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02/03/2007
Questions internationales (1)
Le Kosovo se cherche un statut dfinitif


(MFI) Le mdiateur de lOnu, Martti Ahtisaari, devrait remettre au Conseil de scurit avant la fin du mois de mars un projet de statut dfinitif du Kosovo. Celui-ci ne parle pas dindpendance, mais accorde une large souverainet la province balkanique. La Serbie est fermement oppose ce plan, tout comme la Russie, allie fidle de Belgrade. Le Kosovo pourrait nouveau sombrer dans la violence.

Que prvoit le plan de Martti Ahtisaari pour le Kosovo ?

Depuis juin 1999, le Kosovo est plac sous administration internationale et gr par la Mission intrimaire des Nations unies pour le Kosovo (Minuk) ; 16 000 soldats de lOtan (la Kfor) assurent sa scurit. Ce statut a t adopt aprs trois mois de frappes ariennes par lAlliance atlantique (mars-juin 1999), afin de mettre fin aux atrocits commises contre la gurilla indpendantiste et la population civile par les forces du dirigeant nationaliste serbe, Slobodan Milosevic. Dans la foule, un million de Kosovars dethnie albanaise qui avaient fui les exactions de lancien matre de Belgrade sont revenus chez eux, tandis que 200 000 Serbes quittaient le Kosovo. Aujourdhui, cette province de 10 800 km, montagneuse et trs pauvre, est peuple 88 % dAlbanais, 8 % de Serbes et 4 % de Roms.
En novembre 2005, Kofi Annan alors secrtaire gnral de lOnu a charg lancien prsident finlandais Martti Ahtisaari de dfinir un statut dfinitif pour le Kosovo, dans un contexte de recomposition rapide des Balkans. Lgalement, la province appartient la Serbie, mme si en pratique Belgrade ny exerce plus aucune autorit. Martti Ahtisaari va mener des ngociations pendant huit mois Vienne avec les Serbes et les Albanais, sans jamais parvenir concilier leurs positions. Les premiers refusent dabandonner une rgion quils dcrivent comme la source de leur culture, tandis que les seconds ne jurent que par lindpendance au nom de lhistoire et de leur supriorit dmographique.
Le 26 janvier 2007, Martti Ahtisaari a finalement prsent son plan pour le Kosovo. Prudemment, celui-ci ne parle jamais dindpendance pour ne pas irriter les Serbes. Mais tous les attributs de la souverainet sont runis. Le Kosovo disposera de sa Constitution, son drapeau, son hymne. Il aura comme cest le cas aujourdhui son Parlement et son gouvernement. Pristina pourra adhrer toutes les organisations internationales. Elle naura pas darme, mais des forces de scurit sans quipement lourd. Maigre concession Belgrade : le plan du mdiateur de lOnu insiste sur le caractre multi-ethnique de la province, accordant des droits aux minorits et une large autonomie aux villes majorit serbe. Impossible cependant de parler dindpendance du Kosovo car le texte prvoit le maintien dune tutelle internationale pour une priode indtermine. Une mission de lUnion europenne sera charge de veiller la mise en oeuvre de ce nouveau statut, et les troupes de lOtan renforces par une police europenne resteront stationnes dans la rgion. Comme lcrivait le Wall Street Journal : Il sagit dun protectorat europen indpendant qui conduira inluctablement une souverainet totale.

Quelles ont t les ractions dans les Balkans lannonce de ce plan ?

