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02/03/2007
Sngal
Les lections au laser


(MFI) Cruciales pour le pays, les lections au Sngal marquent une tape importante pour les processus lectoraux en Afrique. Aprs la russite, en 2000, des lections de lalternance , le dfi consistait, cette fois-ci, amliorer la machine lectorale. Revue de dtail, et leons tirer

Modernisation du processus lectoral

Par rapport aux lections de 2000, de grandes innovations ont t apportes dans la prparation du scrutin de 2007. La refonte complte du fichier lectoral a fait passer le nombre de personnes inscrites de 2,7 millions 4,9 millions. Autre changement majeur, lintroduction de la carte dlecteur numrise comprenant une photographie et un code barre identifiant les empreintes digitales.
Le nouveau fichier, dit biomtrique , a ncessit un effort financier important (certaines sources parlent de 24 milliards de francs CFA), mais a aussi gnr de nombreuses polmiques : des cas de double inscription ont t relevs, et pendant plusieurs semaines la Commission lectorale nationale et le ministre de lIntrieur taient en possession de chiffres divergents sur le nombre total dinscrits. Dbut janvier, les reprsentants des partis politiques, de la Commission lectorale nationale autonome (CENA), de la socit civile et du ministre de lIntrieur se sont livrs un audit du fichier lectoral, destin traquer les ventuels doublons ou les inscriptions indues.
La dlivrance des cartes didentit et dlecteur numrises a aussi accus des retards importants, et a d tre prolonge jusquau jour du vote. Le ministre sngalais de lIntrieur reconnaissait finalement que 5 % du corps lectoral navait pu disposer temps de cartes dlecteur, tandis quun nombre indtermin de personnes ont constat, le jour du vote, navoir pas t inscrites sur les listes.

Un scrutin correct, marqu par une forte affluence

Ces difficults nont pas empch une affluence massive, le 25 fvrier, dans les 12 000 bureaux de vote : la participation, estime 75 % selon les premiers chiffres, est historique. Le droulement du scrutin a t entach de quelques dysfonctionnements (retards dans le dbut des oprations de vote, lacunes dans la distribution des cartes dlecteur, absence de bulletins de vote dans certains centres, tels que constats par la Commission lectorale nationale autonome) qui ont t toutefois limits. Et tous les observateurs ont relev le calme et la motivation des votants, trs peu dincidents tant enregistrs.
La surveillance des oprations de vote a t assure par un important dploiement de personnes : reprsentants de la CENA et des partis politiques mme si bon nombre dentre eux ont eu des difficults assumer une reprsentation sur lensemble du territoire. Autre caractristique importante de ce scrutin, le nombre lev dobservateurs indpendants : de 2 000 2 500, selon les chiffres, parmi lesquels environ 500 personnes au titre de missions dobservations extrieures. Parmi celles-ci, on relve les missions dpches par lOrganisation des Nations unies, lOrganisation internationale de la francophonie (OIF), lUnion africaine (UA), lOrganisation pour la confrence islamique (OCI) et la Communaut conomique des Etats de lAfrique de louest (Cedeao), ou encore la prsence dune Coordination des observateurs internationaux indpendants, forte de 166 membres reprsentant 17 Ong et associations africaines.
Mais le principal dispositif en matire dobservation a t fourni, comme en 2000, par les associations sngalaises. Parmi celles-ci, la Rencontre africaine pour la dfense des droits de lhomme (Raddho) sest distingue par la rigueur de son travail, effectu tout au long de la phase prparatoire des lections, et durant le vote pour lequel un dispositif de plus dun millier dobservateurs avait t mobilis par lassociation. Trs vigilante et critique durant les semaines prcdentes, la Raddho a finalement estim ds le 26 fvrier que les lections staient droules de manire globalement satisfaisante ; son prsident, Alioune Tine, avait dores et dj tenu nuancer les critiques exprimes par les partis politiques quant la fiabilit du fichier lectoral, estimant que sil y avait eu des problmes cela ne suffit pas pour remettre en cause le processus .

Le rle crucial des mdias

Tout comme en 2000, les mdias sngalais, spcialement les radios prives, se sont relays pour assurer une couverture heure par heure du scrutin et, surtout, de la publication des estimations et rsultats partiels, selon une mthode dj au point : avec des correspondants dots de tlphones portables et prsents dans le moindre bureau de vote, les antennes des radios ont propos un suivi du dpouillement des urnes, de nature court-circuiter toute tentative de fraude les tats-majors des partis politiques nhsitant pas recourir leurs informations pour leurs propres pointages. Cet afflux dinformation en direct a contribu ddramatiser lannonce trs anticipe de la victoire dAbdoulaye Wade par ses militants, dans la mesure o les rsultats diffuss par les radios, et le lendemain par la presse, semblaient corroborer la nouvelle.
Les mdias publics ont, eux, eu droit dimportantes critiques de la classe politique, mais aussi de la mission dinformation de lassociation franaise Reporters sans frontires (RSF). Celle-ci a estim que leur couverture de la campagne lectorale stait montre trs dsquilibre, notamment sur les antennes de la tlvision publique et dans les pages du quotidien Le Soleil : Le groupe Radiodiffusion tlvision sngalaise (RTS), ainsi que lAgence de presse sngalaise (APS) et le quotidien public Le Soleil, nont pas respect la rgle du pluralisme dmocratique en consacrant, dans le cadre des journaux dinformation, prs de la totalit de la couverture de lactualit politique au gouvernement, majoritairement acquis au Parti dmocratique sngalais (PDS), parti dAbdoulaye Wade , relve ainsi RSF, qui regrette le peu de ractivit de linstance de rgulation, le Conseil national de rgulation de laudiovisuel, face aux drapages dment constats.

Des dclarations surprenantes, dans un contexte globalement apais

Ds le soir du scrutin, les militants du PDS, le parti dAbdoulaye Wade, annonaient sa victoire, et le lundi matin le directeur de campagne du prsident sortant, Macky Sall, galement Premier ministre, affirmait qu Abdoulaye Wade dpasse largement les 50 % requis pour tre lu au premier tour , ceci alors quaucun chiffre officiel ntait encore diffus. Cette prise de position a choqu, le prsident de la Raddho la jugeant scandaleuse , dautant quelle manait dune personnalit officielle. Reste que malgr les fortes tensions et suspicions, lensemble de la classe politique a contribu au droulement apais des oprations de vote, a-t-on pu constater : les principaux leaders politiques et certains chefs religieux avaient appel les Sngalais au calme.
Les premires leons de ces lections sont intressantes plus dun titre : dans lattente dventuelles polmiques et contestations post-lectorales, lexercice sest droul dans un climat trs pacifique, et il a t marqu par un net progrs dans la matrise des oprations matrielles du scrutin. Lintroduction du fichier biomtrique, en dpit des failles observes, donne une touche trs modernise llection sngalaise. Un observateur proche du Parti socialiste (opposition) en convient, tout en dnonant une volont de frauder : le pays est entr dans une nouvelle phase, avec dsormais un processus (lectoral) sophistiqu , limage de ce que tend devenir la dmocratie sngalaise.

Thierry Perret

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