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02/02/2007 | |||
LAfrique face la gouvernance | |||
(MFI) Tout le monde parle de gouvernance, mais les stratgies et les dfinitions avances par les diffrents acteurs nont pas toutes le mme sens. Un dbat qui a des rpercussions sur la manire dont les projets sont mens et sur la faon dont on juge leur impact. | |||
La gouvernance a tenu une place centrale dans les dbats sur les politiques de dveloppement en 2006. Plusieurs documents de stratgie sur la gouvernance (Union europenne, Banque mondiale) ont t prsents, censs orienter les programmes de coopration, notamment en direction de lAfrique, le continent qui reoit le plus daide et o les programmes sont les plus labors. Au Royaume-Uni, le Department for International Developement (DFID) a sorti un Livre blanc, Gouvernance et lutte contre la pauvret, tandis que les Canadiens ont cr une direction spcifiquement ddie aux questions de gouvernance, lACDI. De mme, la France a adopt une Stratgie de gouvernance dmocratique (5 dcembre, CiCID), fruit du travail dun groupe dexperts du Nord et du Sud (Plaidoyer pour une gouvernance dmocratique, DGCID, 2003) qui ont rorient sa politique de coopration vers le dialogue et le partenariat. Ces stratgies diffrent selon la dfinition que les uns ou les autres donnent la gouvernance. Et donnent lieu des dbats qui sont sous-tendus par le constat dchec des politiques de dveloppement. Employ depuis une quinzaine dannes, le terme anglais governance (systme de gestion) sest dabord appliqu lentreprise. Sous limpulsion des Anglo-Saxons et de la Banque mondiale, la bonne gouvernance stend ensuite la gestion des affaires publiques. Il sagit dassurer un cadre prvisible et transparent pour la conduite des affaires publiques et dobliger les responsables rendre des comptes. Moyen de lutte contre la corruption, la gouvernance est fonde sur lefficience (rigueur budgtaire, politiques axes sur le march, rduction du champ dintervention de lEtat et privatisation) et la dmocratie (transparence, quit, justice, promotion de lEtat de droit, droits civiques et socio-conomiques et dcentralisation). Elle volue par la suite vers une conception plus large visant renforcer les capacits des gouvernements et des administrations. Et favoriser la participation des acteurs et l appropriation par les pays de leur politique de dveloppement (Dclaration de Paris sur lefficacit de laide). Faire avouer les pratiques frauduleuses en change de la leve des sanctions La Banque mondiale, plus fonctionnelle, se focalise sur lamlioration du cadre institutionnel pour que les projets puissent fonctionner et pour garantir que laide accorde aux pays soit mise en uvre. Le projet de Stratgie de renforcement de laction du groupe de la Banque pour promouvoir la gouvernance et lutter contre la corruption , lanc le 18 septembre 2006 Singapour par son prsident, Paul Wolfowitz, a donn lieu dpres discussions. Sans tre contest dans son principe, il na t endoss ni par les gouverneurs ni par le conseil dadministration. On lui reproche de dpasser le mandat de la Banque savoir le financement du dveloppement et la rduction de la pauvret. En dautres termes, la stratgie ne doit pas tre un lment de conditionnalit supplmentaire et ne doit pas conduire changer les critres dallocation des financements (La Lettre de Transparence n 31, dc. 2006). Ce projet a t prcd notamment du lancement dun programme de repentance ou rvlation volontaire, qui consiste faire avouer aux entreprises ou organismes leurs pratiques frauduleuses en change de la leve des sanctions. Personne ne conteste limportance de la lutte contre la corruption, mais lUE comme la France considrent que la gouvernance va bien au-del, dans le prolongement des conceptions du Programme des Nations unies pour le dveloppement (Pnud) autour du dveloppement humain et de la gouvernance dmocratique. La rduction de la pauvret et les Objectifs du millnaire pour le dveloppement (OMD) ne pourront se raliser sans progrs dcisifs en matire de gouvernance , affirme la Commission europenne. Il sagit daider les socits concevoir leur propre modle