Pristina qui retient sa joie et Belgrade qui crie sa colre : cest laccueil reu par le plan de Martti Ahtisaari dans les Balkans. Le 14 fvrier, le Parlement serbe a rejet lunanimit ce plan qui viole lintgrit territoriale de la Serbie . Dans un pays o les partis ultra-nationalistes restent puissants, nul nadmet lindpendance du Kosovo. Jamais nous nabandonnerons 15 % de notre territoire. Le Kosovo est le berceau de notre histoire et de notre culture. Ses monastres en font une terre sacre pour les Serbes, la Jrusalem orthodoxe , plaide Boris Tadic, le prsident serbe, pourtant considr comme un rformateur pro-europen. Belgrade a adopt une nouvelle Constitution en octobre 2006 qui proclame la souverainet inalinable de la Serbie sur sa province mridionale. Nous ne sommes pas guids pas le fantasme dune grande Serbie hgmonique, comme Slobodan Milosevic. Nous souhaitons tre un Etat moderne, membre de lUE. Mais nous devons dfendre lunit de notre patrie , poursuit Boris Tadic.
Evidemment les ractions ne sont pas les mmes Pristina. Beaucoup se disent dus que lindpendance ne soit pas explicitement affirme, tout en sachant que le plan de Martti Ahtisaari y conduit inluctablement , pour reprendre les mots du prsident Fatmir Sejdiu. Lindpendance du Montngro, adopte par rfrendum le 22 mai 2006, a renforc la dtermination des Kosovars. Aprs ce que les Serbes nous ont fait subir pendant la guerre, comment peuvent-ils imaginer que nous partagions encore une communaut de destin ? Pourquoi senttent-ils vivre dans le pass ? Lindpendance est une vidence , soutient Agron Bajrami, journaliste au quotidien Koha Ditore. La dmographie nest pas favorable aux partisans de Belgrade. Lge moyen des 130 000 Serbes du Kosovo est de 54 ans ; celui des 2 millions dAlbanais de 28 ans. Nous pouvons vivre ensemble. Cest une question de bonne volont de part et dautres. Nous sommes musulmans ; ils sont orthodoxes. Et alors ? Certains de mes voisins sont serbes et cela se passe bien , veut croire Agim Osmani, un commerant de Pristina.
La cohabitation est pourtant lourde de menaces. Aujourdhui, les Serbes vivent dans des enclaves protges par les soldats de la Kfor. A lannonce du plan de Martti Ahtisaari, des manifestations dans la ville de Mitrovica ont fait deux morts et 70 blesss, et le 19 fvrier, un attentat a dtruit trois voitures de lOnu Pristina. En 2004, des extrmistes albanais avaient tu 19 personnes lors dmeutes anti-serbes et incendi plusieurs monastres. Dj les nationalistes serbes et albanais menacent de reprendre les armes sils nobtiennent pas ce quils dsirent. La crainte est que les districts majorit serbe ne fassent scession et se rattachent Belgrade. Ce projet de statut du Kosovo est le bon sens mme, estime un diplomate europen. Le Kosovo nest plus sous administration serbe depuis 1999. Cela fait 8 ans que Pristina a son propre gouvernement, lit son Parlement, lve ses impts Rien de ce qui se dcide Belgrade ne sapplique au Kosovo. Lindpendance permettrait une rgion trs pauvre de se concentrer sur les vrais problmes : lconomie, la modernisation des institutions, le rapprochement avec lUE.
Martti Ahtisaari ne se fait gure dillusions. Il a organis une nouvelle runion de conciliation entre Serbes et Kosovars qui devrait durer jusquau 10 mars. Mon objectif est de donner toute sa chance la diplomatie. Mais il est trs difficile dimaginer une solution ngocie sur le Kosovo tant les vues des deux parties sont diamtralement opposes. Les Kosovars ont fait plus de concessions que les Serbes dont le discours se limite refuser lindpendance. Mme si je ngociais toute ma vie, ils ne saccorderaient pas , dclarait-il rcemment au quotidien Le Monde. A moins dun miracle de dernire minute, Martti Ahtisaari devrait prsenter son plan au Conseil de scurit de lOnu qui tranchera.

Prcisment, quelle est la position de la communaut internationale sur ce projet ?

Les Etats-Unis ont qualifi le plan du mdiateur de lOnu de juste et quilibr . De son ct, lUnion europenne estime que les propositions de Martti Ahtisaari permettront de promouvoir au Kosovo une socit dmocratique et multi-ethnique fonde sur lEtat de droit . Appelant la Serbie cooprer de manire constructive pour aboutir un compromis raliste , lUE a mme assoupli les conditions imposes Belgrade pour mener des ngociations dadhsion. Ces ngociations sont suspendues depuis mai 2006, les 27 reprochant la Serbie son manque de coopration avec le Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie et notamment de ne pas livrer le criminel de guerre Ratko Mladic, inculp de gnocide par le TPIY pour le massacre de 7 000 musulmans Srebrenica. Pour amadouer Belgrade, lUE serait prte ne plus exiger larrestation de Ratko Mladic, mais se contenter dune coopration avre avec le TPIY. Cette ide ne fait cependant pas lunanimit parmi les 27. Quant Belgrade, si elle espre rejoindre lUE, elle refuse de lier cette adhsion au sort du Kosovo.
Le principal obstacle ladoption du plan de Martti Ahtisaari par le Conseil de scurit rside dans le soutien indfectible de la Russie la Serbie. Moscou menace dopposer son veto tout texte qui naurait pas t approuv par Belgrade et Pristina. Le ministre russe des Affaires trangres, Sergue Lavrov, a rcemment dclar que lindpendance du Kosovo aurait des consquences des plus ngatives pour les Balkans et lEurope en gnral . La Russie nadmet pas que lOnu puisse approuver lindpendance dune rgion sous prtexte que celle-ci dispose de spcificits religieuses, linguistiques, culturelles, historiques et a subi les attaques armes du centre. Cela serait crer un prcdent dont pourrait se prvaloir la Tchtchnie et bien dautres rgions dans le monde, le Tibet par exemple. LOsstie veut quitter la Gorgie pour revenir dans le giron russe. Nous pourrions alors appuyer sa revendication, et celle de bien dautres enclaves russophones en Europe de lEst , avertit Sergue Lavrov. Cest pourquoi, dans son document, Martti Ahtisaari a pris soin de prciser que le statut du Kosovo ne crait pas un prcdent pour dautres rgions qui connaissent aussi un litige territorial.
A en croire le mdiateur de lOnu : Si aucune solution diplomatique nest trouve, le Kosovo pourrait trs vite proclamer unilatralement son indpendance. Les Etats-Unis et lUnion europenne le reconnatront. Dans lhypothse optimiste, quelques manifestations de rue agitent Belgrade, et les dirigeants serbes font des dclarations tonitruantes, mais sans plus dans lespoir de rejoindre lUE. Dans lhypothse pessimiste, le Kosovo sombre nouveau dans la violence, alimente par les extrmistes de tout bord.

Jean Piel

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