanda (8 millions dhabitants sur une superficie de 26 338 km) et les Kivus ( la suite des mouvements de population depuis 1996 en provenance de lEst) sont surpeupls et dots dconomies essentiellement agricoles ; celles-ci ne permettent pas llvation du niveau de vie de leur population et suscitent de nombreux conflits fonciers ainsi, au nord Kivu, la question foncire entre Nands, Hunds et Banyamulenge demeure explosive. De ce point de vue, la machine pauvret qui fait dune jeunesse en dshrence le vivier des bandes armes nest pas enraye : les Mai-Mai du nord Katanga nont pas tous rendu les armes, et plusieurs autres groupes arms sans structure de commandement les tristement clbres Rastas par exemple continuent de marauder et harceler la population dans les Kivus.
En outre, les motifs officiels de linscurit rwandaise nont pas t annuls. Dabord, le problme banyamulenge, qui a t le dclencheur de la rbellion de lAlliance des forces dmocratiques pour la libration (AFDL) en 1996 reste entier. Les Tutsis congolais minoritaires sont toujours en butte lhostilit des autres composantes de la nation, en particulier au Kivu. Cette situation est dailleurs lorigine de la persistance de la dissidence des 81e et 83e brigades banyamulenge de Laurent Nkunda, qui ont fait parler delles lors de linvestiture de Joseph Kabila. Ensuite, passe ct dune opportunit de rglement en 2005, la question FDLR (Force dmocratique de libration du Rwanda, qui rassemble les ex Interahamwe et les membres de larme rwandaise rfugis en RDC aprs le gnocide) est toujours dans limpasse, leur retour au Rwanda tant la position officielle des autorits congolaises, ce que les intresss refusent videmment.

Lamlioration ne peut qutre graduelle

De ce fait, lamlioration de la situation scuritaire reste prcaire et ne doit pas tre considre comme un acquis dfinitif. Dautant que le dploiement des Forces armes de la RDC (FARDC), alors quil est prsent comme la solution aux problmes scuritaires de lEst congolais notamment les trafics transfrontaliers et lactivisme des forces ngatives , consiste remplacer un problme par un autre : les FARDC ont dj fait la preuve de leur inefficacit oprationnelle et, en Ituri, elles se substituent aux milices dans lexploitation des ressources naturelles et les violations des droits de lHomme (des fosses communes ont t dcouvertes et plusieurs militaires arrts sont en attente de jugement).
Depuis le gnocide rwandais, la rgion des Grands Lacs a t un systme de conflits dune grande complexit car les causes endognes et exognes de la conflictualit sentremlaient. Le dmontage de ce systme de conflits ne peut, en consquence, qutre graduel : la rgion nest quau dbut de la phase de reconstruction et de dveloppement sans lesquels il ne saurait y avoir de paix durable.

Thierry Vircoulon


(1) Notamment par des soutiens croiss des bandes armes rivales dans la Province Orientale.



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