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| 09/02/2007 | |||
| Questions internationales (1) Sombre avenir pour lAsie centrale | |||
| (MFI) Ce 11 fvrier 2007, le Turkmnistan lit son nouveau prsident. Mais cela nest en rien gage de dmocratisation : le pays est lune des pires dictatures de la plante. Toute lAsie centrale connat une drive autoritaire, et son sous-sol riche en hydrocarbures ne profite qu une poigne de privilgis. La rgion senfonce dans la pauvret et les trafics en tout genre, au risque dune dstabilisation politique. | |||
| Quelle est la situation politique en Asie centrale ? Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbkistan, Tadjikistan et Turkmnistan : les cinq rpubliques dAsie centrale sont devenues indpendantes malgr elles la chute de lURSS en 1991. Jamais ces rgions dont la plus peuple, lOuzbkistan, compte 28 millions dhabitants et la moins peuple, le Turkmnistan, 5 millions navaient dfendu de revendications sparatistes. Nayant jamais t des Etats-nations, peu prpars assumer leur destin, hritiers de territoires dcoups arbitrairement et sans homognit ethnique, donc sans sentiment dappartenance nationale, les cinq pays vont perptuer un fonctionnement la sovitique : un prsident totalitaire, des mafias omniprsentes, une solidarit qui ne se base pas sur la dmocratie ou lidologie, mais sur lappartenance rgionale ou ethnique. Un mode de fonctionnement clanique , rsume le chercheur Sbastian Peyrouse. Le tout sur fond de corruption et de confiscation de lconomie par lentourage du chef de lEtat. Le Kirghizstan est le seul Etat dAsie centrale o la dmocratie existe peu ou prou. En mars 2005, la rvolution des tulipes a contraint lexil le prsident Askar Akaev, et son successeur lu, Kurmanbek Bakiev, a d accepter en novembre dernier, sous la pression de la rue, de limiter ses pouvoirs au profit du Parlement. La presse est relativement libre, les Ong et les partis dopposition admis. Mais, comme dans les autres rpubliques, la criminalisation de la vie politique et sa logique clanique vont croissant. A loppos, le Turkmnistan apparat comme la pire dictature. Saparmourad Niazov, le prsident vie dcd le 21 dcembre dernier, avait pouss le culte de la personnalit jusqu donner aux mois les noms des membres de sa famille et obliger les habitants apprendre par cur ses penses . On y estime 10 000 le nombre de prisonniers politiques. Llection prsidentielle, ce 11 fvrier, ne sera pas facteur de dmocratisation lopposition en exil na pas t autorise y participer mais pourrait entraner des luttes de pouvoir mme de dstabiliser ce pays riverain de la mer Caspienne. Comment expliquer ce totalitarisme dans toute une rgion ? Outre labsence de culture dmocratique pour des raisons historiques et une omniprsence des mafias qui sapent des institutions fragiles, la menace islamiste justifie souvent la drive autoritaire des rgimes en place. Cela dautant plus facilement que, depuis le 11 septembre 2001, les pays occidentaux nosent gure ragir. Ainsi, en mai 2005, le prsident ouzbek, Islam Karimov, a rprim dans le sang (entre 700 et 1000 morts selon les Ong internationales) une manifestation aux slogans conomiques et sociaux dans la ville dAndijan, accusant les protestataires de wahabisme . Lislam est souvent le seul ciment identitaire en Asie centrale, et lexemple de lAfghanistan voisin peut favoriser le fondamentalisme. Au Tadjikistan, le Parti de la rsistance islamique formation de la classe moyenne urbaine dtient le tiers des postes gouvernementaux, et en Ouzbkistan, le Hizb ut-Tahrir parti sunnite radical est de plus en plus influent. Cependant, en croire luniversitaire Vicken Cheterian : Lislam rigoriste ne fait pas naturellement recette dans la rgion. Par contre, la pauvret croissante, le recul des indicateurs sociaux comme lalphabtisme, les atteintes rptes aux liberts politiques favorisent la religiosit de la population et les mouvements extrmistes. En combattant les partis religieux modrs, les dirigeants font le lit de groupuscules clandestins beaucoup plus violents. Quels sont les atouts conomiques de lAsie centrale ? Un sous-sol riche en hydrocarbures, mais des indicateurs macro-conomiques dsastreux : cest globalement le paysage de lAsie centrale. Cette richesse suscite la convoitise des grandes puissances Etats-Unis, Chine et Russie en tte qui se disputent lobtention des meilleurs contrats. Le meilleur lve de la rgion est sans conteste le Kazakhstan. Ses ressources ptrolires sont quivalentes celles de lIrak, mais profondes : elles sont difficiles exploiter. Reste que lor noir reprsente 56 % des exportations du pays et de nouveaux puits ont t rcemment ouverts. Avec une croissance annuelle de 9 % depuis le dbut de la dcennie, le Kazakhstan connat une situation la chinoise et a rinvesti les revenus ptroliers dans le secteur social, les infrastructures et une jeune industrie manufacturire. La hausse du niveau de vie de la population explique sa docilit politique et la rlection dans un fauteuil, en dcembre 2005, du prsident Nazarbaev. Le Turkmnistan dispose de 20 % des rserves de gaz au monde ; son conomie en dpend totalement. Pour sa part, lOuzbkistan sappuie sur deux piliers : le secteur agro-industriel (le pays est riche en coton) et les minerais (uranium, cuivre et gaz). Le Kirghizstan et le Tadjikistan sont les pays les plus pauvres de la rgion, le Tadjikistan tant mme lun des plus pauvres du monde. Leur seul atout vient de leurs rivires : ce sont les chteaux deau de leurs voisins, grands consommateurs dor bleu. Ils restent, sinon, trs dpendants au plan nergtique et alimentaire. Ces ressources naturelles laissent-elles esprer un prochain dveloppement de la rgion ? Le potentiel conomique de lAsie centrale est encore peu exploit. Surtout, on assiste le plus souvent une confiscation des ressources par la coterie qui entoure le chef de lEtat, familles et allis. Toutes les entreprises qui exploitent le gaz, le ptrole et les terres appartiennent des proches du pouvoir. Corruption la cl, cette coterie senrichit normment, mais sauf au Kazakhstan ne redistribue rien en faveur du dveloppement de lconomie. Ni industrie ni commerce ni infrastructure. Pire : la population sappauvrit et les indicateurs sociaux rgressent. Au Turkmnistan, 75 % des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvret, 60 % au Tadjikistan et au Kirghizstan. Dans les districts isols, les paysans vivent en autarcie. Partout la sous-alimentation est chronique. Ajoute aux atteintes aux droits de lhomme, cette pauvret croissante entretient la mfiance envers les bienfaits de lindpendance et du parlementarisme, et favorise lislam radical , souligne le sociologue tadjike Saoda Olimova. La rgion est aussi une plaque tournante du trafic de drogue alors que 92 % de lhrone consomme dans le monde vient de lAfghanistan voisin. La route de la soie est devenue la route de la drogue, et ce trafic est li celui des tres humains, des armes et du terrorisme. Les mafias qui contrlent le trafic de stupfiants gangrnent des institutions dj faibles, criminalisent les milieux politiques et dveloppent une conomie parallle qui touffe sous la corruption les secteurs officiels. Do un grave risque de dstabilisation rgionale. | |||
| Jean Piel | |||
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