de gouvernance. Cette approche intgre, plus politique, trs large et long terme, dfend lide que la gouvernance est avant tout un processus destin crer des espaces de dialogue entre lEtat et ses administrs, le secteur public, les associations, les ONG et les collectivits locales. Dans le cadre du programme du 10e FED, la notion de gouvernance dmocratique devrait ainsi permettre de renforcer les capacits institutionnelles des Etats (1). Lvaluation africaine par les pairs tarde prendre son envol Dj, la Commission pour lAfrique (Our common interest, rapport Blair) recommandait de renforcer lEtat (parfois pour des raisons scuritaires, lies laprs-11 septembre, la Somalie ou lAfghanistan) autrefois tant dcri par les Anglo-Saxons. Un Etat revenu au centre de toutes les proccupations, y compris de la Banque mondiale : Ce quil faut aux gens, cest un tat qui fonctionne effectivement. (Paul Wolfowitz, Jakarta, 11 avril 2006). Cela implique de re-lgitimer lEtat auprs de la socit mis mal par les politiques dajustement et de dcentralisation. Dlgitim, lEtat la aussi t par ses propres pratiques de prdation dans certains pays. Refonder lEtat ncessite de crer des espaces de dialogue avec la socit et daccompagner la monte en puissance de la gouvernance locale en lien avec le pouvoir central. Le refus de laisser la Banque mondiale animer, seule, la pense internationale sur ce thme, va de pair avec une rorientation du dbat vers les partenaires de lUnion africaine. Globalement, la gouvernance sest amliore en Afrique et les gouvernements africains ont intgr la notion. En 2002, les Nations unies ont appuy le Nepad, ce partenariat entre les gouvernements africains et la communaut internationale, dont lambition est de jouer un rle majeur dans lintgration politique et conomique de lAfrique. Outre lUE, la Banque africaine de dveloppement et le G8 contribuent sa mise en uvre. La gouvernance politique et conomique, un de ses trois piliers, sappuie sur un instrument original : le Mcanisme africain dvaluation par les pairs (MAEP), dont le fonctionnement est plus persuasif que coercitif. Du coup, le MAEP progresse lentement. Parmi les vingt-trois pays (2) qui en ont accept le principe, seuls le Ghana et le Rwanda ont achev leur revue en 2005. Des rapports communiqus aux pairs mais qui nont pas t rendus publics. Le Kenya et Maurice ont galement lanc le processus (2004), ainsi que lOuganda et le Nigeria (2005), tandis quAfrique du Sud, Algrie, Mali, Mozambique et Sngal se sont engags le faire... Quelles conditionnalits ? Pour valuer la gouvernance, la Banque mondiale ou le Pnud ont des batteries dindicateurs pour orienter les projets et les montants de laide et servant, le cas chant, dlivrer des sanctions. La France plaide pour sa part contre les sanctions : couper laide aux pays en difficult risque de les enfoncer davantage dans la crise. Dans le cadre du 10e FED, lInitiative Gouvernance de lUE avance lide dune conditionnalit positive : une tranche incitative supplmentaire verse aux pays en fonction de leurs rsultats, tablis laide dun profil de gouvernance plan de rformes et objectifs atteindre. Ces tranches incitatives sont dautant plus importantes que les donateurs ont pris des engagements en matire daugmentation de lAPD, la France en particulier, et que les crdits disponibles vont augmenter. La Banque mondiale est galement tente de maintenir le niveau daide actuel et de distribuer le surplus en fonction de la gouvernance. Antoinette Delafin (1) Pour assurer le succs du dveloppement, il faut respecter les droits de lhomme, les principes dmocratiques et lEtat de droit ; il faut aussi de vritables Etats, bien gouverns, et des institutions fortes (LUE et lAfrique : vers un partenariat stratgique, 2005). (2) Afrique du Sud, Algrie, Angola, Bnin, Burkina Faso, Cameroun, Congo Brazzaville, Egypte, Ethiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Lesotho, Malawi, Mali, Maurice, Mozambique, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sngal, Sierra Leone et Tanzanie. Un 24e pays, la Zambie, a marqu son intrt. | |||
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