| |||
| 09/02/2007 | |||
| Questions internationales (2) Asie centrale : le grand jeu | |||
| (MFI) Enclave entre lIran, lAfghanistan, la Chine et la Russie, riche en hydrocarbures, terreau potentiel de lislam radical, plaque tournante du trafic de drogue menace par des conflits ethniques : lAsie centrale trait dunion entre lEurope et lAsie suscite videmment lintrt des grandes puissances. Etats-Unis, Chine et Russie sy intressent. Aujourdhui, Moscou impose son influence. Mais les deux autres capitales veillent au grain. | |||
| Les Etats-Unis en retrait ? Ds lindpendance des cinq rpubliques en 1991, les Etats-Unis y voient un nouveau dbouch pour leurs compagnies ptrolires et un moyen de diversifier leur approvisionnement nergtique, au point de soutenir les Talibans en Afghanistan, au nom de la stabilit rgionale. Aprs les attentats du 11 septembre, lAsie centrale devient une rgion contrler dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; cest aussi une base arrire pour les troupes amricaines engages en Afghanistan. Des avions de lUS Air Force stationnent en Ouzbkistan et au Kirghizstan. Washington se flicite dtre ainsi prsent dans une rgion sur laquelle la Russie et la Chine ont des ambitions, et den faire une base pour ses troupes en cas de menace en Asie ou au Proche-Orient. Dj on parle dun projet de Grande Asie centrale qui regrouperait dans un vaste programme de coopration conomique et politique, sous la bannire amricaine, les cinq rpubliques et lAfghanistan, avec une ouverture vers le Pakistan et lInde. Mais la lune de miel entre les Etats-Unis et lAsie centrale ne va pas durer longtemps. Parce que Washington va rapidement douter de lintrt stratgique de lAsie centrale , estime le chercheur Olivier Roy. Surtout, la rvolution des tulipes au Kirghizstan inquite les autres dirigeants qui souponnent des Ong amricaines de lavoir fomente, linstar des rvolutions de couleur en Ukraine et en Gorgie. De mme, les critiques virulentes de Washington aprs le massacre dAndijan va conduire les autorits ouzbkes fermer en novembre 2005 la base militaire amricaine de Khanabad. Les gouvernements dAsie centrale sont pris en porte--faux entre leur besoin de dollars et leur refus de toute ingrence politique. Le deuxime point leur apparat plus important aujourdhui. Le retour de la grande Russie ? Cela est dautant plus vrai que la Russie fait un retour en force dans la rgion depuis les nouvelles orientations de politique trangre dcides par Vladimir Poutine en 2002. Moscou, qui a perdu son pr-carr en Europe de lEst, ne veut pas le perdre en Asie centrale. Pour des raisons dinfluence diplomatique et militaire sur toute une rgion et au-del. Pour des questions de scurit, la Tchtchnie tant frontalire du Kazakhstan, sans compter la prsence dimportantes minorits russes en Asie centrale. Pour des motifs conomiques enfin, le sous-sol de la rgion exerant un puissant attrait. Gazprom, Yukos et Lukol ont constitu ensemble la Compagnie ptrolire de la Caspienne afin de mieux exploiter les ressources locales, et elles ont encore construit en 2006 de nouveaux pipelines. La CPC exploite les gisements du Kazakhstan, dOuzbkistan et du Turkmnistan et revend trois fois plus cher en Europe le gaz ainsi acquis. Comme le constate Olivier Roy : Moscou a retrouv sa position de puissance tutlaire en Asie centrale. . On nefface pas si vite des dcennies de domination. Les rseaux de solidarit, les relations personnelles, les liens commerciaux, lhabitude du troc sont toujours trs forts. Dautant que la Russie nest gure regardante sur la question des droits de lHomme. La Chine en embuscade ? Moscou doit nanmoins compter avec un nouvel acteur : la Chine. Pkin dfend les mmes intrts que Moscou en Asie centrale. Des intrts de scurit : la rgion est frontalire de la province chinoise du Xinjiang o sont installs les Ougoures, minorit musulmane accuse de tous les maux par Pkin et victime de graves discriminations par le pouvoir central. Mais surtout intrt conomique : pour soutenir sa formidable croissance, la Chine a besoin de toujours plus de gaz et de ptrole. Elle diversifie ses sources dapprovisionnement : au Moyen-Orient, en Afrique, en Amrique latine, et maintenant en Asie centrale qui prsente en outre lavantage de la proximit gographique. La construction dun nouveau pipeline depuis le Kazakhstan est en cours. Par ailleurs, la rgion constitue un dbouch intressant pour les produits chinois bas prix (chaussures, outillage, lectromnager, tlviseurs noir et blanc) qui inondent les marchs de Bichkek ou Douchamb. Conscient de la crainte que suscite dans linconscient collectif, pour des raisons historiques, une possible invasion des Hans (lethnie chinoise majoritaire), Pkin nencourage pas ses ressortissants migrer, ni surtout ne se mle des affaires de politique intrieure. Un mlange defficacit conomique et de discrtion politique quapprcient les dirigeants des cinq rpubliques. Les autorits chinoises ont inspir la cration de lOrganisation de coopration de Shangha qui regroupe, outre la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizstan et lOuzbkistan. Seul le Turkmnistan nen est pas membre. Son objectif officiel est de lutter contre lextrmisme, le terrorisme et le sparatisme dans un contexte de monte des forces islamistes et des tensions ethniques en Asie centrale . En ralit, Russes et Chinois utilisent lOCS pour asseoir leur prtention dans la rgion et contenir la perce amricaine. Que lIran ait t admis comme observateur renforce lorientation anti-US de lorganisation. Cependant, si Moscou et Pkin partagent aujourdhui des intrts bien compris en Asie centrale, ils pourraient devenir de redoutables concurrents le jour o leurs ambitions saffronteront. | |||
| Jean Piel | |||
|
